Yearly Archives: 2010

Nicolas S. et les Arts : un Maître en Littérature (1)

Un Promeneur littéraire unique.

Catherine Pégard, conseillère élyséenne de Nicolas Sarkozy, nous a loué son Maître dans le JDD, le qualifiant de «Promeneur littéraire». Chouchou, qui connaît par cœur les Œuvres monumentales de Johnny et de Didier Barbelivien, serait un familier de Jacques-Henri Pinault, spécialiste de livres anciens «auquel il rend visite depuis des années dans sa librairie de la Rue Bonaparte».

Toujours d’après notre Dame, le Président pourrait parler des heures durant (mais hélas, il est toujours pressé) du «désir dans l’œuvre de Proust», rajoutant que notre grand Dévoreur de livres sait parfaitement le titre des livres d’Henri de Montherlant. Chouchou aime « La Reine morte« , BiBi préfère « Le Roi se meurt » d’Ionesco.

A propos de Camus, circulait cette rumeur inepte et tenace que Chouchou avait confondu Camus le Cognac et Camus l’algérien lors d’un cocktail à New-York. En tous les cas, ses Conseillers Com’ ont confirmé qu’en 2012, il lira « La Chute » de l’auteur non-panthéonisé.

Des goûts très affirmés.

Question Hauteurs et Auteurs, Catherine Pégard  la Conseillère ne nous a pas tout dit : rappelons-nous que Chouchou avait beaucoup aimé le Goncourt de Jonathan Littell (surtout les premières pages) et qu’il en avait fait son livre de chevet. Il avait été aussi très emballé par Gérard de Nerval et par Marcel Proust (on avait immortalisé notre Président en une photo-agitprop qui fera date – voir photo).

Notre Président a même des goûts très affirmés : par exemple, il n’a pas du tout aimé la Princesse de Clèves (il n’y a qu’une Princesse et elle s’appelle Carla) mais il ne dédaigne pas lire et relire du Julien Gracq auquel il a rendu hommage… après avoir consulté Wikipédia.

Une culture impressionnante.

L’Express nous avait livré de précieuses infos sur le goût de la lecture de notre Président. Au Cap Nègre, le voilà faisant visiter la «chaise longue où il lit». Dans son avion de milliardaire, il laisse traîner négligemment un exemplaire des « filles du Feu» de Gérard de Nerval. Il s’enferme pour lire Zweig, Borgès et Zola. Sur Zola, il confond – malgré les cours attentionnés de Carla – Rougon-Macquart et «Roujon- Macquart». Il a attaqué Le Clézio, Stendhal et Houellebecq (décoré à l’Elysée) et aussi Albert Cohen (avec Belle du Seigneur). Obligation : Solal, le héros d’Albert Cohen, avait été accolé au nom de Sarkozy (le bébé avait Jean-Jean, le fiston à pistons comme Papa et Jessica de chez Darty comme Maman).

Prochain article : « Nicolas S. : un fondu de Cinoche ».

Roland Barthes : populaire et contemporain (2).

Deuxième partie de l’entretien de Roland Barthes avec le journaliste de l’Humanité, Alain Poirson en 1977. Le magnifique  livre « Fragments du Discours amoureux » au Seuil venait de sortir. L’article avait un titre tout en justesse : « Populaire et contemporain à la fois ». [Extraits 2].

« Il n’y a pas eu beaucoup d’articles critiques consacrés à ce livre… Au reste, est-ce qu’il y a encore une « critique » ? Ce qu’il y a eu, ce sont des demandes d’interviews, des projets d’adaptation (au théâtre), des lettres de lecteurs ; et le livre s’est vendu davantage que mes autres livres, du moins au départ, car je ne pense pas qu’il continuera à se vendre – contrairement à mes ouvrages antérieurs. Il s’agit donc d’un accueil «passionné» et fugace. Pourquoi ? Il y a eu surprise : on n’était pas habitué à ce qu’un intellectuel parle d’une passion et d’une «passion démodée» : romantique, sentimentale qui n’emprunte rien au prestige du sexe, de la contestation etc. »

« Le discours amoureux m’a paru solitaire non par rapport bien sûr à la masse importante des gens qui sont ou ont été amoureux mais par rapport à ce qui intéresse et à ce que disent les intellectuels d’aujourd’hui. Il se peut, en définitive, que l’accueil fait au livre soit l’indice (parmi d’autres) d’un certain changement de l’opinion à l’égard du rôle qu’on attribuait à l’intellectuel, dont on voit bien qu’il n’a plus procuration pour parler au nom de l’universel ».

« Je n’ai pas cherché à tenir sur l’amour un discours sérieux, objectif, exhaustif… Il ne faut pas oublier que c’est un amoureux qui parle – et non un savant, ni même un essayiste, il parle avec sa culture, et sa culture du moment : avec les livres que le hasard lui fait lire ou relire pendant la crise amoureuse et qui viennent «alimenter» son soliloque intérieur. Il ne se force pas à lire des livres «qu’il faudrait lire»… Ni Breton, ni Aragon par exemple. Je ne me sentais pas d’ailleurs «consoner» avec ces discours-là… »

«L’écriture est beaucoup plus exigeante que la parole : elle ne peut compenser les imperfections de l’expression par une action du corps (voix, inflexion, sourire etc). Dans l’espace de parole (celui du cours, du Séminaire), il y a un rapport amoureux diffus, un échange de séductions, de sympathies, d’appels. L’écriture, au contraire, est difficilement amoureuse : aussi, quand elle veut exprimer un amour, elle ne peut le faire qu’en renonçant tragiquement à impressionner le destinataire de cet amour : c’est là un des sens de mon livre».

Roland Barthes : populaire et contemporain (1)

« Fragments d’un Discours amoureux » de Roland Barthes paraît au printemps 1977 aux Editions du Seuil. Le succès est immédiat : 100 000 exemplaires vendus dans l’année. Le 26 mars 1980, Roland Barthes décède après s’être fait renverser par un camion. Entre temps, il avait accordé une interview à Alain Poirson du journal « L’Humanité ». L’article a un titre tout en justesse : « Populaire et contemporain à la fois ». [Extraits].

« J’ai toujours vu les systèmes de pensée comme des systèmes de langage et ces systèmes de langage comme des sortes de tableaux peints, un peu à la façon du voile brillant, coloré, imagé que le bouddhisme appelle la Maya. C’est cela la constante et, pour ainsi dire, l’obsession (…) Mon point de vue a changé, souvent pour des raisons « tactiques« , parce que, à tel moment, je pensais qu’il fallait déplacer le discours ambiant : vers 1960, le discours critique me paraissait trop impressionniste et j’ai eu envie, sur la littérature, d’un discours plus scientifique, ça a été la naissance de la sémiologie…

… Mais cette sémiologie est devenue autour de moi hyper-formaliste et j’ai eu envie d’un discours plus « affectif »; puis ce discours lui-même, sous le poids de la psychanalyse, m’a paru faire la part trop belle au « symbolique« , en traitant l’Imaginaire de « parent pauvre« ; j’ai donc voulu assumer un discours de l’Imaginaire. Il s’agit d’ajustements (…).

« Pour moi, la parole et l’écriture sont largement hétérogènes. Écrire ne consiste pas à transcrire; ça consiste à penser à même la phrase, à produire une pensée-phrase; et la « phrase« , c’est essentiellement un produit écrit, pour le meilleur et pour le pire. Aussi, quand on fait un livre, c’est un peu toute la pensée qu’il faut reprendre au départ : il faut penser de nouveau et à neuf ».

« Nous devons tous écrire plus « populaire« ; encore faut-il que ce tournant, ce changement de pratique et d’image soit vécu intérieurement, non comme un retour simpliste à des formes passéistes, mais comme une pensée nouvelle du moderne lui-même. Quoi qu’on écrive, il faut rester à l’écoute du « contemporain« .

Photographies sans graphies.

Tournée estivale des Blogs.

1. « Les Bloggeurs deviennent-ils paresseux ? » demande Eric Mainville dans Crises dans les Médias.

Là encore, il n’est de réponse que singulière. Dans un autre billet, le tenancier du blog se posait la question de l’écriture et du Plaisir. Pour BiBi – qui n’échappe pas à la règle – on écrit toujours pour se protéger et pour « être aimé » (Michel Leiris). Se protéger de quoi ?… Peut-être bien de la violence, de la violence de la Vie et de celle de la Mort, notre épée de Damoclès. Cette protection est, bien entendu, en partie un leurre , « a great illusion » car la forteresse de mots que l’on érige pour bien se sentir à l’abri, présente – là et là-bas – d’énormes brèches par où toute la Douleur et le Scandale d’être vivant s’engouffrent.

Pour autant, écrire reste une raison supplémentaire pour continuer de vivre, d’aimer, d’être aimé, dans cette alternance de relâche et de relances, de paresse et d’acharnement.

2. Seb Musset « Le Client est roi » : « D’un côté, les dégoutés du vote me demandent régulièrement si, où, quand et comment l’insurrection va venir alors qu’elle est déjà là… De l’autre, je croise des 25/35 ans écœurés par trois années de gouvernance (…) mais qui n’envisagent aucune alternative. Et bien, du seul point de vue humain qui l’intéresse, le kikavotépourmoi : notre monarque s’en carre ».

Bien entendu que le monarque s’en carre car seul l’intéresse le 50,00001 % au jour J. Et pour cela, la division, la haine de catégories sociales entre elles, la haine née de «problèmes » dits  « ethniques» non seulement servent sa politique mais sont SA politique dans son essence-même. Le voilà qui mobilise ses Amis médiatiques à grande échelle. Les Dir’Com de l’Elysée l’ont compris avec la chute de Chouchou dans les sondages : le seul créneau à prendre d’assaut pour sauver la Patrie UMP, c’est de gagner sur l’extrême-droite. Avec pour appuis, la bassesse des «arguments», les «slogans» répétés jusqu’à l’écœurement, la mobilisation des Intellectuels-Chiens de garde et l’aval d’une partie de la petite bourgeoisie au trouillomètre à zéro.

3. Vogelsong – Blog Piratage(s) – décortique la Machine Radiophonique qui veut nous décerveler. Exemple rapporté : France-Inter organise un débat sur le phénomène de la violence gratuite avec des invités triés sur le volet : «S. Roché criminologue, philosophe de l’insécurité et prix littéraire de la Police Nationale, H. Niel contrôleur général de la Police».

Sur le Train-train habituel de ces pseudo-débats, VogelSong rajoutera avec justesse : « Petits instants médiatiques anodins subtilement glissés entre une tranche affaire d’État et un bout de fait divers qui tourne mal. Anodins, mais bien représentatifs de la façon dont le débat se noue en France. Représentatifs de l’attirance irrépressible pour l’extrême droite. Ce petit côté subversif qui donne le frisson… ». BiBi rajoutera qu’en d’autres temps, certains (beaucoup d’) intellectuels louèrent ces délicieux frissons à l’Université de Weimar guère éloignée de plus de 20 kilomètres du camp de Buchenwald.

4.Vis-à-vis des « gens du Voyage », Laurent Mucchielli rappelle à juste titre que – dans une résolution du 30 juin 2010 – le Conseil de l’Europe avait relevé notamment les problèmes suivants : « création d’un nombre insuffisant d’aires d’accueil, mauvaises conditions de vie et des dysfonctionnements des aires d’accueil, accès insuffisant au logement des Gens du voyage sédentarisés, procédures d’expulsion qui peuvent être mise en œuvre la nuit ou en hiver et comporter des violences injustifiées, discriminations liées à la loi du 3 janvier 1969 notamment concernant le droit de vote, manque de moyens mis en œuvre pour lutter contre l’exclusion sociale, difficultés d’accès au logement des Roms migrants en situation régulière« .