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Les Césars, Fabrice Luchini et son humour de potache.

BiBi aime bien Fabrice Luchini. A l’approche de la cérémonie des Césars (invitée : Jodie Foster – BiBi marque et anticipe déjà un soupir d’aise), il est rigolo de lire ce que l’acteur déclarait il y a un an à peine:

«Que ce soit les Césars ou les Molières, cela me paraît aussi aberrant d’être pour que d’être contre. Pour moi, c’est une invention hallucinante ! Introduire le principe de la compétition au cœur de cet espace singulier où l’acteur évolue, récompenser les gens, cela n’a vraiment rien à voir avec ce qui fait la beauté de ce métier (…).Cette concurrence est d’une stupidité insensée».

On peut approuver le point de vue distancié de Luchini mais cela ne suffit pas à comprendre pourquoi cette Cérémonie rituelle existe. Peut-être revient-elle tous les ans pour donner corps à la profession et apparaître aux yeux de tous comme une Famille… à laquelle, de rêves en rêveries, chaque spectateur pourrait/voudrait appartenir ?

Chacun «possède» en effet sa cinémathèque intime (ou en est possédé). Ce n’est pas rien, cette projection singulière des spectateurs sur les Acteurs, sur les Actrices, sur les Films ! Pas rien ce désir increvable de Gloire ou cette faim – comme l’écrivait justement Serge Daney (1) – «d’être vu par les films» (pour leur appartenir) ! Pas rien cette envie dévorante du narcissisme secondaire d’apparaître encore et toujours en pleine lumière !

Hypothèse-BiBi : la tenue des Césars a une double fonction signifiante. Elle dit  :

1. la Famille appartient au Cinéma (et aucune autre famille n’existe hors sa domination).

2. Le Cinéma appartient à la Famille. Cette dernière affirmation est évidemment grotesque puisque les films n’appartiennent pas plus aux cinéastes que les tableaux n’appartiennent aux Peintres ou que les livres aux écrivains (2).

Peut-être ce rituel des César est là aussi pour introduire cette idée très libérale de compétition entre artistes ? Peut-être aussi que, derrière ces rituels, il y a une volonté de maîtriser ce qu’on ne maitrise pas ? Et ce qu’on ne maitrise pas, ce qui échappe, c’est la Mort.

Contiguïté du Cinéma et de la Mort : on descend dans la salle obscure comme on descendra, un jour, dans la tombe. Et ajoutons qu’on ne sait jamais ce qui nous y attend(ra).

BiBi reconnaît que Fabrice Luchini est souvent casse-bonbon, qu’il peut énerver beaucoup de gens par ses numéros de potaches à répétition (article de Paul Villach sur AgoraVox(3)) mais le Monsieur a quand même fait ses preuves sur scène – (peut-être moins au Cinéma où il n’y a rien à signaler hors les films de Rohmer et deux ou trois autres bricoles). L’écouter réciter du La Fontaine en verlan, des aphorismes de Nietzsche ou les Fleurs du Mal de Baudelaire, c’est quelque chose et c’est aussi autre chose. Alors BiBi lui pardonne beaucoup (peut-être trop).

Le film «Les Femmes du Sixième étage» vient donc de sortir. On s’attend évidemment à un plan-Luchini, l’acteur se révélant très bon client médiatique.

Au début de son abonnement à Twitter, BiBi eut quelques (bons) mots en 140 caractères avec le compte de Fabrice Luchini. Dialogue rigolo et sérieux jusqu’à ce qu’un pauvre troll l’interrompît en s’immisçant dans le compte de l’acteur. Allez, Fabrice, BiBi t’invite à venir faire un tour ici : t’auras tout loisir d’y déposer tes commentaires.

*

  • (1) Serge Daney écrivait aussi : «On se tient plutôt tranquille dans une salle obscure, on vit son aventure personnelle avec le film, et en même temps, on est content de l’avoir vécue en même temps que d’autres». Le cinéaste Jean Eustache, lui, était plus radical puisqu’il disait très sérieusement qu’à la sortie du cinéma, un couple – en cas de désaccord sur le film – pouvait s’entredéchirer jusqu’à se séparer définitivement.
  • (2) BiBi cède, lui aussi, à la citation :  «L’ennemi absolu est celui qui prétend être maitre du langage». (Vaclav Belohradsky). Les César et les codes récompensés ont justement cette prétention.
  • (3) Les citations-Luchini à répétition peuvent certes être perçues comme des profits de distinction ou comme des « manies de potaches » (Paul Villach) mais elles peuvent aussi être des ouvertures bienvenues. Et pourquoi l’acteur se priverait-il d’énoncer la beauté de la prose de ses Idoles en lieu et place de son charabia qu’il sait être clownesque ? Après tout, l’admiration pour « un grand maître » peut ne relever ni de l’Idolâtrie ni de la Soumission.

« What a Wonderful World ! »


Rumeurs sur le couple Sarkozy-Bruni
envoyé par inet. – Regardez les dernières vidéos d’actu.

BiBi ne sait pas pourquoi il fit un raccourci entre l’interview de Carla Bruni-Sarkozy sur SkyNews (Les Nouvelles du Ciel !) et l’image de Françoise Lebrun, actrice du film majeur de Jean Eustache «La Maman et la Putain». Ce film de 1972 cloua BiBi dans un fauteuil du Cinéma «L’Entrepôt» à Paris. Entre la futilité au Pouvoir («Je vis un Conte de fées » dit Carla Sarkozy) et la densité, l’intensité du magnifique monologue de Françoise Lebrun, il y a évidemment tout un gouffre, tout un Monde : Mensonge puéril d’un côté ; Colère, Passion, Tumulte et brûlure de l’autre.

De cet entrechoc, BiBi en a tiré son 600 ième article. Il a voulu rendre hommage au cinéma immémorial de Jean Eustache et voulu rappeller ici la forte conclusion d’Alain Philippon dans son livre consacré au cinéaste de Narbonne : « Comment rester un cinéaste de son temps, comment rester cinéaste quand ce temps commence à vous dégoûter ? Telle est la question qui ne cessera de hanter Jean Eustache » .


La maman et la putain eustache
envoyé par chloegc. – Regardez plus de courts métrages.
 

[A Françoise Lebrun]

« C’est une image de vous que j’ai aimée, une image porteuse de fictions innombrables. Non, ça ne m’avait jamais fait ça, une image de cinéma, une image sans emphase soutenant votre phrasé. Il y a eu là, collusion entre le Monde et vous pour m’apprendre de ce Monde, collision entre vous et moi, accident majeur jamais regretté. Je suis à vous, reconnaissant, je vous l’avoue, à vous, rien qu’à vous. Même si le temps a passé, dites-moi que ce bon temps peut revenir, dites-moi si vous avez vécu d’autres choses, si votre temps a été bien employé, dites-moi si je fais erreur sur votre personne. Dites-moi que vous avez été autrement filmée et que vous n’êtes, au jour d’aujourd’hui, ni figée, ni fixée, ni sur vos tensions d’avant-hier, ni sur vos intentions d’hier, ni sur ce film d’avant-hier. Dites-moi que vous allez toujours allègrement de l’avant, qu’il y a eu d’autres films, d’autres pièces, d’autres créneaux, d’autres châteaux que je connais pas, qu’il y a eu, pour la femme libre que vous êtes, d’autres libertés prises, d’autres prises de vues libres, dites-moi que vous êtes toujours prise, éprise de prises de vues. Alors, alors, me reviendra le temps d’une seconde jeunesse ».

Littérature amie.

Les Oeuvres complètes de William Blake

1. Dans le numéro du Matricule des Anges d’avril 2009, BiBi a lu une interview de Bernard Vallée, libraire à Rennes. Les propos sont amers : «Nos étudiants lisent moins qu’avant, en histoire comme en lettres, ou bien ils vont sur Internet. En tout cas, j’en vois beaucoup moins passer qu’il y a 10 ans. J’ai le sentiment qu’ils n’ont plus la culture du Livre. Je suis très pessimiste pour l’avenir de libraires comme moi».
Chaque fin du mois d’août, le libraire rennais organise des rencontres autour d’un thème «Les Politiques de la Peur» (avec Gilles Clément et Michel Surya en 2005) et «La Démocratie possible ou impossible» (avec Jacques Rancière en 2006). Si, par hasard,  notre libraire tombe sur le présent article, qu’il donne à BiBi et à ses amis, le programme des festivités de l’été 2009.

2. Pessimiste aussi François Gèze, PDG des Editions de la Découverte. Au dernier Salon du Livre, il s’alarmait : «Une étude sociologique ou historique se vendait en moyenne à 2200 exemplaires en 1980. Aujourd’hui, c’est entre 600 et 1000. Nos auteurs qui sont des universitaires s’interrogent sur le Savoir à transmettre et ont des doutes sur leur rôle dans la société». Pas si pessimistes que ça, les Chercheurs, puisqu’ils le crient dans la rue.

3. Restituer le Réel dans sa complexité. Par l’art, la pensée, la littérature. Bonne occasion de découvrir l’œuvre de William Blake. Ce poète et graveur anglais, longtemps méconnu par les français, est né à Londres en 1757. Il mourut en 1827. «Les perceptions de l.homme ne sont pas limitées par les organes de la perception : l.homme perçoit plus que ne peuvent découvrir les sens (si aigus soient-ils)» écrivait-il ou encore «La route de l.excès mène au palais de la sagesse». Georges Bataille en fit l’éloge dans un chapitre de son livre «La Littérature et le Mal». William Blake a illustré la Bible, la Divine Comédie, il s.est inspiré des mythes, de Shakespeare, de Milton. Il a eu des influences décisives sur Jim Morrison, Patti Smith par exemple. Pour la première fois depuis 60 ans, Paris accueille une rétrospective de son œuvre. «Mad Blake». Blake est donc au Petit Palais, jusqu.au 28 juin 2009. Voilà qui devrait rendre le sourire à notre libraire et à notre éditeur.

4. BiBi ne connaît pas encore les textes de Marie Cosnay qu’il a découvert dans son interview dans le même numéro du Matricule des Anges. Le simple fait qu’elle ait fait du théâtre avec l’actrice Françoise Lebrun (douce héroïne de La Maman et la Putain de Jean Eustache), qu’elle ait travaillé avec  elle ses alexandrins suffit à intriguer et intéresser BiBi. De plus, Marie Cosnay écrit des textes dans des revues de qualité (La Polygraphe, Petite) et fait œuvre de citoyenne en aidant les migrants via son adhésion à la Cimade. BiBi l’inscrit sans attendre sur son Carnet de bal.

Il était une fois « Cinéma Cinémas ».


Bande annonce Cinema cinemas
envoyé par ina. – Regardez des web séries et des films.

BiBi attendait avec des palpitations allant crescendo, il scrutait le moindre programme télévisé avec des mains tremblantes. Il n’allait pas se coucher trop tard car l’émission débutait avant 23 heures et se terminait aux environs de minuit.
Et lorsque, confortablement installé, il voyait démarrer le générique tant attendu, avec les dessins rockambolesques de Guy Peellaert récemment décédé, lorsqu’il écoutait la musique d’entame de l’émission dont il avait oublié les références, alors BiBi était heureux. Bien sûr, il retrouva plus tard le titre et toutes ses coordonnées musicales : l’extrait était tiré du film de George Stevens, «Une Place au Soleil » avec Montgomery Clift et Elizabeth Taylor. Entre les tableaux kitsch de Peellaert et la musique accrocheuse, le générique nous offrait un Eddie Constantine (Alias Lemmy Caution dans Alphaville de Godard) en impeccable imper, chapeau dévissé, qui débaroulait dans un long couloir et qui ouvrait à toute vitesse des portes couleur sépia.
Aussi, ce cadeau de Noël fait à BiBi (1) ne pouvait pas mieux tomber pour voir  et revoir ce joyeux Capharnaüm qu’était le moindre numéro de «Cinéma, cinémas », l’émission sans équivalent sur le Cinéma et les Cinéastes. Trois noms revenaient sur l’écran, trois noms auxquels BiBi donne toute sa gratitude tant d’années après : Anne Andreu, espiègle et timide, Michel Boujut à la voix inégalable et inégalée et Claude Ventura l’Aventurier. BiBi avait les «Fragments du Discours Amoureux » de Roland Barthes dans une main et «Cinéma, Cinémas » dans l’autre œil. C’était le temps damné de Daney, d’un certain gai savoir du Cinéma. Il y avait aussi ce cher Philippe Garnier qui fourrageait jusqu’à la moindre image le « vieux » cinéma US. Cher Philippe qui nous livrait ses road-movies et qui écrivait des articles décalés dans les numéros de Rock et Folk. Cher Philippe Garnier à qui j’avais écrit pour dire ma passion du cinéma et mon adoration des… Kinks.

BiBi se souvient de Robert Mitchum et de sa voix grave, de Lolita (Sue Lyon), l’héroïne de Nabokov-Kubrik ou encore de Gérard Depardieu, un tantinet halluciné à l’interview à Central Park, en complet décalage avec la Comédie qu’il tournait alors («Green Card »), de la chasse au fantôme de David Goodis ou encore – découverte – du fragment abandonné de Jean Eustache.
William Blake écrivait qu’ «il y a des choses connues et des choses inconnues » et «qu’entre les deux, il y a des portes ». Celles-là mêmes qu’un client parisien de 1895, rue Capucine, poussa pour découvrir la première projection cinématographique, celles-là même que pousse rageusement Lemmy Caution au début du merveilleux générique de l’Emission «Cinéma, Cinémas ».

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(1) Cinéma cinémas – Coffret de 4 DVD. Inclus le Livret de 32 pages et 12 cartes postales de Stars. 39,90 euros.

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BiBi fait son cinéma.

La Maman et la Putain  Si BiBi doit répondre à la Question « Et le cinéma aujourd’hui ? » Il lui vient à la bouche cette boutade un peu désolée, un tantinet godardienne «  Films faibles. Coffres forts ». Maintenant, je ne suivrais pas certains cinéphiles qui pensent que le Cinéma est mort avec Pasolini assassiné sur cette plage d’Ostie, juste derrière les fourrés d’un terrain vague qui fut aussi vague terrain de football.
La preuve ?
Il me suffit de mettre le film «  Journal Intime  »  de Nanni Moretti sur mon lecteur-vidéo pour convaincre quiconque qu’il y a encore du bon temps à prendre dans le Cinoche d’aujourd’hui et de demain.