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Philippos Stavrou, l’incroyable supporter de Michel Platini.

Dernier volet du Voyage-BiBi à Chypre. Une surprise attendait BiBi dans les derniers lacets de son tour de l’île.

Au détour d’un virage, BiBi découvre un hameau désert, écrasé par le soleil, à l’écart des autoroutes cypriotes : c’est Mirosfilati. Le seul Snack-bar qu’il aperçoit n’est mentionné dans aucun guide touristique. Le Café-Bar appartient à Philippos Stavrou. Cet homme est un dingue, un fan intégral de… Michel Platini : il mange, il prie, il pense, il respire du Platini et mourra probablement enveloppé dans un linceul frappé des lettres bleu, blanc, rouge au nom de son idole.

Philippos se réfère à son Dieu jusqu’à en connaitre et réciter les moindres faits et gestes. Bref, il se shoote à l’ex-Capitaine des Bleus, voyageant de Joeuf à Nancy, de Nancy à Saint-Etienne et des Verts aux Bianconeri de la Juventus. De ses tiroirs, il vous sort  des milliers de photos, d’innombrables coupres de presse (en toutes langues), il vous déplie le maillot vert de l’ASSE, celui de Nancy, celui de la Juve, il vous désigne du doigt les posters grandeur nature, les peintures faites sur l’ex-Capitaine des Bleus.

En ce dimanche de hasard, il a bien sûr revêtu un maillot blanc de l’Equipe de France frappé du numéro 10. Il est neuf heures du matin : BiBi n’osera pas lui demander si le pyjama de la dernière nuit était aux couleurs de son Maître. Le plus impressionnant reste les murs et les plafonds tapissés de photos, photos sous cadre, photos plastifiées, posters géants sur glissières latérales et last but not the least, le costume gris foncé du Président de l’UEFA sous cloche.

Mais il y a encore plus fort et plus incroyable : Philippos a accueilli Michel Platini himself, sa femme Estelle et le vice-Président de l’UEFA en juillet 2009. Mosfilati était en ébullition. Les photos et films-vidéos conservent à jamais le souvenir de cette journée mémorable (voir photo 1, offerte par PS). Philippos reçut Michel Platini en toute simplicité et en famille après avoir été invité, la veille, à Nicosie, lors d’un repas-UEFA.

A son retour d’Afrique du Sud (juillet2010), Michel Platini lui envoya une lettre de remerciement pour le Livre-souvenir bourré de photos que Philippos lui fit parvenir au siège de l’UEFA, à Nyon. La lettre siège au-dessus du bar.

Phénomène à la fois dérisoire et fascinant, l’idolâtrie renvoie à l’Idéal du Moi et aux croyances infantiles du Roman familial des Névrosés dont nous parla justement Papa Freud. A peine devine t-on cette rage impuissante de n’être pas né du bon côté du terrain : gloire pour l’un, snack-bar pour l’autre. Il reste que BiBi fit une promesse à Philippos qui l’accueillit si gentiment : celle de parler du site du Supporter de Platini, number One from all over the World. L’adresse où vous pouvez découvrir son Musée :  www.clubplatini.com

Voilà qui est fait, cher Philippos.

Des Anglais, des Russes et une lituanienne.

Entre Larnaka et Agia Napa, les garnisons britanniques sont légion : elles se sont installées en campements géants retranchés, surveillés et grillagés. Évidemment, il est interdit à quiconque de photographier.

Toute la petite famille british est venue et a pris ses quartiers dans des installations où rien ne manque : écoles british, service de bus british, radios british, église anglicane, terrains de foot, de rugby etc. On trouve aussi ce genre de villages ailleurs, dans les montagnes boisées plus au Nord.

Anglais sont aussi les promoteurs éhontés qui saccagent les côtes du Cap Grekko à Coral Bay, la plage chic de Pafos. Ils ont pour nom Aristo Developers, Blue Knight ou encore Golden Land. Les maisons individuelles cossues voisinent avec un chapelet d’hôtels en construction. Des villages entiers poussent comme des champignons et les opérations immobilières sont certainement bien juteuses. Pour exemple, un terrain de 500 m2, proche de la côte Sud, avoisine les 200.000 euros et une petite maison trois pièces le même prix.

Si un Britannique vous parle à tout hasard de blanchiment, ne lui répondez pas « Londres » car les banques « cypriotes » sont de belles places fortes monétaires qui vont  jusqu’à ressembler fortement à des Paradis (fiscaux bien entendu). L’Ami anglais sera peut-être encore plus intéressé par un mariage clé en main. Des entreprises anglaises occupent le créneau : elles vous offrent – dimanche comme jour de semaine – votre mariage avec prise en charge complète de vos invités. Promenade sur les quais de Pafos, vidéo en continu sur toute la cérémonie et les à-côtés, bains de minuit, hôtel avec piscine, robes de choix et tenues de soirée. Et si vous êtes laminés dans un bar de plage au petit matin, un Jumpy confortable vous ramènera at home.

Les Russes sont aussi très présents. Ils occupent des hôtels entiers, squattent des coins de plage. Cette histoire entre deux amis cypriotes au téléphone en dit long :

L’un : (sur une plage d’Agia Napa). Je me sens seul, tu sais.

L’autre (à Nicosie) : Mais enfin, tu me dis qu’il y a beaucoup de monde à la plage !

L’un : Oui, tu as raison : il y a du monde à la plage mais je me sens quand-même seul. Je ne suis entouré que de Russes.

Tina (25 ans) est lituanienne. Elle est venue travailler à Agia Napa avec son mari. Serveurs tous deux dans un des innombrables pub anglais de la ville. Le salaire qu’elle perçoit est bien plus intéressant que celui gagné à Vilnius. Tina espère rester deux ans sur l’île et envisagera ensuite un bébé à son retour  au pays. Tina et son mari font plus de 50 heures par semaine. Mondialisation oblige, ces forces de travail sont dans l’obligation d’être mobiles, flexibles, corvéables à merci.

« Et encore, nous avons de la chance ! Il y a du soleil ici ! Mais, rajoute Tina, les cypriotes ne sont pas sympas avec les blondes« .

Alors Good Luck quand même à Tina et à Mark, son mari.

Prochain et dernier billet-BiBi sur Chypre : Un cypriote dingue de… Michel Platini.

Les brodeuses millénaires de Lefkara (Chypre).

Petit village de montagne, Lefkara se tient à distance de l’agitation côtière. Écrasé par le soleil, le hameau, bien silencieux en ce jour de Mai, vit au ralenti. Seules quelques dentellières sur leur pas de porte enfilent, brodent leurs fils de lin. Ici, pas de machines industrielles pour une fabrication en série mais un savoir-faire millénaire inégalé. BiBi demanda à K. si elle avait pris des leçons. « Oui, au début, par ma mère. J’écoutais, je regardais tout en brodant. (Elle fait un geste du doigt sur le front). Et tout est resté là !« 

K. fait partie d’une Coopérative forte de 17 adhérentes. Les plus âgées, brodeuses les plus expérimentées, ont plus de 80 ans et elles travaillent à domicile ou devant leur porte d’entrée. K. et sa sœur tiennent la boutique pour toutes, mais font – elles aussi – dans la dentelle. Ce que K. préfère faire, ce sont les Motifs VINCI du nom de Léonard de Vinci qui fit une halte au village et qui fut si impressionné par les ouvrages de ces vieilles dames qu’il acheta en nombre chemins de table, rideaux, serviettes. La nappe d’autel qu’il ramena pour l’exposer dans la cathédrale de Milan fit même, dit-on, sensation par son extraordinaire beauté.

BiBi saluera la gentillesse de cette autre brodeuse hors-pair M. qui déplora que les jeunes générations ne suivent plus (« Mais je les comprends« , précisa t-elle). C’est qu’il est impossible aujourd’hui de vivre sa vie au village en s’adonnant à la seule broderie. La transmission de ce savoir-faire exceptionnel va bientôt s’arrêter car aucune école ne pourra renouveler le personnel.

Bientôt l’ALLEY ROAD deviendra une impasse (voir Photo). Les filles auront appris de leurs mères mais les petites filles, elles, s’en vont déjà ailleurs, dans les écoles de Nicosie, les collèges de Limassol ou encore les Universités d’Athènes. Loin, très loin de Lefkara et de ses brodeuses silencieuses.

Prochain billet : « Nicosie ou les murmures d’un Mur ».

Nouvelles du Monde prises au vol.

Dans les avions, on propose toujours à BiBi des journaux qu’il n’a pas l’habitude de lire. Penché sur le rébarbatif Financial Times ou l’écœurant The Sun, il a aussitôt le Mal de l’Air. Mais heureusement, il y a d’autres journaux et d’autres revues plus Digest. Voilà donc quelques nouvelles saisies au vol et rapportées sur sa terre bloguesque.

Fouilles du côté d’Agadir.
Dans l’Hebdo (Suisse) du 19 mai, on fouille le passé de DSK : «Le père de DSK, juif alsacien, avait été initié très tôt à la langue de Goethe après la guerre, recourant aux services de «Mademoiselles» allemandes appelées dans le foyer familial d’Agadir, face à l’Atlantique, au Maroc. C’était l’enfance». Dans cette affaire DSK, certains disent : «y a comme une gêne». D’autres disent : «y a comme un gène».

Les Fachos croient tenir la Langue.
Les Zurichois ne veulent plus de l’allemand officiel à l’école enfantine. A 54%, ils ont voté et plébiscité l’initiative lancée par les milieux UDC et évangélique qui fait du dialecte la langue «principale» d’enseignement. Jusqu’à présent, la loi scolaire prévoyait 1/3 pour le Schwyzerdütch, 1/3 pour le Hochdeutsch et 1/3 au choix de l’enseignant. Rêve éternel et vain des Fachos : avoir une langue aux Ordres.

Senteurs de l’Ohio.
Aux USA, dans l’Ohio, deux garçons de 13 ans se sont vus signifier une exclusion temporaire de leur établissement parce qu’ils s’amusaient à péter dans le bus scolaire. Les autorités scolaires auraient été mieux avisées de leur faire lire «Guerre et Pets».

Bien mal éduqué.
A Arcachon, un homme de 75 ans vient de comparaître devant le Tribunal correctionnel : il avait forcé la portière de 22 véhicules avec un couteau à huîtres. Avant sa retraite, il avait été éducateur spécialisé auprès de jeunes délinquants. Morale trop souvent oubliée : les ados ont toujours quelque chose à apprendre aux éducateurs.

Humeur d’un humoriste.
Le chanteur-humoriste Ricet Barrier est mort à 78 ans à Clermont-Ferrand. La voix de Saturnin le Canard ne manquait pas d’humour : «Les comiques, les fantaisistes, les rigolos, les clowns devraient être assurés par l’Etat et les places remboursées par la Sécurité Sociale car nous sommes en quelque sorte les soupapes, les Sorciers, les Médecins du Peuple».

Gnons et Champignons.
Pour marquer son mépris de François Hollande et nous faire croire que Nicolas le Chouchou boxe dans une catégorie supérieure, un parlementaire UMP a cru bon de dire que « Quand Nicolas dira : « J’en ai parlé à Obama », Hollande, lui, dira qu’il a vu ça avec Gérard Dugenou, ramasseur de champignons en Corrèze». Face à ce mépris de classe, le populaire BiBi monte au créneau, agite le drapeau rouge sur les pavés en criant à tue-tête:«Dugenoux de tous les Pays, unissez-vous».

Un Âne en Haute-Savoie.

BiBi revient de Chypre où – contrairement au cliché habituel – il n’a vu aucun âne. Par contre, dès son retour en France, dans les Montagnes hautes savoyardes, du côté du Plateau des Glières, il a entendu un petit homme qui s’agitait beaucoup en poussant de curieux « hi-han».

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Prochain billet : « Lefkara (Chypre) et ses brodeuses millénaires».

Rimbaud à Chypre : un CDI interrompu.

Lorsqu’on sait qu’Arthur Rimbaud (26 ans) posa les pieds sur l’île cypriote lors du mois d’avril de l’année 1880, on se souvient immanquablement – en admirant les Montagnes sauvages du Troodos (Photo 2) – de ses 4 petites lignes fulgurantes :

«Elle est retrouvée

Quoi ? L’éternité

C’est la mer allée

Avec le soleil».

« La mer allée avec le soleil » : Rimbaud a pu la voir plus à l’Est, du côté de Potamos Tou Lipetriou (près d’Agia Napa), mais il n’aurait pas reconnu cette côte massacrée par les promoteurs d’aujourd’hui et il se serait désolé des bateaux de pêche présents uniquement pour les yeux de touristes russes.

Sans le sou, réclamant de l’aide familiale, Rimbaud s’arrêta sur l’île pour tenter de trouver une place dans les carrières de pierre de l’intérieur des terres, précisément au-dessus du village de Pano Patrès, dans la région des Montagnes du Troodos. Terre bénie aujourd’hui des randonneurs et des cyclotouristes, havre de paix pour les habitants fortunés de Nicosie, cette région (point culminant : le Mont Olympe) offrit une place de contremaître à celui qui avait erré des semaines durant sur les plages de la côte Sud.

Le poète de Charleville – qui avait abandonné l’écriture depuis cinq bonnes années – aida à la construction d’un Presidential Cottage, résidence d’été pour nantis britanniques (réservée aujourd’hui à la Présidence de Chypre et à la Nomenklatura du pays). On dit que le Poète se désengagea de son contrat pour un dignitaire anglais le jour d’un accident qui arriva à un ouvrier de l’équipe que Rimbaud dirigeait. L’engueulade fut si importante que les employeurs anglais donnèrent aussitôt congé à Rimbaud qui se retrouva avec seulement 400 francs en poche. Regagnant Limassol, Rimbaud prit la décision d’embarquer pour Alexandrie puis Aden, le 20 juillet 1880.

Si un jour, vous vous attardez dans le coin de Pano Patrès, évitez l’Office du Tourisme : la préposée à l’Office de Platrès ne connait ni Rimbaud ni son œuvre. Peut-être avait-elle reçu des ordres des Anglais (encore maîtres de ce pays) pour faire silence sur ce CDI interrompu sans autre forme de procès ? 🙂

Il reste cependant cette lettre émouvante que Rimbaud adressa à sa famille, le 23 mai 1880 et qu’il posta à Limassol. Deux mois après sa demande d’aide pécuniaire à sa famille (Photo 3), Rimbaud, licencié, poursuivit son périple en gagnant Suez via Alexandrie pour arriver enfin à Aden.