Category Archives: Les Fictions BiBi

Lettre d’une Amie italienne à C. (2)

BiBi vous présente la seconde partie de cette lettre postée d’Italie (le timbre en fait foi). Où l’on retrouve les inquiétudes de l’Amie de C., cette dernière s’étant réfugiée dans un incompréhensible silence alors que sa famille traverse de très graves perturbations.

 

Lettre à C. 2

Lettre d’une Amie italienne à C. (3)

Troisième volet de cette missive arrivée par erreur dans la boite à lettres de BiBi. C., la destinataire de cette lettre, ressemble un peu à une Madame Bovary qui aurait cru que tous les meilleurs chemins mènent à la Maison de l’Elysée. Par contre, le mari de cette C., semble être un grand nigaud, et – pas de doute – il est beaucoup moins intelligent que le cocu Charles Bovary.

Lettre à C.3

Putain de blog.

Putain de blog

450 articles en un an et demi de blog, soit 2 articles tous les trois jours. BiBi s’appuie le Figaro quotidien, se paye le JDD tous les dimanches, la Tribune de Genève, le Monde, Challenges, Le Point, Politis, les Inrocks, le Monde Diplo et puis au bout du compte, tournant une des dernières pages, il lui vient comme une nausée. Il se sent sale et sali par tous ces évènements dont la moitié ne le touche pas directement. Il a un mal de tête qui dure et perdure, il a des élancements qui le picotent, des fourmillements qui l’agacent. Et une fatigue généralisée.

Il se dit que toute Pensée écrite ne saura jamais dire et traduire ce dégoût subit, que rien ne pourra fixer cette mélancolie devant ces choses de la Vie qui l’accablent et qui le rendent tout chose. S’il s’écoutait un peu plus, un peu trop, il se dirait qu’il en a assez fait avec ce blog, que dorénavant, il ira dire les choses ailleurs, autrement. Il lui est facile de se persuader qu’il y a d’autres enseignements à tirer de sa vie. Le regard qu’il se porte est implacable : il est temps non de s’en aller (il n’est pas touriste ou suicidaire) mais grand temps, de savoir un peu plus ce qu’il veut.

Il tient un blog et – paradoxe – c’est le blog qui le soutient. Il ne cherche pas ses articles, il ne les calcule pas, il n’a pas ce défaut-là… heureusement. Il laisse venir le Monde, ce Monde qui lui envoie tant de signes, qui déverse sur lui autant d’ordures que de diamants. Il garde jusqu’à présent une force intacte, de celle qui lui permet de séparer cette activité de fourmi (le blog) de sa vie courante. Il a des carnets en pagaille, des notes en désordre, des archives personnelles bondées, trois, quatre articles qui attendent, il écrit aussi sec, il met en ligne à grande vitesse. Souvent, il ne sait même pas comment tout cela s’agence, comment tout cela se met en place. Il n’a pas peu à dire et à écrire mais plutôt trop : ça déborde, ça l’envahit. Il n’est pourtant pas dans l’automatisme de l’écriture. En écriture, il baigne plutôt dans une certaine forme de somnambulisme, d’un inexplicable somnambulisme. Mais il dort, il bosse, il joue, il marche, il boit, il invite, il voyage, il lui prend la main, il l’embrasse.  

Des fois, il se sent l’enfant qui aimait arpenter la rue des Ecoles, courant, bras ouverts en goûtant au vent chaud qui descendait des montagnes du Rif. Des fois, il repense à Gérard, son ami envolé, à leurs premières lectures croisées (découverte d’Artaud, Blanchot, Bataille, Joyce, Dostoïevski et tutti quanti). Alors, il sait qu’il fait fausse route avec ce blog, il s’en veut de perdre du temps à caviarder tous ces quotidiens qui lui salissent les mains, de ces articles lus qui lui salissent surtout surtout surtout l’âme.

Il s’en veut : il lit moins qu’avant, il a tellement de retard sur les Beautés du Monde. Il ne les rattrapera plus. Il voudrait tout Proust, s’attarder sur Shakespeare, relire Kafka, Faulkner, avancer dans les microgrammes de Robert Walser, il voudrait travailler en reprenant Bourdieu, il voudrait y voir clair, que le ciel se dégage, il voudrait voler et ne jamais atterrir mais, pauvre de lui, il s’aveugle et se plombe à son blog.

Il s’ébroue, il se donne du courage : cette «saudade» est provisoire. Le voilà qui choppe un livre tiré de ses étagères et, une fois ouvert à sa lecture, il refait un peu d’ordre dans sa tête : ce livre est un livre d’entretien de Madeleine Santschi avec Michel Butor. Il est content de voir se rallumer une petite flamme intérieure. Putain, oui, la Littérature a toujours raison. Il a ouvert ce livre et sa joie naît et renaît : ce temps, ce bonds, ce rebonds à lire ne seront pas perdus. Il tombe en arrêt devant la première citation de Michel Butor. En exergue, elle est rapportée d’un numéro de Paris-Match de l’année 78. Dieu, que faisait-il en 78 ? L’année de la  Coupe du Monde en Argentine. Avec Guillou, son joueur préféré et ce but ultra-rapide de Bernard Lacombe.

Butor, donc :

« Je pense que la littérature transforme la réalité. Le seul fait de constater un certain nombre de choses fait qu’elles ne peuvent plus rester comme elles étaient avant cette constatation. Un écrivain n’a pas besoin de s’engager. Il lui suffit de sa littérature. Presque tout ce qui fait notre vie passe par le langage. Dès qu’on touche au langage, on transforme la réalité. Il y a des choses que nous ne savons pas dire, faute de trouver l’expression juste. Si on arrive à cette expression, des pans de murs entiers s’écroulent, et on découvre des horizons tout neufs. C’est cela changer la vie».

Et la Joie, et la rage jusqu’alors éteintes, de naître, de renaître. Putain de littérature, putain de blog.

Tom Tom, Nana et Nicolas.

Tom-Tom, Nana et Nicolas.

BiBi s’était déjà penché sur Tom, ce grand acteur américain, adepte de l’Eglise de Ron. BiBi avait même apostrophé Chouchou sur la belle rencontre qu’il avait eue avec TomTom et Nana (il s’agissait alors de Cécilia) à Paris, le lundi 30 août 2004. BiBi avait relevé une des plus importantes règles de cette Maison : «Pour avoir le pouvoir, il faut pénétrer les outils financiers internationaux, les infiltrer et les contrôler». L’Eglise de Ron et de Tom compte plus de 7500 églises, missions et groupes et s’enorgueillit d’avoir plus de dix millions de membres dans 164 pays (bien loin des 500 fanatiques que lui attribue le JDD).

Retours d’enfance.

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BiBi pense à son enfance sportive. Il court sur les pages électroniques, en gymnaste, en plongeur, en footballeur, en coureur (cycliste) et en randonneur.

GYMNASTIQUE :
« Il me manque toujours quelques centimètres pour atteindre les sommets. Je me hisse sur la pointe des pieds, peine perdue. Je m’étire de long en large, rien n’y fait. Je mets un livre sur la chaise et la chaise sur la table, je grimpe sur cet échafaudage improvisé, je tends  mon cou, je lève le bras aussi haut que je peux, pas moyen, pas moyen. Jamais – et l’homme est ainsi fait qu’il ne saura ce qui, là-haut, tout là-haut l’attend».

NATATION :
« Je me suis jeté à l’eau, j’ai nagé à-la-vas-y-comme-je-te-pousse, j’ai gagné d’autres rivages en navigant à l’estime, j’ai ressorti la tête hors du courant, j’ai regagné la berge, puis, comme un chien chassant ses puces au sortir de l’eau, j’ai senti la Vie en dedans comme en dehors de moi s’ébrouer».

JEUX DE BALLON :
«Toujours fut important non le ballon mais le dispositif autour, quadrillage changeant, pensées en actes, en surprises et en trouvailles. Ceux qui, gros bêtas, suivent exclusivement la balle ronde n’y voient que du feu. Les autres, qui n’ont d’yeux que pour les gestes retrouvés de l’Enfance, trouveront dans ce périmètre de verdure, dans ce chaudron, dans le cratère d’un Stade, une vie qui n’est pas prête de s’éteindre, des joueurs tout feu tout flamme, des passages de haute tenue et de haute volée, des passes incandescentes et des lecteurs du jeu à hauteur».

PROMENADES EN CYCLE :
« Ce furent de grandes randonnées. D’un coup de pédale, on escaladait des monts, on s’en faisait des montagnes et des montagnes, on se hissait jusqu’au sommet mais plus dures furent les chutes, les fins de chapitre sur crevaison, les abandons sur toute la ligne, on finissait nos courses exténués, maudissant la machine, pleurant, la tête dans le guidon, on avait la gorge sèche, on traversait des déserts. A l’approche de l’Arrivée, on faisait lever toute une foule d’interrogations. Qui était ce coureur ? Quelle était la question ? D’où sort-il ? D’où sort-elle ? On commençait la course en père peinard mais on avait peur sur le final, surtout dans les dix derniers kilomètres, les cinq dernières minutes, les trois cents derniers mètres. On a toujours peur pour le sprint, on vous envoie dans les balustrades, sauve qui peut, c’est la foire d’empoigne mais c’est ça le Cycle, la grande boucle, la spirale de l’enfer. Et toujours ces quelques centimètres qui vous condamnent au second rang, aux places d’honneur, aux rangs d’honneur des randonneurs, au dernier accessit. Oui et il y aurait beaucoup encore à écrire sur ceux qui terminent derrière».

COURSE A PIED :
« Je me suis enfoncé loin dans les chemins, je n’ai cessé d’emprunter les routes goudronnées, les pistes aménagées, les avenues, la plupart des passages réservés, j’ai longé les rangées d’arbres jusqu’aux fonds des bois, j’ai écumé des sentiers privés, chemins vicinaux, routes départementales, j’ai sauté par-dessus les haies vives, je passais les gués, j’accélérais à travers champs,  je sillonnais toute la région; je ne compte plus les courses à perdre haleine, toujours à lorgner le chemin d’après, courir, courir, toujours courir, de la maternité au cimetière. Je dépassais les marcheurs et tous ceux qui philosophaient en route ; sur un démarrage, je pouvais planter les commentateurs qui allaient bon train et avaient fière allure. Je n’ai jamais vu la fameuse banderole d’arrivée, beaucoup m’ont doublé, certains m’en ont parlé en chemin, mais ils n’avaient rien vu eux aussi. Je n’ai pas compté les kilomètres mais certains de mes écrits venaient parfois emballer le sprint, celui de la vraie Vie».