A propos d’une photo D’H.Clinton et d’un tweet de Raphaëlle Bacqué du Monde.

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J’aime bien répéter les commentaires et analyses de Georges Didi-Huberman à propos de l’image : «Il n’y a pas d’images qui, en soi, nous laisseraient muets, impuissants. Une image sur laquelle on ne peut rien dire, c’est en général une image qu’on n’a pas pris le temps — mais ce temps est long, il demande du courage, je le répète — de regarder attentivement. De se ré-inquiéter à chaque fois».  

C’était hier sur Twitter, j’y ai découvert cette photo d’Hillary Clinton avec ses supportrices, cliché accompagné d’un tweet et commentaire de Raphaëlle Bacqué, journaliste au Monde.

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Son tweet-commentaire, le voici :

« Notre époque… Ses supporters tournent le dos à H. Clinton, + préoccupés par leur selfie que de la voir « en vrai ».

Et j’imagine le soupir désolé de la journaliste devant cette photo qui – aucun doute pour elle – disqualifierait notre époque. Un soupir qui est peut-être même plus que ça : une crispation, une critique acerbe, une rage rentrée contre «notre époque» dont son journal fait pourtant partie et dont il doit rendre compte quotidiennement à ses lecteurs.

Peut-être que son tweet – mais serait-ce aller trop loin ? – est un jugement sur le journalisme de son journal, elle qui en est une représentante très connue. Hargne contre ce journalisme qui ne voit plus «vrai», qui se détourne du «Réel». Ainsi ce qui ne serait plus «vrai» ne serait pas du tout la… position des supportrices qui tournent le dos à Madame Clinton mais… le journalisme version Le Monde qui, lui, se détourne des «vrais» problèmes ?

Délirons un peu et continuons sur cette hypothèse-BiBi très méchante…

Dans le groupe des femmes dos à Hillary Clinton, je place donc Raphaëlle Bacqué du Monde. Son travail au journal «tournerait le dos» à l’éthique. Du coup, ce serait – non les groupies de Hillary – mais le groupe des… journalistes et de l’ensemble des… rédacteurs en chef de la Presse française d’aujourd’hui qui est là, eux qui n’ont pour seule préoccupation que de surveiller ce qu’écrivent les autres journaux pour finalement copier ce que les confrères font. Et Raphaëlle Bacqué qui est dans cette image est dans cette obligation de faire comme ses consoeurs, toute perdue dans ce groupe de jeunes femmes journalistes….

Un délire-BiBi ?

Non, bien entendu, je n’avancerai pas si loin si je n’avais pas une preuve… photographique, si je n’avais pas gardé en mémoire ce tweet qu’un journaliste du Monde avait mis en ligne en février 2014. Car oui, dans ce groupe de groupies, j’ai souvenance qu’il y avait un journaliste du… aïe, aïe, aïe… un jour-na-liste-du-Monde ! 🙂

Vous vous souvenez de Thomas Wieder, de ce journaliste au service politique du Monde ? Invité à suivre François Hollande lors de sa visite à Obama à Washington (février 2014), il fit un selfie d’anthologie dans le bureau Ovale et fut la risée du public et des réseaux sociaux (avec le hashtag #ThomasWiederTour). Le voici pour souvenir :

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L’inconscient de Raphaëlle Bacqué a fait le reste. Persuadée de poser là un jugement sur «notre époque», la voilà en plein milieu de ce qu’elle croyait dénoncer : nous sommes dans cette époque de journalisme, de celui qui obéit aux injonctions des Agences de Communication et des Instituts de sondage, de celui qui est au garde-à-vous devant les informations de l’Institut Montaigne etc etc etc…

Et comme pour effacer la bévue de leur confrère, les autres journalistes de la même rédaction s’enfoncèrent – en se croyant drôles – encore plus profondément : ils la jouèrent humour cool, via un tweet de… selfie pour «soutenir» (excuser) leur collègue et redorer son/leurs blason(s), le blason abimé de leur journal.

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Du coup, je me sens autorisé à écrire que tout s’éclaire, que la désolation de RB serait – via ce tweet – plutôt destinée à faire passer sa rage contre ses collègues qui humilièrent son journal en février 2014. Et que ce selfie des jeunes femmes devant Hillary Clinton a alors une «vraie» (autre) signification : faire oublier cette mascarade de Thomas Wieder et de quelques autres. Ce dont Raphaëlle Bacqué ne se doutait certainement pas en posant toute tranquilou son commentaire sur les dérives de son «époque» ! 🙂

*

Encore un mot sur l’appréciation de la journaliste du Monde.

Voir Hillary Clinton «en vrai» ? Autrefois, le réflexe du quidam devant une célébrité était de poser avec elle devant l’appareil-photo tenu par Papa ou par Maman. On allait plus tard encadrer le cliché d’anthologie pour qu’il trône sur le buffet du Salon. Mais peut-on imaginer Hillary Clinton donner tout son temps pour des clichés individuels ? Impossible avec son agenda si chargé de l’époque politique qu’elle traverse. Est-ce que la candidate des Démocrates s’en offusque ? Non, bien sur, elle ne voudrait sous aucun prétexte faire la leçon à ses supportrices. Ce serait contre-productif. Donc elle laisse faire. Peut-être même que c’est elle qui a donné le signal (via son micro) pour que ces jeunes femmes fassent des selfies. Voilà qui serait l’explication de son bras levé.

Bénéfice : elle sera présente sur tous les selfies de chacune de ses supportrices. Conclusion : oui, nous sommes dans l’époque (de la Communication). Cette époque que Raphaëlle Bacqué se dispense bien d’épingler, n’ayant dans son jugement que de culpabiliser ces jeunes supportrices qui se foutraient bien de la vérité (c’est-à-dire de la personne «en vrai»).

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De là ma «ré-inquiétude» dont parle Didi-Huberman en préambule. Inquiétude de voir l’ensemble de cette image, de voir le rapport qui s’y noue, du rapport qu’entretient la (prochaine ?) Présidente du plus puissant Etat du Monde avec son «peuple». Non pas un rapport de face à face mais un rapport détourné où les gens se contenteraient d’un glorieux selfie (qui n’est pas – rappelons-le ici – un autoportrait). Un selfie qui, dans ce genre d’occasion, couple la candidate avec chaque personne singulière. Un selfie qui donne l’impression d’une démocratie directe (rien ne vient entraver cette idée). C’est ce lien démocratique qui est –supposé –être «vrai», un lien où chacun (tout le monde) peut obliger la personne célèbre à faire un coucou, l’obliger à se mettre dans le cadre, à sourire, à ne plus bouger (comme une potiche du Musée Grévin).

Inquiétude donc devant cette image qui justifiera le tweet suivant que je suis allé poster à la suite de celui de Raphaëlle Bacqué.

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4 Responses to A propos d’une photo D’H.Clinton et d’un tweet de Raphaëlle Bacqué du Monde.

  1. agatheNRV dit :

    Ton billet est particulièrement pertinent et fait écho à la médiocrité du travail journalistique en général. R. Bacqué est du côté du manche 😉

  2. BiBi dit :

    @AgatheNRV
    Notre éminente « journaliste » avait déjà pondu un « bel » article sur Sarkozy du temps où son étoile commençait à pâlir. Elle avait fait le coup à ses lecteurs du Monde de rebooster son chouchou, de le remettre à neuf en louant ses filières…. intellectuelles !!! 🙂 Voilà le lien… http://www.pensezbibi.com/categories/revue-de-presse/quand-le-monde-sert-la-soupe-a-lautre-sarkozy-7227

  3. Robert Spire dit :

    Raphaëlle Bacqué, son tweet est emblématique de l’époque:
    « C’est là que commencent
    Toutes les transes
    Qu’on lance en France
    Tweet à Saint Trompez!
    tralalala… » 🙂

  4. agatheNRV dit :

    Bibi, excellent ton lien, je m’aperçois qu’elle fricote hein ! Depuis fort longtemps dans les sphères argentées. ..
    Coucou à Maître Sire qui me régale toujours par la drôlerie ou la qualité de ses commentaires

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