Le Spectateur de Cinéma : un Animal étrange (1).

Close Up

Chacun a son film-fétiche, celui qu’on garde en tête. On garde la fiction, pas forcément toutes les images, on garde la brûlure, l’hébétement à la sortie du Cinéma, le bruit de la ville, klaxons, pots d’échappement qui vous réveillent. On garde le souvenir de nos pulsations qui reviennent et on garde l’étrangeté qui nous habite encore. Aimer un film, c’est savoir au fond de nous-même, qu’il y eut un Avant et un Après. Ce fut ainsi pour moi après la projection de Close Up d’Abbas Kiarostami.

Longtemps hanté par ce moyen métrage, j’avais posé un petit dialogue sur une feuille de papier. Un cinéphile dialoguait avec un Acteur. Ils tentaient de réfléchir sur cet animal étrange qu’est le Spectateur de Cinéma.

«– Nous n’avons pas parlé du spectateur…

– Le spectateur est une figure. Anonyme. Le moteur, la contrainte de notre jeu. Lorsqu’on joue, on sent cette figure rôder tout autour. De quelque côté qu’on tourne, de quelque côté qu’on se tourne, on est prisonnier de ces rets, alpagué par ce regard. Le spectateur est loin de s’imaginer qu’il est déjà dans le film. Il y est bien avant son entrée en salle.

– Parlez-moi justement de ce spectateur bien réel, de celui qui paie sa place.

– Je crois que nous n’avons pas encore pensé son rapport à l’écran. je suppose que ce spectateur ne se doute de rien. Il descend, descend dans la salle et ne sait pas qu’il est déjà trop tard».

Sabzian 1

En écho, je suis retombé sur le beau livre de Jean-Louis Comolli («Voir et Pouvoir» aux Editions Verdier) et sur ce passage :

«Cette place du spectateur est en somme une fonction nécessaire à ce qui s’est nommé  «cinéma». Pour qu’il y est cinéma, et non pas seulement une projection sur un écran d’images animées, amplification de sons liés à ces images, il faut du spectateur, un spectateur ou une spectatrice qui désire passer à l’intérieur des représentations et s’y trouver englobé ou dévoré, qui désire renverser les perspectives pour voir le monde de l’intérieur du film ( et non le film depuis le monde).Le spectateur dont la place est en jeu dans le film s’expose à devenir lui-même partie du film, donc à se trouver dépossédé de son Soi ou de son Quant-à-Soi, provisoirement privé d’une part de ses systèmes de défense».

A suivre…

*

En attendant la suite, vous pourrez toujours vous reporter à d’autres billets-BiBi :

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