Le Docteur K. et Madame S.R.

          Kouchner et sa photo traficotée.

Ce qu’il y a de drôle dans cette agitation autour du French Doctor (Bernard K.) ou de la Charentaise Ségolène, c’est que personne n’a encore lu les livres qui leur sont consacrés et que tout le monde y va de son grain de poivre ou sel. Personne ne les a lus sauf à travers les bonnes feuilles distillées dans les hebdos. BiBi se souvient que Cavanna avait sarcastiquement intitulé sa rubrique dans le Charlie-Hebdo d’avant Philippe Val : «Je l’ai pas lu, je l’ai pas vu mais j’en ai entendu causer ». Bombardé d’infos, BiBi, lui, veut prendre du temps pour construire sa pensée pour ensuite se prononcer (ou se taire) et prendre éventuellement parti. Mais, à droite comme à gauche, chacun veut se faire tribun, veut cracher son venin, s’ériger en Censeur ou Pleureuse. Ainsi, BHL – qui n’a sans doute pas plus lu le livre sur son ami qu’un autre – veut se faire géant en traitant Pierre Péan de « nain ».
Parmi ceux qui crient haro sur le baudet, combien y en aura-t-il qui prendront la peine de lire les deux livres ? BiBi est quasiment persuadé que lorsque les livres paraîtront et seront disponibles, beaucoup l’achèteront, un peu moins le liront. L.Info, la Com et le Commerce – de Marianne au Figaro – seront passés à autre chose.
En tombant sur le site helvétique http://jmolivier.blog.tdg.ch, BiBi a relevé une anecdote qui ne fait pas honneur à notre Ministre-totalement-Etranger-à-ses-Affaires. Le bloggeur suisse relève que ce n.est évidemment pas la première fois que l.ancien « french doctor» attire sur lui l.attention des médias. Il est l.auteur, dans les années 90, d.un beau mensonge médiatique. C.est lui, durant la guerre en Bosnie, qui diffuse dans la presse et sur les murs de Paris une pub, frappante et coûteuse. La photo-montage présente des «prisonniers » d.un camp serbe en Bosnie derrière des barbelés mais elle n.est pas assez spectaculaire au goût de Kouchner. C.est pourquoi notre médecin y accole l.image d.un mirador d.Auschwitz. Son texte, qui accompagne l.image, y accuse les Serbes d.«exécutions de masse ». Une bonne partie de la presse occidentale l.avait diffusé massivement. Dans son autobiographie, Les Guerriers de la paix, le Doc a pris soin de reconnaître son mensonge. Mais alors les journaux, là aussi, étaient passés à autre chose.
(1)Pierre Péan. Le Monde selon K. Editions Fayard.
(2)Ségolène Royal et Françoise Degois. Une Femme debout. Editions Denoël.

Quand la « Maja nue » regarde Bernard Arnault…

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Cheveux courts et grisonnants, drapé dans un costume noir, bras le long du corps, Bernard Arnault, le Patron de LVMH est là, photographié parmi les visiteurs comme un quelconque quidam. Pourtant, trois choses le mettent en valeur.

1. Les visiteurs sont floutés alors que Bernard ne l.est pas.

2. Les autres regardent la Maja nue mais lui, ne l’a pas regardé (ou bien, seconde hypothèse : il en a terminé avec elle).

3. La légende du JDD rapporte son identité : il est aussi Patron de LVMH et Mécène de l’Exposition-Picasso. Rajoutons le titre de l’article : «L’Economie en crise, la Culture en Fête ».
Le Patron de LVMH est donc notre égal. Il se confond avec la foule mais il ressort quand-même du lot, restant le seul qui soit parfaitement identifiable.

Notre Bernard ne regarde rien en particulier mais peut-être est-il là seulement pour contempler son œuvre, pour se féliciter d’avoir organisé cette Exposition qu’il offre au Public comme il offrira bientôt, fin 2011, au Jardin d’Acclimatation, sa propre collection d’Art ? Peut-être pense t-il aussi à cette vente aux Enchères qu’il organisera à New-York pour financer l’expo d’un de ses designers Steven Sprouse ? Des enchères qui seront destinées à aider les enfants défavorisés de New-York.
Il est à distance du tableau sans se douter que c’est la Maja Nue, placide et goguenarde, qui le regarde et le met à nu. La Maja Nue sait tout des choses de la Vie. Elle connaît tous les secrets cachés de ses Visiteurs, elle qui ne cache rien. Elle sait que derrière le sourire tranquille du Patron se cache un amour vain pour l’art et les Artistes, elle sait que ce Grand Escogriffe, mélange de Pierre Richard et de Bernard Menez, veut se parer et s’emparer de tout ce qui compte de Beauté en ce Monde.

Elle se souvient qu’à l’achat, le yacht de ce Grand Boss s’appelait «One Eagle ». Trop prédateur ! Bernard le débaptisera pour «Amadeus» (plus élégant, non ?) et l’enregistrera aux îles Caïman (Prix de la restauration : 30 millions de dollars).
La Maja Nue a un regard amusé : elle a tout compris de ce Bernard Arnault qui se défile. Elle a eu le temps de lui rappeler sa présence à la Nuit de la Victoire au Fouquet’s et son absence… en rade de Toulon en septembre 2008. Là, où son ami, Little Nikos, brocarda les Paradis fiscaux, îles Caïmans en tête. Elle a lu dans les yeux de Bernard Arnault le montant de sa fortune (la septième du Monde – 21,5 milliards d’euros en 2005, un salaire de 4 millions d’euros).

La Maja nue regarde Bernard Arnault qui s’éloigne : elle sait combien les Puissants peuvent avoir de haine et d’hostilité à toutes les idées nouvelles, combien ils ignorent tous ceux qui, comme son Peintre, affichaient des sympathies pour les idées de la Révolution. Elle devine aussi pourquoi le Grand Bernard est préoccupé : tout à l’heure, il va rejoindre son ennemi juré, François Pinault et ils vont parler «Trêve et Cessez-le-Feu» autour d’une bonne table. Ils y seront avec Albert (Frère) et Alain (Minc). Ils y parleront Luxe et Culture car, pour tous deux, la Culture est à la fois un Luxe et une Marchandise.

La Maja Nue sait tout cela : elle sait qu’un jour, elle devra poser sur les murs de l’un ou de l’autre (Au Palazzo Grassi de Venise pour Francesco, à la Fondation Vuitton pour Bernardo). Elle est en paix. Eux, ils sont en guerre et ils se déchirent pour tout : la Gloire, la Notoriété, la Volonté de Puissance. Ils se battent pour Pucci, Fendi, TAG Heuer, Chaumet, Yquem, Zénith, Moët and Chandon, Dom Pérignon et Veuve Cliquot etc (C’est à Bernardo), ils vont se réconcilier avant de se battre encore pour Boucheron, Balenciaga, Bottega Veneta, Sergio Rossi, le Printemps, la Redoute etc (C’est à Francesco).
La Maja nue, elle, n.a rien d’autre à offrir que sa nudité. Elle sait que son insolente Beauté ne peut s’acheter car la Beauté est sans prix.

Les amis de BiBi ont dévoré aussi :

« Vive la Crise ! » (1984-2009)

Le JDD 2009 et Libération 1984

Le JDD de ce dimanche ne nous rajeunit pas. Ce «Vive la Crise » vient comme un écho du numéro spécial de Libération de février 1984, numéro qui faisait suite à une émission de TV diffusée alors sur Antenne 2.  BiBi se souvient de ce supplément hors série concocté par notre tandem toujours en poste dans les Sphères médiatiques : Serge July et Laurent Joffrin. Yves Montand, lui, envahissait alors nos écrans (télévisés). L’acteur y plaidait la cause de l’austérité, se proclamant «de gauche, tendance Reagan ». Son argumentation était simple : les Français refusent de se plier aux nouvelles contraintes économiques, obstinés qu’ils sont à réclamer «toujours plus». Dans son sillage, Pierre Rosanvallon, ex-théoricien de la CFDT, invitait les lecteurs à «apprendre l’austérité». Ah les Belles années des Eighties !

Libé d’hier, JDD d’aujourd’hui : pourquoi ce rapprochement entre ces journaux ? C’est que le Slogan «Vive la Crise » 1984-2009 est un doublon : il intervient dans la bataille idéologique. En février 84, la Propagande libérale glosait sur la  fin des idéologies, sur la futilité de l’Etat-Providence et célébrait le Culte de l’entreprise. Les Français étaient appelés à faire des sacrifices. L’Etat social et  les prétentions  syndicales devaient en rabattre sur l’autel de la rigueur. L’Europe unie applaudissait une Présidente nommée Margaret Thatcher. En janvier 2009, la Populace n’a toujours pas compris : elle défile en piaillant pendant que l’argent file, elle manifeste alors qu’elle devrait se mettre au travail. La Populace ne comprend pas que la Crise représente une «grande mutation», douloureuse, mais finalement profitable à long terme.

En 1984, l’émission d’Antenne 2 donnait la parole et l’image à un jeune énarque vendéen nommé Philippe de Villiers. Sous-préfet démissionnaire, il fut le Créateur de cet incroyable spectacle «libertaire et convivial » des Fêtes du Puy du Fou. En 2009, le JDD continue de nous faire saliver avec du pain et des jeux, du lard et de l’Art. Gloire aux Globes de Cristal avec Attali en vers ! Vive le Louvre et ses expos. Bravos aux braves nantais qui célèbrent leur Bach d’abord ! Grand soit Picasso au Grand-Palais ! Merci, merci, merci à Bernard Arnault en mécène et saluons Europe 1 du Frère Lagardère en fonds sonore qui chipote et chapeaute l’Expo du Gitan.

Doublon donc mais avec les réajustements d’aujourd’hui : la collusion de la Critique Artiste avec la Présence des Milliardaires y est portée à son point maximum (1). L’intertitre est d’ailleurs significatif : «Sans le Mécénat, adieu grandes expositions et festivals de qualité »(2). La Peinture, le Cinoche, la Chanson nous «jouent la mélodie du Bonheur». Dans le même tempo, il nous faut oublier «les lendemains qui déchantent ». Derrière ce Slogan de «Vive la Crise » revenu en première ligne dans la Boîte à Idées de nos Chiens de Garde, BiBi n’y voit aucune ironie, aucun humour distancié de Bobo. Pour lui, ce n’est pas un bon mot de potache, c’est plutôt l’Opération Idéologique du Nouveau Libéralisme : «Soyez fascinés par les traits, les couleurs, les Voix ». Comme nous le dit Jean-Jacques Annaud, il faut éteindre la Guerre du Feu, gommer le Conflit c’est-à-dire le Politique : «La Culture est notre chance, notre vocation, notre solidité et notre destin. Et notre horizon». L’Art – version Mécénat – est rassembleur, il efface les clivages. Enfin réconciliés devant l’énigme de l’Aventure humaine, nous voilà Un parmi d’autres. BiBi tient la main de Sophie Marceau et celle de Charlotte, 18 ans. Dans le Musée, BiBi déambule avec l’anonyme Emilie 24 ans, aux côtés de Bernard Arnault. Tous affluent, hors classes sociales : Mick Jagger comme les mulots, Nicole Kidman comme Eva Mendès et les 18.000 visiteurs derrière.

Le revers du Tableau est bien entendu mis sous silence. Les grondements du 29 janvier n’ont pas une ligne dans le JDD. Pour BiBi pourtant, deux millions d’anonymes ont montré ce jour-là qu’ils aimaient l’Art… l’Art de vivre.

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(1)   Voir Luc Boltanski et Eve Chiapello. «Le Nouvel Esprit du Capitalisme ». Gallimard 2000. (pages 500 – 576)

(2)  Voir Pierre Bourdieu et Hans Haacke. «Libre-échange » au Seuil.

Les amis de BiBi ont adoré aussi :

BiBi fait son tour d’Europe.

L’Europe en dessins et en desseins.

ALLEMAGNE :
La Bataille du Rail : L’Allemagne manque de trains et d’entrain. On a noté outre-Rhin une détérioration du climat social. Pour exemple, dans neuf régions du pays, les 2 principaux syndicats du Rail de la Deutsche Bahn ont appelé leurs 150.000 employés cette semaine à des débrayages.
Des Bons Aryens Prêts à Tout : Gerald Asamoah, footballeur international, avait décidé de devenir allemand et d’abandonner sa nationalité ghanéenne. Au cours d’un match de son équipe de Schalke 04 contre le Carl Zeiss Iéna, aujourd’hui en Troisième Division, Asamoah a été victime d’insultes racistes : « Oui, il y a eu de nouveau ces cris de singe quand nous sommes retournés au bus. Malheureusement, poursuit le footballeur, ce genre de choses revient toujours en Allemagne de l’Est». Toujours Ossie cons, ces Supporters.

LES LETTONS HAUSSENT LE TON : le mécontentement d’une certaine frange de la jeunesse lettonne a dégénéré en échauffourées le 13 et le 16 janvier.

ISLANDE : Coup de froid pour le gouvernement qui n’a pas su geler les avoirs des Banques. Les Islandais(es) pensent que le Soleil reviendra avec la nouvelle Première Ministre, la Sainte Johanna Sigurdardottir.

LES MALHEURS DE SOFI(A) : les aléas de la livraison du gaz russe ont accentué l’exaspération de l’opinion.

En GRECE, après les mouvements de la jeunesse, c’est au tour des agriculteurs. Les manifestants, qui bloquent les autoroutes, demandent du blé.

En SUISSE, le Conseil d’Etat a interdit la Manifestation Anti-Davos pendant qu’il autorisait l’autre Manifestation : la Cinquième édition de la «Place des Affaires et de la Franchise» à la Halle 7 de Palexpo-Genève.
A Davos, la Police Cantonale des Grisons a fait enlever un drapeau tibétain de la vitrine d’un Magasin de Souvenirs. La Police a prévenu la commerçante que son matériel (livres du Dalaï-Lama, ouvrages tibétains) serait saisi si elle n’exécutait pas les ordres. C’est que rien ne devait rappeler le Tibet au premier Ministre chinois Wen Jibao. Sauf que cela fera un souvenir de plus pour Madame Margrit Merz, la responsable du Magasin.

A BRUXELLES, la Confédération Européenne des Syndicats vient d’annoncer l’organisation en mai d’ «Euro-Manifestations » dans cinq Capitales de l’Union. A croire que les «Prolétaires de tous les Pays », ça marche encore dans les rues.

FRANCE :
– Dans «20Minutes-Genève », on découvre que Little Nikos chercherait à «améliorer sa résistance sexuelle ». Le titre est évocateur : «Une coach sexuelle aide le couple présidentiel ». Mitterrand, lui, avait trouvé une Astrologue pour l’aider à grimper au Septième Ciel. Son successeur ne perdait pas le Nord en lorgnant sur son point Cardinale. Piteux constat pour Little Nikos : en désamour avec le corps… social, il n’est plus au zénith dans ses sondages.
– Un qui bande (dessinée), c’est Denis Robert. Il vient de faire paraître  «L’Argent Invisible », tome 1 de «L’Affaire des affaires » chez Dargaud. Avec une sèche efficacité, Laurent Astier assure le dessin. Yann Lindingre, en étroite collaboration avec Denis Robert, fait le reste. Comme la Grève du 29, l’Histoire de Clearstream, en noir et banque, ne passera sûrement pas inaperçue.

Thonon-les-Bains, 29 janvier au matin.

Photos du 29 janvier 2009 à ThononPhotos du 29 janvier 2009 à ThononPhotos du 29 janvier 2009 à Thonon

 A Thonon-les-Bains, c’est un froid qui pique ce matin. Mais dans le défilé, on peut compter sur le personnel hospitalier pour réchauffer l’atmosphère. Si on veut gagner plus, ce ne sera pas pour aujourd’hui car les salariés du Casino d’Evian, présents avec leurs banderoles, ont déserté les tables de jeu. Les enfants des professeurs et des parents d’élèves sont là aussi, entourant les instituteurs du Public et du Privé. Le Handicap a déployé sa bannière pour se refaire une santé et les Services Sociaux sont clairement du côté des Usagers qu’ils accompagnent le reste de l’année. A la tête du rassemblement, les lycéens aux porte-voix de l’UNL battent la mesure en chefs d’orchestre. Un bon millier de personnes avance Rue Jules Ferry, passe devant la Mairie en houspillant le Chef de la Cité thononaise, garé à droite, puis le serpentin revient Place des Arts, départ et terminus. Certains poursuivront la Manifestation à Annecy l’après-midi. La France et la Haute-Savoie remuent en profondeur. Il reste que le mécontentement devra se traduire sur la Scène politique. Les syndicats ont montré la voie de l’Unité pour rendre visibles les revendications sectorielles et toutes celles qui touchent au pouvoir d’achat et à l’emploi. BiBi attend toujours les commentaires de Martine Aubry, de Ségolène Royal étonnamment discrets sur ce coup-là.

La recherche d’une unité des forces politiques de Gauche au plus haut niveau devrait être le seul objectif des prochaines semaines, des prochains mois, des deux prochaines années. Sans quoi, le désespoir, la radicalisation minoritaire, le flirt socialiste avec la Pensée libérale redonneront le sourire à Qui-vous-Savez.