Et maintenant… que vais-je faire ?

Les temps du Quoi faire?, du Comment faire?, du Qu’y a t-il à faire? sont revenus. Le Pôv’ Con s’en est allé et le Changement, c’est – paraît-il – ici et maintenant. 

Ainsi va l’humeur changeante du Monde : entre la Victoire en doux bécots et la Mélancolie-Bécaud ramassée en une chanson.

Le paysage a changé.

Le pôv’ Con s’en est allé, chassé par la lucidité populaire, par les élans rageurs, par des colères noires qui nous ont laissés sur le bas-côté si souvent hébétés, quasi-désespérés. Oui combien de fois murmurions-nous «Mais quand donc ces saloperies finiront ?» Vertiges insupportables aux discours de Dakar et de Grenoble. Nausées inconnues et répétées qui naissaient à la simple vue et prise de paroles des Morano, Raoult, Estrosi, Ciotti, Woerth et Guéant paradant devant les parterres de  journaleux indignes de la profession.

Les leçons doivent être tirées et retirées. A l’infini. Les leçons, on ne les donne pas : on les reçoit. Ce quinquennat nous a enseigné – constat premier – que les acquis démocratiques se sont révélés (se révéleront) beaucoup plus friables, beaucoup plus temporaires que ce que l’on croyait alors, proches, si proches d’une possible disparition. Ainsi, pour exemple, tout ce que l’Après-guerre avait tenté de construire a été passé au laminoir devant les forces conjuguées des Politicards de Droite et de la Finance.

Aujourd’hui, c’est jour d’accalmie.

La Gauche l’emporte. Et les Socialistes ne seront ni poussés par la brise verte ni par les poussées bienvenues d’adrénaline du Front de Gauche. A partir d’aujourd’hui, la «Gauche» porte dorénavant toute les responsabilités de sa politique. Ce mot de «responsabilité» dans la bouche des socialistes héritiers de Mitterrand et de Jospin est à double-face. Les ai-je entendus ces barons du PS dire qu’ils prendront leurs «responsabilités» ! Mais… pourquoi faut-il qu’à mes oreilles (et à mon corps défendant), j’entende plutôt qu’ils vont être… responsables de ce qui est, de ce qui sera, et surtout de ce qui ne se fera pas (responsables-bis d’une  impasse à la Jospin ?).

Les horizons sont donc incertains malgré la clôture de ce monstrueux quinquennat où l’on vit des hommes politiques se vautrer dans le pire, où l’on a pu lire des éditos d’éditocrates défendre l’indéfendable et de grands Intellectuels se taire et se terrer.

Et hélas, que non, non, tout cela n’est pas fini.

Pas fini avec les nouveaux entrants et les vieux sortants, toujours là. Pas fini avec les très propres Bruno Jeudy, les dynastiques Mougeotte, les libéraux Quatremer, les indécrottables experts à la Pascal Perrineau, les sciences-potiches à la Reynié et les radiophoniques Ferjou : ils rôdent, ils squattent, ils pérorent (et pas pour rien) du haut de leurs Perchoirs confisqués au Tout-Venant.  Ils sont tous là pour nous persuader que l’Avenir sombre sera radieux sous les projecteurs de la Grande Finance et que circulez, il n’y a rien à voir dans les greniers de leurs Forteresses et les coffre-forts de leurs Banques. Si… si, on vous assure, on vous rassure.

Le paysage des blogs va aussi changer.

Applaudissons : le Petit Monarque aux Ray-Ban et aux Rolex n’est plus là. Dans ce même sillage, Juan, le blogueur le plus acharné et emblématique de la «Gauche» (SarkoFrance), vient de tirer aussi sa révérence. Les Left-Blogs sont dans l’attente, se préparent à veiller au grain Solférino, à défendre le Parti socialiste au Comptoir de la Comète. La Gauchosphère, elle, retrousse ses manches se souvenant que «les faits sont têtus» et méditant sur cet axiome (implacable) que le mérite ne se paye pas forcément à la récompense.

Les blogs politiques (majoritairement «de gauche») se grattent donc la tête, cherchent encore quelques poux dans la tête des Sarkozystes défunts. La période bénie où l’Unanimité antisarkozyste cachait des lézardes et des conflits se termine. Des lignes de fractures ( et de partage) vont aller grossissant puisqu’on n’aime rien tant que de classer, de trier, de cataloguer, de mettre les Uns ici et les Autres par là, que de se rassembler, de faire corps, d’avoir son Club et ses supporters, ses drapeaux, ses territoires, ses porte-paroles et ses moutons. En somme, nous vivons un temps flottant, un Temps de latence  où les forces doivent non pas se recomposer mais doivent trouver d’autres mots, des mots plus justes, plus précis, plus combatifs, plus incisifs, des mots qui disent le Réel au plus proche… pour tenter de le déplacer, de le transformer. Temps de latence où chacun de se dire, de chantonner tout bas : «Et maintenant, que vais-je faire de tout ce temps?...».

Mon paysage a changé.

Côté Chemin-BiBi : pas vraiment d’impasses mais des marinades momentanées, des questions dans le brouillard du soir ou dans la rosée du matin. Heureusement pour moi, le Politique ne s’est jamais résumé à la Politique et n’a jamais vraiment dévoré tout le reste. Toujours pensé cependant qu’en tirant un fil – livre d’hier, musique, tableau ou épreuve sportive d’aujourd’hui – tout pouvait s’y ramener. Pour aller vite, les Poètes, les écrivants m’ont préservé de ces abysses du Politique où l’on reste comme paralysés d’avoir perdu toute sa mise. J’ai donc bien fait de ne pas avoir  engagé toute mon énergie sur ce seul cheval de la Politique – si urgent que cela ait été d’enfourcher le canasson.

Je continuerais donc à bavasser ici sur ce que bon me semble sachant que je ne suis pas le seul maître dans cette Maison. Les courants d’air commandent parfois. Les murs chancellent, les portes claquent souvent trop fort. Et la Terre peut sérieusement et à tout moment se mettre à trembler.

Heureusement, les amis et leurs écrits veillent. Clément Rosset («Le Choix des Mots» Editions de Minuit) : «Le choix des mots est affaire sérieuse. Il signale toujours une certaine forme d’adoption – ou de refus – des choses, d’intelligence ou de mésintelligence de la réalité».

Autre lecture concordante : le voyageur Nicolas Bouvier, interviewé dans «Routes et Déroutes» Editions Métropolis), écho de Clément Rosset : «Quand j’avais passé une journée entière à essayer de trouver les mots justes, je me sentais l’esprit plus affûté et aussi une meilleure capacité d’observation». Ce choix des mots si juste soit-il n’est évidemment pas une écriture définitive, absolue. Il s’agit seulement pour eux de réduire la marge de gaspillage.

Choisir ses mots : tout ne s’y résume pas. En continuel retour, il y a ces notes de piano insistantes : «Et maintenant, que vais-je faire… » doublées de cette incontournable interrogation sans cesse posée par Nicolas Bouvier : «Et qu’y a-t-il… de l’autre côté de la Montagne» ?

7 Responses to Et maintenant… que vais-je faire ?

  1. Très utile la littérature pour échapper et retourner au réel…

  2. BiBi dit :

    @des pas perdus
    J’y suis tombé tard (vers 19-20 ans)un peu par hasard, avec la découverte d’Antonin Artaud et de son Suicidé de la Société puis allant de textes en intertextes, il y a eu arborescence un peu magique.
    Rien de plus beau pour moi qu’un texte qui résiste,qui remplit de joie, qui s’ouvre à l’infini de l’Interprétation (à chaque lecture).
    Un beau texte nous cheville au corps et – sombre ou lumineux – il éclaire toujours dans le même temps notre présence au Monde.

  3. Oui Bibi, j’éprouve la même tendre indolence.

    Nous ne sommes pas des stakhanovistes du blog… Il faut écrire quand cela nous amuse. La webgloire, la reconnaissance factice, la notoriété en carton, la fausse impression d’être écouté sont des miroirs aux alouettes.

    Et puis, il y a la vraie vie qui nous prend tant de temps…
    La lecture, les arts, la flemme…

  4. BiBi dit :

    @cui cui
    La flemme oui.
    La femme aussi 🙂

  5. Bibi, votre prose me laisse sans voix, cette manière que vous avez d’exprimer vos idées, de dire votre ressenti, tel un écrivain! Bibi ou l’amoureux des mots? Lorsque l’on vous lit, paradoxe, on sent de l’optimisme, le rêve d’un lendemain meilleur mais aussi une pointe de pessimisme devant la réalité de la vie politique (vision dans laquelle, vous ne vous enfermez pas!). Suis-je dans l’erreur, Bibi?
    Si, je puis me permettre, de vous contredire quelque peu, je tiens un blog politique et pourtant, je suis une républicaine apolitique, qui essaie, tant bien que mal de trouver les mots justes pour exprimer ma pensée. Au PLAISIR, de vous relire!

  6. J’ai oublié de vous demander…je suis sur blogspot et j’aimerai vous suivre mais il y a un problème semble t-il avec le RSS, que faire? Je vous remercie.

  7. BiBi dit :

    @femme indignée.

    J’espère que ma prose ne vous laisse pas sans voix car sans voix, nous ne pourrions pas nous… entendre ! Ce serait dommage.

    Amoureux des mots ? Euh… si vous voulez mais sachez que très souvent, dans mes accès de grande fureur, pas un mot ne me vient. La Diète complète. J’enrage alors littéralement contre chacun d’entre eux. Les mots se terrent souvent dans leur silence, font leurs vies ailleurs et manquent la plupart des rendez-vous que je leur prop(r)ose.

    Pessimiste ou un brin optimiste ? Je ne peux que rappeler cette phrase qui accompagne mon avatar sur Twitter, cette petite qualification intime qui m’est très très proche : « Optimiste de plus en plus inquiet ». Voilà qui répond à votre question, non ?

    Vous ne me contredisez pas : avec vous qui êtes « Républicaine apolitique », j’aurais surement beaucoup de points d’accord. Et sachez encore que sur les points de désaccord, les principaux sont ceux que j’ai avec… moi-même.

    Enfin sur le RSS, je ne comprends pas. Je vais demander de l’aide et vous essayerez de nouveau un peu plus tard. Répondez-moi lorsque tout sera OK.

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