Gérard Depardieu : un « voyou » pitoyable.

Génial acteur, sublime  dans « Martin Guerre », « Cyrano », « La Femme d’à côté », « Les Valseuses » ou « 1900 », Gérard Depardieu était l’invité du Grand Journal de Canal Plus ce lundi 13 septembre. Ce soir-là, ce gigantesque acteur lâcha de gigantesques conneries à répétition.

A la question «Qu’est-ce que vous pensez des Politiques ?», il répond très esprit-Jean-Marie : «C’est de la merde». Il donnera ensuite un odieux surnom à Martine Aubry en la taxant d’«haleine de bière», puis délivrera un prix d’excellence à Chouchou, «celui qui bouge». Sur la mort de Chabrol, le gros bêta lâchera : « J’ai peut-être ressenti une chose aussi forte avec la mort de mon chat ». Déconcertant. Quasi-impensable. Surprenant. Surprenant aussi de voir de quelle façon, nous trouvant désarmés, nous cherchons des explications sommaires : «Il était dans un état secondaire», «Il a picolé».

BiBi fait plutôt l’hypothèse qu’en dépit de l’œuvre de Freud et de ses découvertes touchant à l’anachronisme de la Psyché humaine, on continue de croire que l’Individu est Un, qu’il est un bloc entier en toutes circonstances et qu’on ne le reconnaît que dans sa part admirable.

Marthe Robert, la critique, écrivait justement :

«Nous avons beau savoir théoriquement que la vie de l’Inconscient conserve, en chacun d’entre nous, une forte portion de préhistoire, nous n’en tenons aucun compte dans nos jugements, et nous sommes étonnés, déconcertés, scandalisés comme d’une incongruité, toutes les fois que l’expérience nous force à le rappeler. Sans doute nous voulons bien que le génie ait ses faiblesses, nous voulons bien qu’il soit égoïste, avare, jaloux, débauché – mais qu’il puisse aussi être frappé d’arriération, cela non, toute notre conception de la Personne et la philosophie de la Culture qui en dépend nous interdit pareille conclusion. Dans notre tradition intellectuelle et morale, le génie est regardé en soi comme facteur de progrès, aussi même ce qu’il a de négatif peut-il toujours être sauvé (…) »

BiBi, admirateur de l’acteur, fut si dépité et si révolté qu’il lâcha amèrement sur Twitter, ces trois gazouillis à mauvaise haleine :

1. Depardieu traite les manifestants contre la réforme des retraites de trous du c…Toi, Gérard, ça fait longtemps que t’es sorti de la m…

2. Depardieu se veut rebelle et voyou, glorifiant Chouchou. Fais gaffe, Gérard, au prochain film, Obélix va te foutre sur la gueule.

3. Depardieu (pour Chirac et Sarko) tu ressembles à Delon (pour Barre et Sarko). Encore un (tout petit) effort et tu finiras comme Brigitte Bardot.

BiBi se rappela aussi une lointaine nuit parisienne où il croisa Tony Gatlif, pas encore réalisateur. Celui-ci racontait comment, avec Gérard Depardieu. fausses lunettes noires sur le nez et cannes blanches, ils avaient joué les aveugles pour vendre des calendriers en porte à porte. A cette époque de disette, il leur fallait survivre.

Le hasard voulut que Tony Gatlif, invité sur FR3, ce même soir, clamât sa colère contre la stigmatisation des Roms et devant la politique de ce Chouchou adulé par Gérard.

Aujourd’hui, fini le duo d’aveugles.

Tony voit clair, il a gardé ce regard désespérément lucide… au contraire d’un Depardieu, aveuglé et «voyou » pitoyable, misérablement perdu dans sa nuit noire.

14 Responses to Gérard Depardieu : un « voyou » pitoyable.

  1. Mais pourquoi demander à un comédien ce qu’il pense du monde ? On peut être un excellent (plus maintenant où son talent l’a fui ) comédien et un beauf racorni !

    On peut être un brillant écrivain et jouir d’un esprit d’une banalité affligeante, être un savant génial et se montrer un looser dans la vraie vie.

    Il ne faut pas mélanger les genres… Enfin , je crois.

    Salut Bibi.

  2. captainhaka dit :

    Gérard est devenu gras moralement. La proximité récente et fulgurante qu’il a eue avec l’équipe de Groland à dû le conforter dans la stupidité au lieu de l’aider à sortir le bel animal puant et néanmoins attachant qui vit en lui.
    Je lui conseille le vin bio qui contient beaucoup moins de sulfites qui sont responsables de gros massacres neuronaux.

  3. BiBi dit :

    Je me souviens d’une longue interview de Depardieu ( il y a plus de 20 ans) où il parlait merveilleusement de son travail théâtral et cinématographique. C’est cette distorsion avec sa vision globale du Monde aujourd’hui qui fait mon étonnement – même si je sais que le camarade Freud nous en a dit long sur le Singe et l’Ange qui vivent en nous.

    @cui cui fit l’oiseau
    Oui, il ne faut pas mélanger les genres mais c’est quand même la même bouche qui dit Handke, Duras et de grosses conneries.

    PS : Tiens… AgoraVox a refusé de mettre en ligne l’article-BiBi ci-dessus. Bah, ce n’est que le 25ième. Par contre, Betapolitique ( et Dazibaoueb) pas si bêta que leur confrère n’ont pas hésité à le mettre en ligne. Merci à eux.

  4. Marie dit :

    je l’ai vu aussi, c’est vrai qu’il est assez désolant, mais ce n’est pas tout à fait nouveau.

  5. kAMIZOLE dit :

    Passant nettement plus de temps devant l’écran de l’ordinateur que devant celui de télévision, ce « trou du cul » m’avait échappé… Dommage ! Je pense que désormais, c’est par là qu’il s’exprime. J’avais traité Dieudonné de « bouche d’égoût » mais cela lui conviendrait également. L’un est pote de Le Pen, l’autre de Sarko, ce n’est pas très éloigné, idéologiquement parlant.

    Ce que dit Marthe Robert fait écho au « malaise dans la culture » (ou la civilisation) de Freud. Il disait en substance (cela fait 30 ans que je l’ai lu) que l’être humain, n’avait qu’un vernis de civilisation prêt à sauter – il écrivait après l’avènement d’Hitler en Allemagne – et qu’au fond, il gardait la bestialité des premiers homidés qui n’avaient pas encore acquis la station debout… Je crois que nous sommes aujourd’hui également à une époque charnière où la civilisation vole en éclats… Les civilisations sont mortelles disait Valéry et il est évident que l’Histoire nous en apprend beaucoup. Je pense notamment à la Méditerranée de Braudel. Entre humanisme et barbarie, qui l’emportera ?

  6. b.mode dit :

    Depardieu est en phase sénile. On a connu ça avec le grand Serge… On ne devrait pas vieillir…

  7. brun michelle dit :

    vouai….. j’avais une admiration sans bornes pour le petit garç de Chateauroux , Quels acteurs lui, son copain et la petite Miou Miou ………. Bha je crois qu’il est mort lui aussi. Il reste Sylvette qui assure encore un peu :)))
    Et puis son copain Denizot a une UNE toute trouvée pour son retour AU GRAND JOURNAL …….

  8. BiBi dit :

    @brun michelle et @b.mode
    Triste de voir dans quelle impasse il s’est fourré.
    Reste ce paradoxe : on peut être à la fois un sacré acteur et un sacré… con.

  9. ALiCe__M dit :

    Ben, je n’ai jamais trouvé que Depardieu avait du « génie », ni que c’était un « sacré acteur »…
    Et « cuicui », non, on ne peut pas  » être un brillant écrivain et jouir d’un esprit d’une banalité affligeante ». Ou alors nous n’avons pas la même définition du « brillant écrivain »

  10. BiBi dit :

    @Alice_M

    Regardez à nouveau « La Femme d’A Côté » ou encore 1900 ou encore Cyrano ou Danton.

    J’avais vu Depardieu au TNP de Villeurbanne il y a longtemps. Il venait de se faire mordre par un chien-loup à Lyon dans une soirée-beuverie. Le lendemain, il jouait de façon extraordinaire « Les gens déraisonnables sont en voie de disparition » de Peter Handke.

    Que vous ayez éprouvé indifférence à son jeu d’acteur,bien entendu, libre à vous.

    Quant à l’avis de « Cui-Cui » hé bien, je ne peux que vous renvoyer à mon billet « Cousin Ange et Cousin Singe » http://bit.ly/JCewTX pour percer ce mystère de l’écrivain  » brillant dans son écriture » et « banal » (ou plus terrible) dans son quotidien.

    Mais c’est vrai (et c’est dommage), vous avez des réticences face aux « explications » psy. 🙂

    En tous les cas, merci de me lire.

  11. ALiCe__M dit :

    « La femme d’à côté » est un très bon film, et Depardieu un bon acteur, pas un génie absolu. D’une manière générale, je ne distingue pas les opinions politiques odieuses de leurs écrivains. Je ne supporte pas Céline, ne vois pas ce que ses adorateurs lui trouvent. Quand à Hamsun, son pro nazisme me rendent ses oeuvres illisibles maintenant. Non, vraiment, on ne peut être brillant par son écriture et hideux par la pensée, car l’écriture et la pensée sont indissociables l’une de l’autre.

  12. BiBi dit :

    @ Alice_M

    Si l’adjectif « génial » vous gêne, ôtez-le.
    Mais n’ôtez pas mon admiration pour lui dans certains de ses films.

    De la même façon, j’admire Alain Delon ( « Rocco et ses frères », « Monsieur Klein » « Le Guépard ») vantard, affligeant de banalité dans la vie réelle.

    Je peux être d’accord avec :
    « je ne distingue pas les opinions politiques odieuses de leurs écrivains »…
    mais seriez-vous d’accord si j’écrivais :
    « je distingue les opinions politiques odieuses d’écrivains de leurs oeuvres » ? ( je l’écris)

    Comment expliquer les pointes d’antisémitisme de Shakespeare ( ses pièces : mes livres de chevet) comparées à la probité de Montaigne (son contemporain ?)et de Cervantès. Comment expliquer le grand Voltaire et ses points d’aveuglement sur les juifs (souvent tus)?

    Ou encore : il fut un temps chez les communistes d’après-guerre où l’on jugeait et réduisait les écrivains à partir de leurs prises de position politiques (on célébrait le roman prolétarien, idem pour la peinture). En URSS, certains ont payé cet amalgame de leur vie (Chalamov, Ossip Mandelstam). Pas une petite question, n’est-ce pas ?

    Fort heureusement, on a quelque peu changé d’avis et on reconnait aujourd’hui plus facilement l’autonomie relative des pratiques signifiantes et on essaye de regarder l’oeuvre non pas à partir des positions politiques de l’écrivain mais bien à partir de son travail de praticien.

    Pour moi, un écrivain peut très bien être révolutionnaire dans son art et réactionnaire (voire antisémite) dans sa vie réelle.

    Je ne sais pas si je formulerais ça comme vous le faites : « l’écriture et la pensée sont indissociables l’une de l’autre« .

    Ecriture et pensée (les idées pour aller vite) certes se recoupent mais ne se superposent pas.

    Lisant Philippe Jacottet, j’avais relevé de lui cette petite phrase :
    « Le point d’origine du vrai poème n’est pas l’intentionnalité« . Ou encore Mallarmé ( je crois) : « On n’écrit pas avec des idées mais avec des mots« .

    Toujours cette persistance de l’énigme comme noeud de l’écriture – bien au-delà des intentions louables de l’auteur.

    Bibien à vous.

  13. ALiCe__M dit :

     » Le point d’origine du vrai poème n’est pas l’intentionnalité ». Oui, l’origine du poème n’est pas dans les idées, mais dans l’émotion. Ce qui ne veut pas dire que l’émotion d’un poète se distingue radicalement de ses idées politiques. Mais l’intention est présente quand même : le même Jacottet dit que ce qui importe, c’est d’être au plus près de cette émotion, et cela même, cette volonté d’une présence à soi-même, c’est bel et bien une intention, oui.
    Quant à Delon : il était beau, il a eu la chance de rencontrer de grands réalisateurs qui lui ont donné de beaux rôles : un acteur est un interprète. Il a été un bon interprète, comme Depardieu. Mais je ne me suis jamais pâmée pour le jeu d’aucun des deux. Bien sûr vous êtes bien libre de les admirer à votre guise, et vous n’êtes pas le seul.

  14. ALiCe__M dit :

    Oublié de parler de « ceux qui ont payé » cet »amalgame » de leur vie : qui parle d’ôter la vie à qui que ce soit ? vous.
    Pensée et art vivent ensemble à mon sens. Je refuse ce mot d »amalgame »: ensemble, côte à côte, ils sont liés. Cela n’élimine en rien l’enigme » dont vous parlez si souvent. L’énigme de la vie.

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