Christophe Tarkos, poète.

C Tarkos 3 fois

« Cela ne peut plus durer. Ça ne peut plus durer comme ça. Ce n’est pas possible. C’est n’importe quoi. Il faut faire quelque chose. Ça ne veut plus rien dire, on ne sait plus ce qu’on fait, il y a tout et rien, ça part dans tous les sens. Ce n’est plus de la poésie. » (Christophe TARKOS ).

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Lorsqu’en 1998, j’ai découvert Christophe Tarkos et ses écrits, le poète n’était pas mort. Il décèdera quelques six ans plus tard, en décembre 2004, entouré de ses quelques amis qui l’accompagneront au Cimetière Montparnasse, entrée 3, Boulevard Quinet.
Cette découverte de Tarkos, je la dois au numéro 1 de la Revue « La Polygraphe », éditée par les Editions Compact. Il y était noté que Christophe Tarkos était « un fabricant de textes et de performances », qu’il était né à Marseille et qu’il vivait en France. La suite disait qu’il fabriquait des textes et des poèmes, des poèmes présentés sous forme de textes imprimés ou de lectures ou de performances avec pour titres par exemple : la vache et le trou, le bidon, le pneu. Les ouvrages, eux, avaient pour titre : le train, l’oiseau vole, farine, Oui (chez « Ulysse en fin de siècle »), processe ». Il était à la recherche d’un éditeur qu’il trouvera avec POL (« Pan » et « Anachronisme ») et une plus petite maison d’édition (Al Dante).
Parmi les 12 textes présentés sous le titre de « Cases du damier », deux d’entre eux m’avaient frappés mais, vous savez comment vont et viennent les pensées : elles entrent en vous, y restent cachées avant qu’à la faveur fortuite de l’arrivée d’un temps printanier ou d’un soleil d’été, elles resurgissent brutalement à la lumière. A redécouvrir ces deux textes, j’ai su alors qu’ils étaient entrés en moi, y étaient restés pour, un jour, y affleurer et me bouleverser. C’est ainsi que renaît un peu BiBi à la vie .
A la lecture de Christophe Tarkos, on se dit tout  de suite qu’il n’y a rien avant lui qui puisse lui être comparé. BiBi avait eu cette même impression de jamais-vu avec les images singulières des films de Jean Eustache et d’Abbas Kiarostami. On oscille entre l’ahurissement, la jouissance de voir ainsi les choses nommées et la surprise d’avoir instantanément des palpitations. C’est presque rien ce déferlement, cette langue ralentie, ce flux en quatrième vitesse mais ça caracole aussitôt à l’intérieur de nous, ça dévale, ça cavalcade. Ce presque-rien nous affole, nous suffoque, nous fait tourner au vertige. D’ailleurs, j’ai accolé cette photographie de Tarkos en pleine performance sonore. Elle traduit cette force et cette intensité que les amis de BiBi reconnaitront en plongeant dans ces deux extraits.

1……………………………………………………………………………………………………………         « Je suis blanc, je suis tout blanc. Je ne sais plus ce que ma pensée pense. Je ne comprends plus ce qu’elle veut penser, ce qu’elle pense, si ce qu’elle pense est juste ou non, est bon ou mauvais ou autre chose, je suis entièrement blanc, je ne peux plus juger de ma pensée, je pense sans pouvoir savoir, elle peut penser ce qu’elle veut, je suis blanchi, je n’ai plus aucun moyen de savoir ce qu’elle est, ce qu’elle veut, je ne peux plus la juger, e ne la juge pas, elle fait ce qu’elle veut, elle me détache, je ne juge plus, je ne sais plus ce qu’elle pense, comment elle pense, elle pense sans que je puisse juger, de son côté elle peut bien penser ce qu’elle veut, je n’ai plus de regards sur ma pensée, je suis tout blanc, je ne sais plus maintenant ce que je fais, ma pensée me devance, elle est loin devant, elle est laissée, elle se balance comme elle l’entend, je suis entièrement blanchi, dire si ce qu’elle pense est juste est fini, je ne juge plus, elle pense, je suis entièrement blanc, je suis d’une grande blancheur ».
2………………………………………………………………………………………………………….      « En Allemand je ne sais plus je ne comprends plus je deviens sourd et niais je suis perdu je n’ai plus moyen de comprendre je ne comprends pas un mot je ne sais plus entendre je n’entends plus rien je ne lis plus rien je ne sais pas lire je ne sais pas un mot je ne comprends pas ce qu’on me dit je suis têtu et sourd je ne peux plus parler je suis muet je n’ai pas le moindre moyen de langue je ne comprends plus rien j’entends qu’on m’adresse la parole je vois des inscriptions tout ce qu’on me dit je ne le comprends plus je ne peux rien répondre je ne comprends simplement rien au langage je ne peux que faire le geste que je suis sourd que je suis muet que je suis complètement en dehors que rien ne me parvient que je ne peux pas l’écrire que je suis absolument sans moyen de me faire comprendre qu’il ne me reste que des gestes pour gesticuler pour faire celui qui n’y entend rien et qui n’a pas la parole je suis sans entente je suis sans parole je ne vois plus rien de tout ce qui est écrit je ne sais plus rien lire je ne vois plus je suis dans l’invisible je suis dans la surdité j’entends des sons inintelligibles je ne peux pas m’expliquer je suis sourd et muet et aveugle toutes les langues m’ont quitté je ne comprends plus rien ».

One Response to Christophe Tarkos, poète.

  1. valerie dit :

    Elle me parle aussi cette écriture qui pour certains, n’en est pas.
    J’ai découvert Tarkos par Sitaudis, je crois bien.

    Je pense à Pennekin aussi.

    Je crois que ce sont des écritures dans laquelle bien des êtres humains peuvent se retrouver et qu’elles donnent, non seulement à guérir mais à penser .

    J’essaie d’écrire un deuxième truc que j’aimerais lier avec un bidule écrit depuis longtemps. Ce n’est pas simple d’être perdue dans l’écrit.

    Bisous Bibi.

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