Dictature douce, brutalités policières et capitalisme délirant.

Reparler d’Anne Méaux, comprendre pourquoi on tait ses agissements. Noter un duel Twitter et remarquer la rapidité avec laquelle les esprits s’échauffent. Résister à la pensée des Sondages pour mieux penser bibi (singulièrement).

Et enfin saluer ce qui jamais ne peut s’esquiver : les auteurs qui nous donnent ce qu’ils ont de plus cher dans leurs livres. Aujourd’hui : Jean-Claude Pirotte.

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Bizarre :   Anne Méaux, la Papesse des Communicancans, actuelle assistante Com’ de Fillon, n’intéresse pas grand-monde côté Médias. Pourtant, elle est au carrefour national et international des Puissants de ce Monde, des Puissants de «gauche» comme de droite et vice-versa. Le Canard Enchaîné de cette semaine nous en dresse le portrait. Pour celles et ceux qui connaissent mon blog, tout avait été dit dans mon bibillet d’août… 2011 !

Avec l’aide de l’article du Canard, je rajouterais deux choses à mon ancien bibillet, deux choses qui expliquent que les Medias Presse ne vont pas gratter de ce côté. 1. Cette Dame a sous sa coupe la moitié des Boss du CAC40. A dire simplement cette chose simple, on a la réponse au pourquoi à ce silence quasi-général, à cette absence de critique. Madame Méaux et son Agence Image 7 ont en effet 2. presque tout pouvoir sur les recettes publicitaires de ces journaux et hebdos. Et ainsi, il est devenu impossible d’émettre la moindre critique qui mettrait en cause une telle puissance d’argent et d’images. Anne Méaux n’est pas contente ? Une chiquenaude et hop hop, voilà Anne Méaux prête à couper le robinet qui les fait vivre. Elle n’est pas belle la France des Libertés ? Il n’est pas beau ce Capitalisme délirant ?

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Grotesque, nauséeux : les Instituts de Sondage continuent de nous harceler, continuent de bousiller notre vie. Par exemple, un type de «quelque importance» lâche une énormité et hop voilà aussitôt une question d’opinion lancée à 825 pékins censés représenter la France. Hop, dès le lendemain, les perroquets de la Journaille nous abreuvent de leurs commentaires qui ne font que répéter le sondage. Ainsi s’enrichissent ces Instituts, car, hop hop, le surlendemain, c’est un autre sondage, disséqué, répercuté, puis un autre etc etc. On veut nous faire penser par sondage (1), on veut nous habituer à nous agenouiller devant les Représentants des soi-disant plus forts pourcentages, on veut nous habituer à ne plus tenir compte des minorités, à les censurer en douce, à ne plus remarquer aussi que disparaissent dans les journaux les enquêtes et investigations politiques. On relira avec intérêt ce qu’en écrivait déjà Pierre Bourdieu dans son bel article : «L’Opinion publique n’existe pas» (2).

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Marrant : ce matin, découvrant un article neutre de Libération sur une déclaration de Julien Dray (qui réclame un salaire minimum de 9000 euros pour les députés !!), je lance un tweet, trouvant obscène cette déclaration. Je rajoute que l’article de Liberation – posé sans un seul commentaire la critiquant – était aussi obscène… sinon plus. Oui, obscène position d’un quotidien se réclamant de Gauche rapportant ces propos sans le moindre regard critique. Et voilà qu’une de mes abonnées (pro-Libe ?) me tance en boomerang au motif qu’il y va de la liberté d’expression du canard, «liberté que je refuserais à d’autres» et que «ce qui est obscène c’est de penser que l’on peut juger tout le monde mais refuser la moindre critique sur soi».(donc sur moi). Boum, rien de moins.

Alors qu’il soit entendu que je ne dénie pas le droit à Libe de poser ces infâmes propos de Dray de cette façon (de fait, ai-je précisé, Liberation, qui les rapporte sans une réflexion, les avalise) mais qu’il soit aussi bien entendu qu’il me reste encore ce petit droit (moins grand que celui du quotidien de Drahi) d’oser porter un jugement sur cette façon de «faire» un article.

Conclusion-bibi : chez – hélas – beaucoup de gens, cette Campagne 2017 fait brûler les neurones à vitesse Grand V.

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Les neurones. Comme ceux de Pierre Bergé, patron du très objectif quotidien Le Monde félicitant son Chien de Garde, niche libérale, Arnaud Leparmentier.

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Digne : toujours sur Twitter, je retiendrais plutôt ce tweet d’Edouard Louis sur le livre de Violaine Gelly : «Violaine Gelly, la biographe de Charlotte Delbo (ancienne déportée à Auschwitz-Birkenau et à Ravensbrück) montre comment elle a continué à lutter toute sa vie contre la violence, notamment policière». Avec cet extrait rapporté :

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Minute de Saudade : Pour sortir de ce marasme des Présidentielles, de ces esprits échauffés, de cette Propaganda-Macron ahurissante qui doit ressembler à celle de Moscou 1955, on peut aller voir du côté des livres, par exemple du côté de cette lettre précieuse de Jean-Claude Pirotte pour Antonio Lobo Antunes (3):

«Je pensais à ces petits matins de novembre que tu décris, « tristes comme la pluie sur une cour de récréation pendant la leçon de mathématiques », et à ce mot d’Ortega y Gasset que tu avais cité dans l’après-midi : « L’art est l’enfance qui a fermenté ». L’enfance, l’enfance. Elle ne nous quitte pas, nous ne la quittons pas ».

Triste ? : Lire ce genre de choses, paradoxalement, ne me rend pas triste, pas même triste de cette «tristesse solennelle» dont parle Fernando Pessoa. Elle m’égayerait plutôt, elle me rendrait – non pas joyeux, n’exagérons rien – mais plus disponible au Monde. Ce genre de lecture me régénère quelque peu, ravive chez moi une envie pressante : celle de continuer… à lire et à découvrir Jean-Claude Pirotte.

Aussi je salue mes amis lectrices et lecteurs de mon blog comme Pirotte salue Lobo Antunes : «Il est temps que je t’adresse enfin, si tu le veux bien, mon salut fraternel, et que je substitue à l’amertume du vin la toute prochaine amertume du jour».

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  1. On soulignera que ces Instituts mortifères sont régis par des Chiens de Garde évidemment de type libéral. Comme ce Hughes Cazenave, Président d’Odoxa, qui travailla avec ce fieffé ex-membre d’extrême-droite Gérard Longuet, aujourd’hui LR.
  2. Pierre Bourdieu. Questions de Sociologie. Editions de Minuit. Page 222 et suivantes.
  3. Jean-Claude Pirotte. Plis perdus. La Table Ronde.

 

6 Responses to Dictature douce, brutalités policières et capitalisme délirant.

  1. Toujours d’accord, je retiens ce bouquin de Pirotte que je n’ai pas encore lu.

  2. agatheNRV dit :

    Oui, Libe et Le Monde… (liste non exhaustive) sont à l’image de leurs dirigeants de multinationales, leurs journalistes sont les passe-plats du pouvoir. D’accord avec toi sur cet article.

  3. Robert Spire dit :

    Bibi, dans un article sur Tucholski, tu citais en 2013 cette phrase de Franz Werfel: «Nous avons été les chauffeurs de l’enfer dans lequel le monde était en train de sombrer»
    et tu continuais:
    « Revenons à cette prédilection de Tucholski pour la satire. La satire reste un outil pratique (il rapporte des rires et du lectorat – je lis et suis fidèle au Canard Enchaîné par exemple) mais douteux car elle peut rallier tous les mécontents… même si ces derniers sont irréductiblement opposés entre eux. Tu ris sur une blague contre les fonctionnaires et tu te retrouves à rire avec un type du FN. Le trait satirique aide bien à démasquer le plus souvent quelque chose de révoltant mais il ne donne pas nécessairement le sens politique dans lequel doit être compris le Réel. »
    Analyse qui rejoint ce que d’autres ont relevés: http://www.mondialisme.org/spip.php?article2561
    et:
    http://www.mondialisme.org/spip.php?article2566
    Et:
    http://www.mondialisme.org/spip.php?article2562
    Dans cette campagne présidentielle, on assiste toujours à cette incapacité de la gauche de donner comme tu disais le « sens politique dans lequel doit être compris le Réel. » Et ce malgré les efforts de Mélenchon…

  4. BiBi dit :

    @RobertSpire

    Viendra le temps où l’on pourra analyser plus sereinement ce qui se passa sous Weimar. Hors, bien sur, des schémas de ces historiens-bons-à rien qui ne sont là que pour donner des leçons ou des historiens mous du col mais méchants dès que l’on touche à leurs Médailles de Chevalier, de l’Ordre et du Mérite. Oui ils ont été les chauffeurs de l’enfer mais de cela, éviter de s’emballer, de s’enfoncer dans la recherche des coupables. Juste ne pas fermer les yeux sur les stratégies, éclairer ce qu’il y eut comme leurres, illusions, aveuglements et mots d’Ordre ( de ces mots d’ordre qui ont amené le pire Désordre de l’Histoire humaine).

    Dans cette campagne 2017, je pense que les petits jeunes qui en sont à leurs premiers combats ont cette chance d’être à l’orée d’un nouveau bois. La gauche de gauche, perdante en avril, peut retrouver un allant, des solutions possibles pour que les Damnés de la Terre s’emparent des bons outils, tracent des sillons ( qui – je le crois – ne seront plus : du Programme Commun PC-PCF, ne seront plus du : désistement pépère au second tour. Avec 3. une expérience accumulée où les illusions – toujours persistantes (comment faire sans ?). Avec cet espoir increvable que les dégâts seront moindres dans les combats à venir. Et que cela rendra la crise et son cortège de brutalités libérales quotidiennes moins douloureux.

  5. Miliana dit :

    Lectrice assidue et reconnaissante, merci Bibi. Je t’envoie mon premier commentaire en ce 19e Printemps des Poètes.

    En lisant la Minute de Saudade, je pense à ce poème d’Andrée Chedid qui m’accompagne depuis toujours :

    « Regarder l’Enfance »

    Jusqu’aux bords de ta vie
    Tu porteras ton enfance
    Ses fables et ses larmes
    Ses grelots et ses peurs

    Tout au long de tes jours
    Te précède ton enfance
    Entravant ta marche
    Ou te frayant chemin

    Singulier et magique
    L’œil de ton enfance
    Qui détient à sa source
    L’univers des regards.

  6. BiBi dit :

    @Miliana

    Emouvant. Toujours sur l’Enfance.
    En écho 2 aphorismes :

    1. Elle me disait : «Tu dissertes et bavardes sur ton enfance, tu ne la fais pas vivre».
    2. Elle me disait : «Le texte original de ton enfance est à jamais perdu. Sa réécriture occupera toute ta vie».

    Bientôt inclus dans un récit à paraître.

    Et un vieux bibillet : http://www.pensezbibi.com/categories/livres-de-lecture-poesie/brouillards-denfance-16703

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