Monthly Archives: mai 2010

La Découpe du Monde (1).

Il y a plus de seize ans – c’était en 1997, juste avant l’euphorie Black Blanc Beur un peu naïve qui avait accompagné la victoire des Bleus au Stade de France – BiBi avait publié un recueil de 14 nouvelles très noires avec, comme fil rouge, le Football, son Réel et ses Imaginaires. Un recueil sur lequel BiBi a récupéré les droits et qu’il cherche à re-publier 🙂 La nouvelle ici présentée était la première des 14. Chaque Nouvelle avait un exergue. La phrase d’Hamlet, acte II, scène 2 (« Ô Dieu ! Je pourrai être enfermé dans une coquille de noix et me sentir le Roi d’un espace infini… seulement voilà, je fais de mauvais rêves ») ouvrait cette première nouvelle qui s’intitulait : « La Découpe du Monde ».

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«Défiez-vous de vos idoles» répétait souvent son entraineur. Mais aujourd’hui, Artur R. n’écoutait pas les conseils. Il placardait les murs de sa chambre avec des photos grand format de ses footballeurs préférés. Serge C. Georgie B. Hugo S. Des encarts en couleur découpés dans l’hebdomadaire sportif que son père, abonné de la première heure, recevait depuis des années. Aussi loin que remontaient ses souvenirs, Artur R avait été habitué à voir la revue dans le porte-journaux du salon. Les seules lectures autorisées dans la maison étaient celles de l’hebdo sportif et du Bulletin mensuel des Armées.

Artur R chercha quelques punaises dans la boîte et ajouta trois posters au-dessus du bois de son lit : un cliché d’une reprise de volée qu’il avait lui-même effectuée lors d’une rencontre de pupilles au Tournoi des As, une photo de Raymond K. amorçant un dribble court et un instantané de Michel P. délivrant un ballon au millimètre.

– « Je crois que tu devrais te préparer, conseilla la mère d’Artur R en entrant dans la chambre. Ton père va bientôt arriver et tu sais qu’il a horreur que tu sois en retard à l’entraînement».

Artur R ramassa instantanément les petits bouts de papier éparpillés sur le tapis et rangea le reste de ses affiches dans le tiroir de son bureau. Il ouvrit ensuite son armoire et s’habilla méthodiquement pour son entraînement du soir. Chaussures propres, cirées. Chaussettes jaunes, flambant neuf. Short, survêtement nickel. Tels étaient les désirs de son père.

Ce soir-là, l’entraîneur parla longuement tactique et insista sur l’importance du match de dimanche. En cas de victoire, avait-il souligné, les portes de la finale du Tournoi des As seraient définitivement ouvertes.

Artur R, titulaire indiscutable, avant-centre incontesté, représentait le meilleur atout offensif de l’équipe. En dépassant régulièrement la barre des quarante buts par saison, il était devenu un leader d’attaque craint et respecté.

A la fin de la séance des tirs au but qui clôtura l’entraînement, ses coéquipiers vinrent l’entourer. Dans le brouhaha, on entendit fuser un refrain joyeux, bientôt repris en chœur : «Joooo-yeux Aaaannniversaire ! Artur !». Et sous la lumière blafarde des projecteurs, Artur R riait aux éclats.

L’entraineur fendit la ronde chaleureuse des jeunes footballeurs et tendit un paquet à son protégé. «Pour tes douze ans !» dit-il simplement. Artur R déchira aussitôt le papier et ôta maladroitement les liens qui retenaient le livre.

Un livre sur Pelé. Deux cent trente pages sur le numéro dix brésilien.

Dimanche, Artur R attendait impatiemment la demi-finale du Tournoi annuel des As et se mit à rêver aux 1284 buts marqués par l’avant-centre du Brésil tout au long de sa carrière. C’était bien ça le plus incroyable dans ce livre, le chiffre : 1284. Il avait du mal à imaginer.

Pendant les trois jours qui précédèrent la rencontre dominicale, Artur R lut et relut le livre offert par son entraîneur. Le passage qu’il préférait était celui où l’auteur rappelait le geste magnifique de l’avant-centre brésilien. Mexico 1970.

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Suite et fin de la nouvelle : La Découpe du Monde (2).

Les Flèches de BiBi (15 /21 mai).

Nicolas et le Désir.

Dans le Monde du 6 mai, on découvre le nouveau programme d’un Chouchou très tendance. Ses Conseillers Com veulent « instaurer le secret pour susciter le désir ». Mais ils ne parlaient évidemment pas du Dossier Karachi où il est question certes d’instaurer le secret mais… pour ne pas susciter le désir (d’en savoir plus).

Le Figaro très (in)suffisant.

Dans le numéro du 6 mai, le Figaro rapporte : « Le Chef de l’Etat s’est voulu blagueur et chaleureux. « Vous êtes un grand stratège » lui a dit un député. « Merci de louer mon caractère exceptionnel » a ironisé le Président ». Le Figaro n’a rien compris : aucune ironie là-dedans. Juste de la suffisance.

A la page.

Caroline de Monaco a chapeauté le Prix littéraire Prince Pierre de Monaco, créé en 1951. Sur le Rocher, les pages des livres primés ne sont pas blanches. Plutôt blanchies.

Antoine et Joseph.

Antoine Arnault, fiston à pistons de Bernard de LVMH et directeur de com de Louis Vuitton, a signé avec Joseph Blatter, président de la FIFA un drôle d’accord. Le malletier de luxe va réaliser une malle unique pour transporter le trophée de la Coupe du Monde. Emballeur, footballeur : tous à mettre dans le même sac.

Cécile Duflot.

La Présidente du groupe Europe Ecologie est invitée ce samedi dans l’émission de Laurent Ruquier. N’y aurait-il pas d’autres lieux pour se mettre au vert ?

Jean-Luc Hees sans humour.

On s’attendrait à ce que Jean-Luc Hees, patron de France-Inter, défende ses employés, Stéphane Guillon par exemple. Au lieu de cela, il évoque les «dérapages» de l’humoriste en ces termes : «Il faut mettre les choses en perspective : l’humour prend trois minutes le matin ». On aimerait savoir quand même si le Boss les revendique ces trois minutes car au slogan « France-Inter : Écoutez la Différence » BiBi rajouterait illico : « La Différence sur trois minutes ».

Pampers en tient une couche.

Pampers fait tester sa nouvelle Pampers : la Pampers Dry Max aux bébés. Pour ça, on a rassemblé plus de 1200 mamans. « Pour faire moins de déchets » dit la Multinationale très maternante qui a commencé par… évacuer bizarrement les papas de son affaire.

Le Bonheur est dans le pré.

Julie Depardieu a déclaré aux Inrocks : « Je rêverais d’être une vache, une gentille vache qui broute dans le pré. Elle régurgite toute la journée mais elle ne bronche pas, elle regarde passer les trains. Dans ces trains, il y a des connards qui pensent avoir à faire des choses essentielles. Et elle, elle broute ». Heureusement, elle corrige quelque peu le tir : « En tant que bonne charolaise, je rêve sur les trains qui passent sans essayer de les prendre ». Avec Julie, ne soyez pas vache. BiBi aimeuh beaucoup Julie et Julie émeut beaucoup BiBi.

Flèche de Cœur.

Cette semaine, BiBi a découvert un blog « C’est la Gêne ». Un blog de quatre «connards»(L’Arabe, le Pédé, la Meuf et le Juif) qui ne disent et n’écrivent pas forcément des conneries. BiBi a lu un billet sur Alain Minc et son papa de 102 ans qui vaut vraiment le détour. Là où «C’est la gêne», y a vraiment du plaisir.

Roman Polanski s’évade grâce à Milan Kundera.

BiBi a dévoré « L’Art du Roman » de Milan Kundera et a fréquenté avec passion et gourmandise plusieurs de ses grands textes. Même si BiBi lui préfère Bohumil Hrabal et son chef d’oeuvre (« Une trop bruyante solitude » ), il a toujours été attentif aux interventions du Romancier franco-tchèque. Le Monde lui a ouvert un espace dans le Décryptages Débats du 7 mai. Le billet de Kundera est intitulé : « La Prison de Roman Polanski ».

Tristesse-BiBi dès les premiers mots de Kundera. L’écrivain franco-tchèque avertit le lecteur du désintéressement absolu de sa démarche. « Je n’ai jamais rencontré Roman Polanski ». Façon de dire et de tenter de nous convaincre que son argumentation sera donc dénuée de toute arrière-pensée, qu’elle sera objective et non partisane.

Voyons ça de plus près : Kundera se transforme en Juge et revêt illico un habit de Justicier. Il ne veut pas «dire un seul mot sur l’aspect juridique» mais, dix lignes plus loin, il délivre sa sentence en petit Procureur : «Le procès prolongé à l’infini n’apportera rien à personne, à personne, à personne».

La victime ? Bah ! Quelle importance ? Ravalée à un fantôme, elle a pardonné à Polanski «depuis longtemps». Alors un procès en Justice : pfffttt…

Et Polanski ? Ô le Pauvre Polanski ! «L’accusation occupe entièrement sa tête (…), le prive de vie». Milan Kundera a manifestement la mémoire courte : «The Ghost Writer», dernier film de Polanski, est sorti sans encombres le 3 mars sur les écrans. «Entièrement sa tête» ? Dommage que le cinéaste n’ait pas eu une petite place pour la victime et pour d’éventuelles « excuses ». Mais peut-être que BiBi n’a pas parcouru toutes les déclarations du cinéaste ?

Le point de vue et la défense de Kundera en deviennent tarabiscotés. Pour excuser et gommer un abus sexuel sur mineure de 13 ans, voilà la conviction du Romancier : «C’est l’art européen, sa littérature, son théâtre qui nous ont appris à déchirer le rideau des règles juridiques, religieuses, idéologiques, et à voir l’existence humaine dans toute sa réalité concrète». BiBi peut applaudir à l’assertion mais se demande quel rapport peut-il y avoir avec le procès qui attend le cinéaste ? L’Art (l’Europe) au-dessus des lois ? L’Art, la Culture européenne comme arguments décisifs de sa Défense ? Euh… BiBi ne pige pas.

Autre refrain déjà entendu ailleurs : «Roman est persécuté pour un acte qui a eu lieu il y a trente-trois ans». Devrait-on le laisser en paix pour cela et ne passer en procès que les actes d’abuseurs datant de 33 jours, de 33 minutes ou de 33 secondes ?

Pour BiBi, Milan Kundera se cherche toujours une Famille (surtout artistique, surtout européenne, surtout unanime). Pas forcément l’Europe des Droits de l’Homme et du Citoyen qui sortit la France monarchique (et l’Europe) des injustices de Droit divin. Et BiBi de conclure sur cette interrogation : n’y a-t-il pas là un transfert inconscient de Kundera sur le cinéaste Polanski… au mépris de la Vérité et de la Justice ? Lorsque Kundera écrit que le Cinéaste est «toujours en prison», ne parle t-il pas de lui, de son exil et des ses propres années sombres d’après le Printemps de Prague, années où il fut lui-même… «persécuté et surveillé» ?

Henri de Castries, parachutiste au parachute doré (2).

Des phrases de légende.

Dear Henri de Castries n’a donc plus rien à craindre et c’est en toute liberté qu’il pourra répéter ses phrases légendaires :

« Je ne vais pas me cacher derrière mon petit doigt. Il y a dans l’équipe du Président un certain nombre de personnes dont je suis proche ». Henri fut au service de Balladur dans un trio de choc : Henri de Castries au Trésor, Jean-Marie Messier et Philippe Jaffré au ministère de l’Economie et des Finances. Avec Chouchou, ils se racontent les bonnes histoires du bon vieux temps balladurien.

« Je trouve formidable que le président de la République et le gouvernement manifestent un intérêt réel pour l’entreprise et pour l’économie ».

« Je suis partisan de l’économie de marché la plus ouverte possible. Aux Etats-Unis, il y a des inégalités choquantes mais c’est une économie de plein emploi. Vous trouvez cela réac ?»

« Ne stigmatisons pas, au nom de quelques excès, les gens qui font bien leur travail » ( Les Echos, septembre 2006).

Les Belles Années.

En mai 2007, le magnanime Henri de Castries annonça qu’il renonçait à ses stock-options sur les titres AXA pour 2007. « J’estime, avec le conseil de surveillance, que j’en ai déjà reçu un nombre suffisant et que cette distribution annuelle de stock-options pour les dirigeants ne doit pas être systématique ». Sauf que l’année suivante, il se les ré-attribuent sans vergogne.

Les mauvaises langues (pas celle de BiBi) murmurent qu’il a fait souvent figure de très mauvais élève. Ainsi, en 2008, son « salaire fixe a été augmenté de 20% » alors que les bénéfices de la société avaient plongé de 83%. En 2009, l’Argus de l’Assurance rapportera ainsi (22 mars 2009) : « Il y a des voix qui s’élèvent pour défendre les stock-options. Le président de l’assureur Axa, Henri de Castries, juge qu’elles ne sont pas forcément « mauvaises » pour l’entreprise ».

En 2010, il quitte la présidence du Directoire AXA pour en devenir le Grand Chef  PDG. Il s’entoure d’une Dream Team et féminise les instances de son CA avec Isabelle Kocher (Lyonnaise des Eaux), Suet-Fern Lee (Stamford Law) et Dominique Reiniche (dont BiBi loua les belles jambes).

Un enfant fragile malgré les attentions du Parrain.

Ce Dear Henri a toujours eu la réputation de se ronger les sangs à la moindre alerte. Un enfant fragile, paraît-il, qui pose question à BiBi : le Patron des Assurances AXA manquerait-il… d’assurance ? «Keep cool Henri » lui susurrent encore aujourd’hui les grands Capitaines d’Industrie pour le rassurer (y compris son parrain, Pépé Claude Bébéar). Yes, keep cool, Henri !

Henri aurait beaucoup aimé – dit-il en fanfaronnant quelque peu – continuer à jouer les durs chez les Parachutistes de Pau (il ne les a servis qu’à Tarbes), ces Paras qui « ne sont pas du tout comme on croit ». Le malheureux Henry s’est hélas dirigé sur HEC à Saint-Cyr puis s’est orienté vers l’ENA (promotion Voltaire : celle de Dominique de Villepin, de Ségolène Royal et de François Hollande). Ah, Misère ! Le poids de la Belle et Grande Famille a probablement brisé une belle carrière de baroudeur.

Faut dire que porter sur ses épaules le poids de « Henri, René, Marie, Augustin de La Croix de Castries », 5ième Comte de Castries, ce n’est pas de tout repos.

BiBi a déjà écrit sur d’autres amis fortunés de Chouchou :

Henri de Castries : finies les tracasseries (1).

 

Un habitué des Clubs.

BiBi n’a jamais rencontré Henri de Castries, le PDG d’AXA. Pourtant il sait où trouver ce jeune homme de bonne famille, 56 ans, successeur de Claude Bébéar, le Roi vieillissant des Stocks-Options. Henri est un habitué des salons feutrés du « Jockey Club », 2 rue Rabelais, où il retrouve très souvent le baron Albert Frère et le Financier de Libé, Edouard de Rothschild. Catholique très pratiquant, il ne se fait pas prier pour fréquenter d’autres prestigieux Clubs de Prolétaires comme « Entreprises et Cités » où il rencontre régulièrement quelques gros calibres : son mentor Claude Bébéar, Bertrand Collomb, patron de Lafarge, Jean-Louis Beffa de Saint-Gobain, Thierry Desmarest de Total, Bernard Arnault le Grand Protecteur des Artistes et quelques « jeunes » de son âge, les Franck Riboud (Danone), Thierry Breton (Thomson, puis France Télécom) et Martin Bouygues.

Henri blanchi dans l’Affaire PanEuroLife.

On dit que ce cinquième comte de Castries serait un descendant du Marquis de Sade. Mais à l’inverse du Divin Marquis, Henri ne risque pas de croupir dans les geôles de la Bastille car il vient d’apprendre (le 5 mars) que le juge d’instruction du pôle financier, René Grouman, avait rendu une ordonnance de non-lieu général à son profit (à celui de son Maitre Bébéar et à 40 de ses collaborateurs) dans l’enquête sur la Société PanEuroLife.

Celle-ci, ex-filiale à 90% de l’UAP (Union des assurances de Paris) et à 10% de la Banque Internationale du Luxembourg, avait été créée en 1990. Dans ce dossier ouvert en 2001, PanEurolife, alors spécialisée dans l’Assurance-vie, avait été soupçonnée d’avoir mis en place un système de blanchiment de la France vers le Luxembourg en collectant des fonds – de particuliers mais également d’entreprises – d’origine parfois délictueuse, correspondant notamment à de l’évasion fiscale.

L’affaire avait été dénoncée par la Poste qui s’était étonnée de voir se multiplier dans ses services des dépôts de moins de 50.000 francs (7.622 euros) en argent liquide, à l’intention d’un compte de la banque Worms. La Brigade de recherche et d’investigation financière (BRIF) avait été saisie.

René Grouman : un magistral magistrat.

Aujourd’hui : non-lieu ! Tout le Monde peut dormir tranquille ! Mais BiBi rappelle à ceux qui l’ignoreraient que le juge d’instruction de l’affaire PanEuroLife, René Grouman, avait eu en mains le dossier concernant Alain Juppé et l’Affaire des dossiers fictifs en octobre 2003. Le Parisien du 22 mars 2003 avait dit que ce magistrat était «réputé proche de Jean-Claude Marin». D’autres journaux l’avaient surnommé « le procureur de Juppé ». Peine légère pour le Maire de Bordeaux : huit mois avec sursis et surtout surtout surtout pas de peine d’inéligibilité. Joli coup, n’est-ce pas ? On ne quittera pas ce Grand Justicier sans dire un mot de son passé politique : René Grouman avait emprunté la » Troisième Voie« , louant les initiatives de ce groupe-phare de l’extrême droite radicale, dans les années 80. Un groupe qui ferait passer le FN pour un parti romantique. Ce même René Grouman déclarait encore récemment au Canard Enchaîné : «J’étais proche de ces idées. Je le suis encore ».

Henri est donc blanchi : gageons que sur son CV, on ne retrouvera nulle trace de ces indignes tracasseries.

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Ici : Le second épisode des aventures d’Henri de Castries.