Yearly Archives: 2010

Syrie (3) : femmes sous le voile et femmes dévoilées.

Dans les échoppes des souks, la femme y est introuvable. Elle n’est ni à l’accueil – derrière le comptoir de la boutique -, ni au devant du client. Elle n’est pas non plus caissière ou suppléante de son mari. Le plus souvent, c’est le fils qui relaye le père fatigué.Vous ne verrez guère de femmes dans les cafés populeux, dans les magasins, dans les restaurants (salle ou cuisine). Peu d’entre elles s’aventurent en ville en voiture. Paradoxe : probablement étudiantes, elles sortent en groupe, commandent du thé dans les restaurants, s’accrochent à leur portable toutes les cinq minutes et attendent leurs amoureux.

Des femmes au travail, il y en a : surtout au travail domestique dans les maisons aux intérieurs frais. Elles sont quasi-invisibles sous les tentes poussiéreuses du désert mais très présentes dans les cueillettes aux champs, dans les pharmacies, aux guichets des banques, dans les administrations (postes et justice). Certains matins de la semaine, quelques-unes viennent nettoyer les chambres d’hôtels décrépis où l’on compte les cafards qui tournent et les mégots qui trainent. Ombres irréelles et silencieuses, présences fantomatiques au service des Maitres.

Beaucoup de femmes portent le voile, voile qui est l’objet de toutes leurs attentions. Dans le souk, il est – comme les longues robes noires qu’elles portent  – soigneusement examiné, choisi. On tâte l’étoffe, on en discute avec les copines, on l’imagine sur soi, on l’essaye, on engage de longues palabres sur le prix.

Lorsqu’elles sont voilées, elles prennent très soin de leur regard. Leur choix se porte alors sur la plus belle des paires de lunettes noires. Les jeunes femmes ont souvent un maquillage discret.

Voilées intégralement, elles sortent dans la rue, le plus souvent avec leur homme. Elles le suivent systématiquement. Elles font impression, couvertes jusqu’au bout des doigts, toutes gantées de noir, chaussettes de même couleur sombre et chaussures basses. En les croisant, nos cœurs se serrent. Sur l’étoffe noire, les motifs sont souvent de jolies broderies blanc-crème très discrètes. Sous le tissu léger, on devine un corps aux formes invisibles, une vie emmurée, cadenassée.

Parfois, les enfants sont devant : habillés à l’européenne – un peu de ces sosies de petits garçons nickel, abonnés de la paroisse parisienne de Saint-Eugène Sainte-Cécile.

Au mari interpellé (souvent en short et cheveux gominés à l’italienne), il est demandé «Pourquoi caches-tu ainsi ta femme ?». La réponse-couperet tombe : «Mon Ami, que fais-tu si tu possèdes un gros diamant que tout le monde t’envie ? Tu le mets dans un coffre-fort, n’est-ce pas ? Pourquoi alors devrai-je le montrer à tous ?»

Millénaire d’oppression : la Beauté féminine garde un éclat sombre et sordide, celui de l’Objet, celui du Mutisme. La Femme demeure l’impossible Sujet rayonnant. Bouche invisible, interdite de mots, entièrement nimbée d’un soleil noir, elle gémit en silence sous l’étoffe feutrée, sous cette enveloppe qui couvre sa vie entière, de la tête aux pieds. Peut-être conte t-elle tout ceci à l’ombre de son mari et… au soleil de ses amitiés féminines ?

Voyage en Syrie (2) : Haya laisse son empreinte.

Elle montre son pouce marqué à l’encre. C’est la raison de sa venue en ville : elle vient au Poste de Police pour refaire sa carte d’identité de femme de 38 ans. Assise sur le rebord du trottoir, toute timide, elle se laisse aborder. Avec Boto-Boto, elle va engager une prudente mais souveraine conversation. Entre femmes, la glace va se rompre à vitesse grand V.

Pour Haya, l’échange avec une femme européenne est un présent de Dieu, une grâce d’Allah, un court temps hors-monde dans son quotidien. Malgré les différences culturelles, les sujets abordés seront nombreux : les enfants (3 d’entre eux s’amusent sur le capot rouge d’une KIA coréenne sans que cela fâche le père), l’aîné est bon élève, tout fiérot, il compte en anglais jusqu’à dix, les grossesses ont été difficiles, le mari fait du commerce en campagne. Elle écrit son prénom HAYA, elle sourit, tente de repérer la France sur les contours européens que Boto-Boto lui dessine sur son petit carnet. Les enfants insisteront pour une longue séance-photo. Au dixième cliché, Haya acceptera de s’y associer.

Le mari est de retour. Le salut est respectueux. Chaleureux, il envoie l’aîné chercher deux boites de Pepsi-Cola pour nous les offrir. Ce matin-là, il fait 45 degrés sur le trottoir de Palmyre et BiBi pense aux peurs, à la méfiance infondée et à l’inhospitalité d’une certaine France d’aujourd’hui.

Au moment de la séparation, cette incise temporelle d’une heure, ces soixante minutes hors du commun, inédites dans le Quotidien de Haya, feront douleur. Ses yeux brillent : des larmes retenues ? Elle racontera à ses amies du village la rencontre, l’échange avec la femme européenne jamais jusqu’ici croisée, une de celles qu’Haya voit sur son écran dans les fictions télévisuelles occidentales ou égyptiennes.

Pour Boto-Boto aussi, cet instant restera exceptionnel.

A jamais.

Fin de Syrie.

Fin de voyage en Syrie. BiBi espère que ces photos en diront plus long que n’importe quel commentaire. La photographie est d’importance en ce pays. Les gens s’offrent volontiers à la visée de votre appareil. Nul narcissisme mais une fierté légitime d’avoir à partager avec l’Étranger. Enfants et adultes vous font ces cadeaux merveilleux de simplicité, en haut et en couleurs, heureux que vous les emportiez avec vous aux quatre coins du Monde. Qu’ils en soient ici remerciés.

Petits métiers et grandes rencontres.

Couleurs au Souk d’Alep.

La Palme à Palmyre.

Les enfants de Syrie ( Hama, Damas, Alep, Apamée…)

Toutes ces photos reprises doivent comporter la source initiale et le nom de l’auteur (du blog). Rappel : les éléments présents sur Internet sont soumis de facto au droit d’auteur, même si leur accès est libre et gratuit et qu’aucune mention ne précise qu’ils sont protégés. Merci.

Les lecteurs du Blog peuvent revenir aux premiers articles sur la Syrie :

Voyage en Syrie (1) : une télé branchée.

BiBi et Boto-Boto avaient pensé à l’Iran (mais trop de risques), à la Jordanie (mais trop de risques… de tomber sur un tourisme de masse). Finalement, sac à dos, les voilà partis pour quatorze jours en Syrie. La Syrie : le Pays où le Christ fit ses premiers pas et dit ses premiers mots (en langue araméenne). Premier volet du voyage : sur les terres du Christ, la… parabole est partout.

1. En Syrie, il y a une chaine officielle et trois autres programmes qu’on branche via la voie hertzienne ou via la version-satellite. Sur les écrans syriens, prédominent aussi les autres chaines des pays frères du Monde Arabe. Les plus suivies sont celle d’Al Jazeera, celles de Dubaï, de la BBC en langue arabe, celle du Qatar, du Pays d’Oman et celles des réseaux ultra-religieux. On y a toutes informations – pas forcément énoncées par un homme mais le plus souvent par de nombreuses présentatrices, jolies, maquillées, à visage découvert.

2. Dans les fictions, le gouvernement a interdit que les héroïnes soient… voilées. C’est qu’il faut présenter à la Nation des figures modernes qui offrent du Rêve. Les seuls moments où les fictions laissent apparaître des femmes voilées lointaines, ce sont des scènes de rue, des scènes d’extérieurs (hall de gare, escalators de grandes boutiques, souks etc).

3. Pour un français, ce sont France 24, l’insipide chaine de la Reine Christine Okrent-Kouchner et TV5-Monde qui informent et distraient. Antoine d’Alep, 52 ans, est venu une seule fois en France. Il dit avoir appris et perfectionné son français en suivant cette dernière chaîne. Cette semaine, il y a visionné  des reportages d’Envoyé Spécial. Il nous parlera aussi de Carla Bruni-Sarkozy, vedette de cinéma dans « Paris Midnight » : « Comment expliquez-vous cela ? Une actrice top-model avec un agité ? Par l’Amour ? » nous interrogea t-il. Et l’écho lui répondit : « Par amour du Pouvoir certainement« .

4. Les écrans de télé sont omniprésents. En campagne reculée, sous les tentes des Bédouins, sur les terrasses des plus beaux hôtels-restaurants comme dans les plus petites boutiques des souks. Dans le dédale des marchés, tout en sourdine, le poste est allumé. Écran plat minuscule, placé au fond de la boutique. On y entend à peine les rire gras enregistrés des émissions aux séquences grosses ficelles. Le tenancier de l’échoppe a du mal à quitter l’écran où sont diffusés beaucoup de films (par exemple, « Le Transporteur » de Luc Besson !) et de séries policières locales. La violence y est surprenante : femmes tirées par les cheveux, insultes, empoignades virulentes et corporelles entre hommes et femmes.

5. Dubaï-Sport reste une chaine très suivie. La Coupe du Monde a connu de gros scores d’audience. On a aimé Zidane (un jeune homme montre son portable : deux vidéos de Zizou marquant ses deux buts en finale 98), on adule le Messi de Barcelone. D’ailleurs, on ne se trompe pas en déclarant que la Syrie est coupée en deux : il y a les pro-Barça et les pro-Real de Madrid. On se souvient à peine de l’Olympique Lyonnais terrassant l’Ogre madrilène en huitièmes de finale de la Champion’s League.

6. Hotel J.Daydé : la terrasse est superbe avec sa vue sur la forteresse illuminée d’Alep… Sauf que sur les côtés, deux écrans géants diffusent les spots publicitaires de la première chaîne. BiBi y remarquera trente secondes de publicité sur les produits L’ Oréal. Les plats commandés mettront une éternité à atterrir sur sa table : ils seront servis tout froid. C’est que les serveurs, eux aussi, en cuisine et en terrasse, ont eu du mal à quitter l’écran géant des yeux.

Nicolas S. et les Arts : un fondu de cinoche (2).

Une fringale cinématographique.

C’est évidemment Chochotte qui a fait son éducation. Son métier d’avocat et ses numéros d’acteur en Politique ne lui ont guère laissé de temps d’aller au Cinéma.

Il a fallu quand même lui dire que Luchino Visconti n’était pas un des valets de chambre des Bruni-Tedeschi, dans le Palais où Chochotte avait grandi. Le Castello di Castagneto, la maison de maîtres de Carla Bruni Sarkozy, a été récemment vendue au Cheik Waleed al-Sand. Dommage ! Woody Allen aurait pu y tourner un remake de Sissi Impératrice.

Nicolas et le Cinéma : une belle histoire.

Ensuite, Chouchou a du avaler tous les films de Frank Capra, tentant d’oublier Les Bronzés 1, 2 et 3. Bien entendu, il a gardé (et regardé encore et encore) les films du prodigieux Christian Clavier, du sublime Jean Reno et du très rigolo Dany Boon.

Il adore tellement le grand Walt Disney que son premier déplacement présidentiel fut d’aller saluer Mickey et Donald à DisneyLand-Paris.

Le 11 janvier 2010, il pleure à la disparition d’Eric Rohmer. Imaginez-vous Nicolas clamer ceci sans Conseiller culturel derrière ? « Classique et romantique, sage et iconoclaste, léger et grave, sentimental et moraliste, il a créé le style « rohmérien », qui lui survivra ». Eh bien, BiBi, oui, l’imagine très bien.

Pendant ce mois d’août, notre Président aura tout loisir de se faire l’intégrale de Woody Allen pendant que Madame joue le rôle de sa vie avec le cinéaste new-yorkais à l’Hôtel Bristol. A la fin de ses repas en solitaire, repensant à Liliane de Neuilly, il pourra toujours visionner ce film-culte : « Prends l’oseille et tire-toi« .

Enfin, grande nouvelle : Denis Podalydès est pressenti pour jouer le rôle de Chouchou dans un prochain film. La consécration ! Notre Président, qui avait déjà envahi le petit écran, sera bientôt sur le Grand.

Louanges.

Dans ces louanges, n’oublions pas les récents propos de Claude Lelouch : «Sarkozy est une belle chance pour la France». Pour lui, il n’y a qu’un Homme et une Femme. N’oublions pas non plus de citer son acteur américain préféré avec lequel il s’est entretenu sur nombre de sujets, laïcs et religieux : Tom Cruise.

Enfin, bravo à Luc Besson qui, hier, crachait sur les méchants pirates d’Internet et qui, aujourd’hui, vient d’engager Emmanuelle Mignon, conseillère à l’Elysée dans son équipe EuropaCorp. Chouchou voulait la recycler ailleurs. Merci Luc pour le coup de main !