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Le Cinéma ? Une Maison à deux portes.

Godard et Eustache

Dans les années 75-80, certains intellectuels avaient décrété que le Cinéma était mort. Ils avaient fait démarrer le cortège mortuaire à la date du «décès» du cinéaste Pier Paolo Pasolini (novembre 75). Mais comme dans toutes choses, la Vie se charge de dire le contraire : décréter la fin du Cinéma, haranguer la foule – populace ou élite – pour faire passer ce Message de Mort n’aura évidemment pas suffi. Le Cinéma n’est pas mort même si BiBi fait souvent une tête d’enterrement à la sortie des cinémas (et des films).

Cinéma américain et bistro français.

VAGABONDAGE PARISIEN (suite) : à Paris, il n’est pas forcément question que de Paris. Sauf lorsqu’on se souvient qu’ici est né le Cinéma avec la 1ère représentation publique (au Salon Indien du Grand Café, 14 Rue des Capucines). 

CAFÉ, CINÉMA : Voilà qui justifie le titre de mon billet. Ce 28 décembre 1895, il y eut à peine 20 spectateurs pour la 1ère séance mais l’invention fut vite généralisée. Le projecteur des frères Lumière fit alors le tour du Monde (de l’Amérique). Des opérateurs furent envoyés aux quatre coins de la terre pour filmer, pour montrer, pour découvrir et ouvrir une Terra Incognita.

 

Les Jours d’Après.

Depuis que j’ai relâché la tension (l’attention) sur Nicolas-la-Fripouille et ses mesures abhorrées, il y a comme un air léger, comme une envie de picorer, de butiner, d’aller de-ci, de-là sans souci de la destination.

Et d’abord de s’en aller piocher – comme jadis – dans les livres.

Serge Daney et la joueuse de ping-pong.

Présentation d’un texte de Serge Daney, formidable lecteur d’image de cinéma (comme de télévision). Ce texte porte sur «Quelques gestes de Tokyo à Yamagushi», installation vidéo de Christophe Bargues dans le cadre d’une Expo sur le Japon au Centre Pompidou (1986).

Serge Daney l’avait rédigé à partir d’un des dix photogrammes de matchs de ping-pong filmés au Japon. Dans cet extrait numéro 5, il y tisse plusieurs fils : le fil rouge du sport (ici le tennis de table que Daney aimait – comme tout sport), le fil de la transmission (Le Maître, l’élève), le fil de la re-transmission (une image aux couleurs télévisuelles du noir et du blanc), le fil de la passion (entre accueil paisible et intranquillité). 

Les Césars, Fabrice Luchini et son humour de potache.

BiBi aime bien Fabrice Luchini. A l’approche de la cérémonie des Césars (invitée : Jodie Foster – BiBi marque et anticipe déjà un soupir d’aise), il est rigolo de lire ce que l’acteur déclarait il y a un an à peine:

«Que ce soit les Césars ou les Molières, cela me paraît aussi aberrant d’être pour que d’être contre. Pour moi, c’est une invention hallucinante ! Introduire le principe de la compétition au cœur de cet espace singulier où l’acteur évolue, récompenser les gens, cela n’a vraiment rien à voir avec ce qui fait la beauté de ce métier (…).Cette concurrence est d’une stupidité insensée».

On peut approuver le point de vue distancié de Luchini mais cela ne suffit pas à comprendre pourquoi cette Cérémonie rituelle existe. Peut-être revient-elle tous les ans pour donner corps à la profession et apparaître aux yeux de tous comme une Famille… à laquelle, de rêves en rêveries, chaque spectateur pourrait/voudrait appartenir ?

Chacun «possède» en effet sa cinémathèque intime (ou en est possédé). Ce n’est pas rien, cette projection singulière des spectateurs sur les Acteurs, sur les Actrices, sur les Films ! Pas rien ce désir increvable de Gloire ou cette faim – comme l’écrivait justement Serge Daney (1) – «d’être vu par les films» (pour leur appartenir) ! Pas rien cette envie dévorante du narcissisme secondaire d’apparaître encore et toujours en pleine lumière !

Hypothèse-BiBi : la tenue des Césars a une double fonction signifiante. Elle dit  :

1. la Famille appartient au Cinéma (et aucune autre famille n’existe hors sa domination).

2. Le Cinéma appartient à la Famille. Cette dernière affirmation est évidemment grotesque puisque les films n’appartiennent pas plus aux cinéastes que les tableaux n’appartiennent aux Peintres ou que les livres aux écrivains (2).

Peut-être ce rituel des César est là aussi pour introduire cette idée très libérale de compétition entre artistes ? Peut-être aussi que, derrière ces rituels, il y a une volonté de maîtriser ce qu’on ne maitrise pas ? Et ce qu’on ne maitrise pas, ce qui échappe, c’est la Mort.

Contiguïté du Cinéma et de la Mort : on descend dans la salle obscure comme on descendra, un jour, dans la tombe. Et ajoutons qu’on ne sait jamais ce qui nous y attend(ra).

BiBi reconnaît que Fabrice Luchini est souvent casse-bonbon, qu’il peut énerver beaucoup de gens par ses numéros de potaches à répétition (article de Paul Villach sur AgoraVox(3)) mais le Monsieur a quand même fait ses preuves sur scène – (peut-être moins au Cinéma où il n’y a rien à signaler hors les films de Rohmer et deux ou trois autres bricoles). L’écouter réciter du La Fontaine en verlan, des aphorismes de Nietzsche ou les Fleurs du Mal de Baudelaire, c’est quelque chose et c’est aussi autre chose. Alors BiBi lui pardonne beaucoup (peut-être trop).

Le film «Les Femmes du Sixième étage» vient donc de sortir. On s’attend évidemment à un plan-Luchini, l’acteur se révélant très bon client médiatique.

Au début de son abonnement à Twitter, BiBi eut quelques (bons) mots en 140 caractères avec le compte de Fabrice Luchini. Dialogue rigolo et sérieux jusqu’à ce qu’un pauvre troll l’interrompît en s’immisçant dans le compte de l’acteur. Allez, Fabrice, BiBi t’invite à venir faire un tour ici : t’auras tout loisir d’y déposer tes commentaires.

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  • (1) Serge Daney écrivait aussi : «On se tient plutôt tranquille dans une salle obscure, on vit son aventure personnelle avec le film, et en même temps, on est content de l’avoir vécue en même temps que d’autres». Le cinéaste Jean Eustache, lui, était plus radical puisqu’il disait très sérieusement qu’à la sortie du cinéma, un couple – en cas de désaccord sur le film – pouvait s’entredéchirer jusqu’à se séparer définitivement.
  • (2) BiBi cède, lui aussi, à la citation :  «L’ennemi absolu est celui qui prétend être maitre du langage». (Vaclav Belohradsky). Les César et les codes récompensés ont justement cette prétention.
  • (3) Les citations-Luchini à répétition peuvent certes être perçues comme des profits de distinction ou comme des « manies de potaches » (Paul Villach) mais elles peuvent aussi être des ouvertures bienvenues. Et pourquoi l’acteur se priverait-il d’énoncer la beauté de la prose de ses Idoles en lieu et place de son charabia qu’il sait être clownesque ? Après tout, l’admiration pour « un grand maître » peut ne relever ni de l’Idolâtrie ni de la Soumission.