Affaire « Depardieu » : suite et fin.

Depardieu

L’affaire Depardieu est un contrefeu, de ces contrefeux dont usait et abusait Nicolas Sarkozy. Cette fois-ci, j’ai bien l’impression que ce sont les amis objectifs du nouveau Pouvoir en place qui nous l’allument. Et je rejoins les propos de mes amis subjectifs que sont Michel et Monique Pinçon-Charlot déclarant ce jeudi matin sur France-Inter : «Gérard Depardieu est l’arbre qui cache la forêt».

Vivant mais cocasse.

Me souviens avoir lu ce livre d’entretien entre Depardieu et Laurent Neumann, directeur alors de Marianne. Le livre s’intitulait : «Vivant» chez Plon (2004). Cocasse de relire ces passages si sincères de l’acteur qui disait :

«Plus tu paies, plus tu dois gagner pour assumer ce que tu dois. Mais franchement, ce serait indécent de me plaindre. Compte-tenu de ce que je gagne, il est normal que je paie beaucoup d’impôts. On trouve tous qu’on en paie trop. Mais c’est la vie… Moi j’ai toujours su instinctivement qu’une partie de l’argent que je gagnais appartenait à l’Etat et devait être redistribué. Je suis pour le partage et la redistribution des richesses (…). Je n’ai pas honte de payer beaucoup d’impôts. Je dirais même que j’en suis fier. Je gagne beaucoup d’argent, donc je paie beaucoup d’impôts. C’est logique et parfaitement normal».

Il ne reste plus à Laurent Neumann que d’écrire un second livre (inutile) d’entretien et à toucher des royalties. Proposition-BiBi pour le titre d’un deuxième tome : «Mort-Vivant».

Depardieu blogLa Curée.

En suivant Twitter et les blogs, on assiste à une curée sans précédent autour de l’acteur parti planquer son argent dans les coffres-forts des Brasseries belges. Crachats, déchaînement de haine incroyable.

On pourrait me rétorquer que j’y ai participé. Mais relisez mon billet sur l’acteur qui date de 2010 : il s’arrêtait seulement sur les déclarations lamentables que fit alors l’acteur que je qualifiais de «voyou» pitoyable. Depardieu crachait une nouvelle fois sur ceux qui défilaient dans la rue. Ces propos d’alors n’avaient fait aucune vague. Un seul billet et j’avais réglé cette affaire.

Aujourd’hui, c’est une curée invraisemblable. L’ acharnement sur ce bouc émissaire est sans précédent. Je n’aime guère cette unanimité à «gauche» (Twitter en surcapacité, billets de blogs haineux etc). Je défendrais l’acteur avec ce principe : «Quand au Tribunal, il y a unanimité pour condamner un homme, alors il faut lui redonner sa liberté». Ou encore avec le rappel de cette image poignante et très formatrice d’Henry Fonda dans «Douze hommes en colère». Horreur-BiBi de l’acharnement général sur une personne. Aussi simple que ça.

Du pain béni pour les Médias.

Chez ces derniers – toujours en chasse de clients, d’auditeurs, de lecteurs, de téléspectateurs – et via leurs visions politiques,  on est évidemment aux anges. Cette «affaire Depardieu» a été relancée par mon Journal dominical préféré (le JDD de Lagardère).  Lagardère, vous connaissez ce Bienfaiteur ? Marchand d’armes, de canons et de papier etc. Parangon de vertu, son JDD livre aux Assoiffés-people une lettre qui fait le buzz, qui fait monter en flèche les ventes. Biz-Buzz.

BoxeDu catch, de la boxe. 

Aujourd’hui, on réduit l’actualité à des matches (de catch) personnalisés. Ex : Obama/Rodney, Sarkozy/Hollande ou encore plus secondairement Mélenchon/LePen, Dominique/Nafissatou et aujourd’hui Ayrault/Depardieu (match aller sur le terrain des TV, match retour sur celui du JDD). Voilà qui fait question (politique), non ?

L’exemple Canal Plus.

Rappel : c’était le jour de la mort de Claude Chabrol. Depardieu était l’invité du Grand Journal de Canal Plus, talk-show de son ami Michel Denisot. J’écrivis alors mon billet parce qu’autour de l’acteur, AUCUN des chroniqueurs présents ne s’insurgea contre de tels propos. Or que vis-je ces derniers jours sur ce même écran ? Des basses plaisanteries, des propos assassins sur l’acteur dans ce même journal. Fucking Canal Plus.

Depardieu, le contrefeu.

Ces anathèmes m’ont fait penser à ce panonceau qu’on peut lire aux abords des voies ferrées : un train (une affaire) peut en cacher un autre. Oui, l’Affaire Depardieu cache la Forêt des mesures hollandaises comme le dit ce jeudi matin Michel Pinçon sur France-Inter. Elle n’est là que pour gommer la phrase de Hollande du Bourget («Notre adversaire c’est la Finance»), elle est là pour ne pas parler des Paradis fiscaux. Elle est là pour se concentrer sur la personne pingre de Bernard Arnault afin de cacher ses 140 filiales aux sièges caribéens. On cause et on recause Depardieu pour cacher le vote socialiste au Pacte Budgétaire, on tire sur l’acteur pour ne pas parler des liens et des réseaux de certains dirigeants socialistes (Moscovici, Fabius, DSK etc) avec de Grands Financiers et de Capitaines d’Industrie français (déjà installés en Belgique et en Suisse), pour oublier Cahuzac etc.

Alors, SVP, laissons Depardieu perdu dans sa nuit, accroché à ses euros et à ses propos de bistrot. Une fois pour toutes.

5 Responses to Affaire « Depardieu » : suite et fin.

  1. Arthurin (alias EW) dit :

    Hélas, tu ne parle qu’à ceux qui savent déjà BiBi (et en plus on a l’air super nombreux :p). Les autres n’ont soit pas le temps, soit pas l’envie, soit aucun des deux ; c’est parce que nous attendons qu’ils voient enfin la forêt qu’on a le temps de voir pousser les arbres…

    Bref, tu as raison de dénoncer la personnification de luttes essentiellement idéologiques à la base (on peut utiliser le mot « idéologique » sans qu’il revête un caractère péjoratif n’est-ce pas ?), ça a été flagrant pendant la présidentielle (comme d’hab j’allais dire)où tout le passif des partis et leurs programmes a été complétement occulté par les personnalités des protagonistes ; ceci dit quand on voit ce qu’il advient des programmes, c’est peut-être pas super important de s’attarder sur eux non plus.

    Quel beau pays nous avons là, heureusement que c’est la fin du monde demain.

  2. Lou dit :

    Ils sont fous, ces boutefeux !
    Et puis, Idéfix n’aime pas qu’on déracine un arbre, même s’il cache la forêt.
    : – )

  3. Denis dit :

    C’est en substance ce que je disais dès le 16 décembre : « Depardieu, un os à ronger pour le petit peuple de gauche ».

    Et le pire, c’est que, même sur ce terrain-là, le pouvoir est tout simplement en train de se ridiculiser !

  4. En fin de compte, pourquoi cet acharnement sur Depardieu ? Et pourquoi Depardieu veut partir, alors que jusqu’ici il n’était pas dérangé pour payer des impôts ?

  5. BiBi dit :

    @devenir professeur
    Cet acharnement ? Je crois en avoir écrit un peu là-dessus dans mon billet.
    Ce que je n’aime pas (bis repetita) c’est justement cette chasse à l’homme.
    Quant au reste, je n’ai pas les pouvoirs d’un JDD pour fouiner dans les vies privées.(Heureusement d’ailleurs).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *