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Obstination de la poésie.

Dans Le Monde Diplomatique de janvier 2010, on trouve – c’est suffisamment rare pour être souligné – une intervention d’un poète, Jacques Roubaud. BiBi reprend ici le magnifique intitulé de son article : «Obstination de la poésie ». Ce beau titre enveloppe les deux lignes qui suivent : il faudrait, écrit le poète, «voir la poésie où elle se trouve, dans un tête-à-tête avec la langue ».

Jacques Roubaud poursuit en préambule de son article : « L’insignifiance économique de la poésie la condamne à l’obscurité ; pourtant les recueils, les revues, les sites qui lui sont dédiés continuent de fleurir. Et réservent de belles découvertes à ceux qui prennent la peine d’y accoutumer leur œil et leur oreille ».

L’attrait de la poésie est encore présent, note Jacques Roubaud, en particulier sur la Toile où «l’on doit constater qu’on trouve beaucoup de poèmes et que la poésie, de ce fait, atteint plus de lecteurs que ne le fait le livre ».

Vérité du constat.

Les gens ont faim d’écriture et de lecture. Pour peu qu’ils rencontrent une voix de récitant, le texte d’un témoin, le partage d’un passeur, les voilà armés de ces mots qui font bouger le Monde, de cette prose qui fait osciller nos représentations enkystées du Monde. Cette Cosmogonie nouvelle nous porte alors au-delà de ce qui nous fige et nous cloue au sol. Pour peu que la rencontre ait lieu en un minimum de disponibilité, la poésie fait la différence car elle parle au cœur de l’humain et de l’aventure humaine, elle parle aux dieux descendus sur terre et aux cieux, elle répond aux murmures du vent et repousse les assauts du cynisme, de la vanité, de l’aigreur et du désespoir perpétuel.

Jacques Roubaud a raison : «Obstination de la poésie».

Christophe Tarkos, poète.

C Tarkos 3 fois

« Cela ne peut plus durer. Ça ne peut plus durer comme ça. Ce n’est pas possible. C’est n’importe quoi. Il faut faire quelque chose. Ça ne veut plus rien dire, on ne sait plus ce qu’on fait, il y a tout et rien, ça part dans tous les sens. Ce n’est plus de la poésie. » (Christophe TARKOS ).

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Lorsqu’en 1998, j’ai découvert Christophe Tarkos et ses écrits, le poète n’était pas mort. Il décèdera quelques six ans plus tard, en décembre 2004, entouré de ses quelques amis qui l’accompagneront au Cimetière Montparnasse, entrée 3, Boulevard Quinet.
Cette découverte de Tarkos, je la dois au numéro 1 de la Revue « La Polygraphe », éditée par les Editions Compact. Il y était noté que Christophe Tarkos était « un fabricant de textes et de performances », qu’il était né à Marseille et qu’il vivait en France. La suite disait qu’il fabriquait des textes et des poèmes, des poèmes présentés sous forme de textes imprimés ou de lectures ou de performances avec pour titres par exemple : la vache et le trou, le bidon, le pneu. Les ouvrages, eux, avaient pour titre : le train, l’oiseau vole, farine, Oui (chez « Ulysse en fin de siècle »), processe ». Il était à la recherche d’un éditeur qu’il trouvera avec POL (« Pan » et « Anachronisme ») et une plus petite maison d’édition (Al Dante).
Parmi les 12 textes présentés sous le titre de « Cases du damier », deux d’entre eux m’avaient frappés mais, vous savez comment vont et viennent les pensées : elles entrent en vous, y restent cachées avant qu’à la faveur fortuite de l’arrivée d’un temps printanier ou d’un soleil d’été, elles resurgissent brutalement à la lumière. A redécouvrir ces deux textes, j’ai su alors qu’ils étaient entrés en moi, y étaient restés pour, un jour, y affleurer et me bouleverser. C’est ainsi que renaît un peu BiBi à la vie .
A la lecture de Christophe Tarkos, on se dit tout  de suite qu’il n’y a rien avant lui qui puisse lui être comparé. BiBi avait eu cette même impression de jamais-vu avec les images singulières des films de Jean Eustache et d’Abbas Kiarostami. On oscille entre l’ahurissement, la jouissance de voir ainsi les choses nommées et la surprise d’avoir instantanément des palpitations. C’est presque rien ce déferlement, cette langue ralentie, ce flux en quatrième vitesse mais ça caracole aussitôt à l’intérieur de nous, ça dévale, ça cavalcade. Ce presque-rien nous affole, nous suffoque, nous fait tourner au vertige. D’ailleurs, j’ai accolé cette photographie de Tarkos en pleine performance sonore. Elle traduit cette force et cette intensité que les amis de BiBi reconnaitront en plongeant dans ces deux extraits.

Embruns… (pour Béatrice)

Océan déchainé

  Moi si ému
  Sous les vents
  Moi si mouvant
  Sur les sables
  Comme je m’étire sur tes lignes
  Et m’échoue sur tes blancs