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23 pépites d’Or de Georges Haldas.

BiBi a déjà « présenté » Georges Haldas, auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels on trouve des recueils de poésie, des chroniques ou récits autobiographiques, des carnets. BiBi ne tournera pas autour du pot : Georges Haldas, scandaleusement méconnu sur nos terres « littéraires » françaises, est l’égal des plus grands. Lisant cela, il se moquerait probablement de BiBi. Morceaux choisis.

1. Pas assez de patience. Pourquoi cette hâte d’en finir, au moment même où la parole arrive ? Comme si était insupportable, pour toi, ce moment d’écrire, que par ailleurs tu ne cesses d’attendre, sinon d’appeler ou de solliciter. Comme un type qui trop longtemps désire une femme. Et quand celle-ci arrive, tout heureuse, par angoisse et précipitation, il bâcle. Et il n’y a plaisir ni pour l’un, ni pour l’autre. Ni pour qui écrit, ni pour qui lit.

2. Il faut avoir écrit 300 pages d’un livre pour commencer à voir qu’on n’a pas dit l’ombre de l’ombre de ce qu’on aurait voulu dire. Bien qu’on se soit mis – du moins l’avait-on cru – tout entier dans ce qu’on écrivait. A quel point ce qu’on appelle le don de soi parfois nous trompe.

3. Les littérateurs : pour eux, le commencement et la fin de tout est ce qu’ils écrivent. De quoi en rire.

4. Quand on relit ce qu’on a écrit, c’est toujours ce qu’on a omis de dire qui apparaît essentiel. Qu’en voulant atteindre, précisément, on a manqué.

5. Bonheur de rencontrer des êtres avec lesquels on se comprend avant d’avoir parlé.

6. Reconnaître nos erreurs et nos fautes mais ne pas se laisser submerger par elles.

7. Ce mélange, la nuit, d’épouvante et de confiance inébranlable. Tout se mêle dans les insomnies. Et c’est en elles que l’on surprend le mieux, avec ces prodigieuses composantes, la substance même de notre vie et ce qui détermine notre destin. Évoquer un jour quelques-unes de ces insomnies. Aussi parlantes que les rêves.

8. Le cri des hirondelles si intensément, si douloureusement lié à l’idée de bonheur.

9. Aller au bout de ce qu’on aime. Sans se préoccuper du reste.

10. Un Français ne peut pas se mettre à parler sans penser à l’effet qu’il va produire.

11. Les Français n’écoutent pas ce que vous dites. Attentifs seulement à votre manière de parler.

12. Ces embrassades et accolades entre «artistes». Une sorte de rite. Qui n’a rien à voir avec une fraternité véritable. N’en est même que la caricature. Gens de théâtre, de télévision, de radios. Leurs baisers de Judas. A de rares exceptions près.

13. Pas besoin de malheur pour être malheureux. Il suffit que le temps passe.

14. Certains êtres font, par leur seule présence, vivre ce qui les entoure. D’autres, au contraire, éteignent tout. Avec les uns, c’est la Fête continue. Avec les seconds, c’est le deuil continu.

15. N’est pas fait pour les fidélités celui qui n’est pas fait pour les ruptures.

16. Ce vide en toi, de plus en plus grand. Que nul effort, même celui d’écrire, ne parvient à combler.

17. Les souffrances inutiles et les souffrances créatrices.

18. L’Homme est une énigme que seule l’Eternité peut résoudre.

19. Des notations simples et précises. Plus efficaces que les «grandes pensées».

20. Loin de nous apaiser, écrire nous met la tête en feu. En ébullition. Une phrase en appelle une autre. Et celle-ci une autre encore. C’est comme les vagues de la mer. Mais aucune n’est ce qu’elle devrait être : assez précise ; assez solide à la fois sensitive ; assez organiquement reliée à l’ensemble. Bref à la fin de la journée de travail, on est plus dégoûté et las que si on n’avait rien fait. Ou si on veut : plus on a travaillé, plus on a le sentiment du devoir inaccompli. Triste chose. Mais quoi ? On a voulu écrire. On écrit.

21. Je rêvais que mes phrases soient des tisons enflammés mais elles se traînent comme des limaces.

22. Ce mot d’Hemingway : «Pendant le jour, il n’y a rien de plus facile que de jouer au type qui s’en fout, mais la nuit c’est une autre affaire».

23. [A ceux qui luttent] : Ouvrir les yeux pour regarder la réalité en face. Et les fermer pour reprendre courage.

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Réponses au QUIZZ-BiBi du week-end :

  • 1. Alain MINC. (Canard Enchaîné du 14 octobre).
  • 2. Eric De MONTGOLFIER dans l’avant dernier numéro de Bakchich.
  • 3. Xavier BEAUVOIS. Interview dans l’Express.
  • 4. Matthieu PIGASSE du Monde, des Inrocks, de Télérama etc. Interview dans l’Express.
  • 5. Xavier MATHIEU délégué CGT des « Conti » (Télérama du 16/22 octobre)
  • 6. Guillaume SARKOZY, frère du Président. (Source : Médiapart).
  • 7. Jean-Louis BORLOO  (Le Canard Enchaîné du 14 octobre).

Roland Barthes : populaire et contemporain (2).

Deuxième partie de l’entretien de Roland Barthes avec le journaliste de l’Humanité, Alain Poirson en 1977. Le magnifique  livre « Fragments du Discours amoureux » au Seuil venait de sortir. L’article avait un titre tout en justesse : « Populaire et contemporain à la fois ». [Extraits 2].

« Il n’y a pas eu beaucoup d’articles critiques consacrés à ce livre… Au reste, est-ce qu’il y a encore une « critique » ? Ce qu’il y a eu, ce sont des demandes d’interviews, des projets d’adaptation (au théâtre), des lettres de lecteurs ; et le livre s’est vendu davantage que mes autres livres, du moins au départ, car je ne pense pas qu’il continuera à se vendre – contrairement à mes ouvrages antérieurs. Il s’agit donc d’un accueil «passionné» et fugace. Pourquoi ? Il y a eu surprise : on n’était pas habitué à ce qu’un intellectuel parle d’une passion et d’une «passion démodée» : romantique, sentimentale qui n’emprunte rien au prestige du sexe, de la contestation etc. »

« Le discours amoureux m’a paru solitaire non par rapport bien sûr à la masse importante des gens qui sont ou ont été amoureux mais par rapport à ce qui intéresse et à ce que disent les intellectuels d’aujourd’hui. Il se peut, en définitive, que l’accueil fait au livre soit l’indice (parmi d’autres) d’un certain changement de l’opinion à l’égard du rôle qu’on attribuait à l’intellectuel, dont on voit bien qu’il n’a plus procuration pour parler au nom de l’universel ».

« Je n’ai pas cherché à tenir sur l’amour un discours sérieux, objectif, exhaustif… Il ne faut pas oublier que c’est un amoureux qui parle – et non un savant, ni même un essayiste, il parle avec sa culture, et sa culture du moment : avec les livres que le hasard lui fait lire ou relire pendant la crise amoureuse et qui viennent «alimenter» son soliloque intérieur. Il ne se force pas à lire des livres «qu’il faudrait lire»… Ni Breton, ni Aragon par exemple. Je ne me sentais pas d’ailleurs «consoner» avec ces discours-là… »

«L’écriture est beaucoup plus exigeante que la parole : elle ne peut compenser les imperfections de l’expression par une action du corps (voix, inflexion, sourire etc). Dans l’espace de parole (celui du cours, du Séminaire), il y a un rapport amoureux diffus, un échange de séductions, de sympathies, d’appels. L’écriture, au contraire, est difficilement amoureuse : aussi, quand elle veut exprimer un amour, elle ne peut le faire qu’en renonçant tragiquement à impressionner le destinataire de cet amour : c’est là un des sens de mon livre».

Roland Barthes : populaire et contemporain (1)

« Fragments d’un Discours amoureux » de Roland Barthes paraît au printemps 1977 aux Editions du Seuil. Le succès est immédiat : 100 000 exemplaires vendus dans l’année. Le 26 mars 1980, Roland Barthes décède après s’être fait renverser par un camion. Entre temps, il avait accordé une interview à Alain Poirson du journal « L’Humanité ». L’article a un titre tout en justesse : « Populaire et contemporain à la fois ». [Extraits].

« J’ai toujours vu les systèmes de pensée comme des systèmes de langage et ces systèmes de langage comme des sortes de tableaux peints, un peu à la façon du voile brillant, coloré, imagé que le bouddhisme appelle la Maya. C’est cela la constante et, pour ainsi dire, l’obsession (…) Mon point de vue a changé, souvent pour des raisons « tactiques« , parce que, à tel moment, je pensais qu’il fallait déplacer le discours ambiant : vers 1960, le discours critique me paraissait trop impressionniste et j’ai eu envie, sur la littérature, d’un discours plus scientifique, ça a été la naissance de la sémiologie…

… Mais cette sémiologie est devenue autour de moi hyper-formaliste et j’ai eu envie d’un discours plus « affectif »; puis ce discours lui-même, sous le poids de la psychanalyse, m’a paru faire la part trop belle au « symbolique« , en traitant l’Imaginaire de « parent pauvre« ; j’ai donc voulu assumer un discours de l’Imaginaire. Il s’agit d’ajustements (…).

« Pour moi, la parole et l’écriture sont largement hétérogènes. Écrire ne consiste pas à transcrire; ça consiste à penser à même la phrase, à produire une pensée-phrase; et la « phrase« , c’est essentiellement un produit écrit, pour le meilleur et pour le pire. Aussi, quand on fait un livre, c’est un peu toute la pensée qu’il faut reprendre au départ : il faut penser de nouveau et à neuf ».

« Nous devons tous écrire plus « populaire« ; encore faut-il que ce tournant, ce changement de pratique et d’image soit vécu intérieurement, non comme un retour simpliste à des formes passéistes, mais comme une pensée nouvelle du moderne lui-même. Quoi qu’on écrive, il faut rester à l’écoute du « contemporain« .

2005 : Edouard Stern s’en va, Eric Woerth arrive.

La lecture : un formidable passe-temps.

BiBi a fini la lecture de deux livres sur le banquier Édouard Stern (photo Le Temps.ch). Le premier, de Valérie Duby et Alain Jourdan (aux Éditions Privé et publié en 2006 : «Mort d’un banquier» Les dessous de l’Affaire Stern) nous en apprend de belles sur les réseaux tissés autour de ce Pirate de la Finance (1). Dans les 240 pages, il ne sera question que de comptes bancaires genevois, russes, d’offshore (îles Caïman, Antilles néerlandaises), de flirt prononcé avec la Chambre de compensation Clearstream, de rachats, de coups bas, d’inimitiés, de haines et de solidarités de caste. Évidemment pas de sentiments hormis des pulsions à satisfaire (les femmes tiennent des rôles secondaires mais indispensables). Le piétinement des valeurs humanistes est quotidien et la course effrénée au profit, affaire de toutes les minutes.

Inventaire des Amis (surtout les Grands).

On a aussi toute la panoplie des amis qui deviennent ennemis et vice-versa.

Édouard Stern était en effet le grand ami de Nicolas Sarkozy et de Cécilia, du… « socialiste » Hubert Védrine (2), d’Henri Weber le…  trotskyste, fondateur de la Ligue Communiste Révolutionnaire, de Paul Desmarais, d’Albert Frère. C’était un amateur d’art (2) et de musique (il détenait 33% de la Maison de disques Naïve qui produisait alors… Carla Bruni pas encore Sarkozy). Le bonhomme demanda «un permis de port d’armes à son ami Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’Intérieur» et il l’obtint grâce à «Claude Guéant, directeur de cabinet de NS qui géra en direct ce dossier sensible» (page 58).

Edouard Stern et l’Oréal.

«De Genève, Edouard Stern règle au début des années 2000, les détails capitalistiques du partenariat entre l’Oréal et Nestlé dans le holding Gesparal. Le PDG de l’Oréal, Lindsay Owen-Jones, a toute confiance en Édouard Stern pour qu’il aide à régler la question du pacte d’actionnaires qui lie, depuis 1974, le groupe de cosmétiques à Nestlé et à la famille Bettencourt » (page 187).

Les auteurs insistent : «Edouard Stern a un carnet d’adresses fourni. Il est proche de deux grands comptes, Elf et l’Oréal » (page 181). D’ailleurs, notons cette coïncidence : Édouard Stern, grand pourvoyeur de Chouchou dans son ascension présidentielle, est mort en 2005. Il n’aura pas fallu plus d’un ou deux mois pour qu’Éric Woerth ne rentre à son tour dans la danse et fonde avec l’aval de l’ami Nicolas « Le Premier Cercle » qui rassemble de bien généreux donateurs (3).

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(1). Le second livre que BiBi achève s’intitule « Le Fils du Serpent » et c’est un Airy Routier bien indulgent qui l’a écrit aux Éditions Albin Michel.

(2). On aurait en effet tort de ne regarder qu’à droite. Dans le carnet d’adresses d’Édouard Stern, on trouve «DSK avec qui il partage une passion pour la peinture et l’art en général». et le « socialiste dont il est le plus proche»,«ancien premier ministre de Mitterrand… Laurent Fabius» (page 176).

(3). Si des fois, Eric repasse devant les bureaux de la Brigade Financière, il pourra toujours répondre à la Question-BiBi : «Éric, as-tu connu Edouard ?»

Art et têtes de lard.

Huit lignes.

BiBi a retrouvé un vieil extrait d’un article de Jean Baudrillard du 20 mai 1996 (« Le Complot de l’art »), re-publié par le journal « La Décroissance ». Huit lignes pour torpiller les sempiternels refrains sur l’Art qui se moque de lui-même, pour dénoncer le cynisme quasi-général et la main mise des Grands Bourgeois sur le Marché. Huit lignes de subversion critique à lire et à relire :

«Toute la duplicité de l’art contemporain est là : revendiquer la nullité, l’insignifiance, le non-sens, viser la nullité alors qu’on est déjà nul. Viser le non-sens alors qu’on est déjà insignifiant. Prétendre à la superficialité en des termes superficiels. Or la nullité est une qualité secrète qui ne saurait être revendiquée par n’importe qui. L’insignifiance – la vraie, le défi, le défi victorieux au sens, le dénuement du sens, l’art de la disparition du sens – est une qualité exceptionnelle de quelques œuvres rares, et qui n’y prétendent jamais ».

Liliane la Mécène.

A l’instar de Pinault-Arnault, Madame Bettencourt fait aussi dans l’Art (et sa confiscation). Depuis 1987, Madame est devenue une des mécènes les plus importantes de France via la Fondation Bettencourt/Schueller, fondation la plus richement dotée de notre beau pays. Notre Liliane possède aussi des œuvres d’art dont douze tableaux de maître d’une valeur estimée à 20 millions d’euros. Voilà une Liliane dont on parle peu et que BiBi a bien fait de remettre au centre du tableau.

Comme c’est Mignon !

C’est en lisant le Blog de NicoCerise que BiBi a appris ce que devenait Emmanuelle Mignon, l’ex-Directrice  du cabinet de Chouchou, celle qui voulait défendre l’Eglise de Ron Hubbard. Déjà nommée Secrétaire générale d’EuropaCorp (studio européen du Cinéma), elle a rejoint FrontLine, en juin 2010. Dans ces deux sociétés holding qui appartiennent au… «cinéaste» Luc Besson, elle prendra en charge la Direction de la stratégie et du développement. Comme disait l’ami-BiBi : « A Besson le pantalon et tu trouveras comme tout ça est trop Mignon ».

Intraitable Lenny Bruce.

BiBi a revu « Lenny » film de Bob Fosse avec un Dustin Hoffman éblouissant. Il faut voir cette scène où – devant les spectateurs d’un établissement où il se produit chaque soir – Lenny Bruce, amuseur public vedette, remet en cause des « idées reçues », des choses banales de la vie quotidienne, le racisme ordinaire, et renverse les signifiés de la langue des Puissants véhiculés par la presse d’alors. Dans ces années de maccarthysme, Lenny Bruce et sa femme, la strip-teaseuse Hot Honey Harlow, le paieront cher, très cher. Un film magnifique.

Bookcrossing.com

L’équipe de la Bibliothèque de Trévou-Tréguignec a enregistré sur le site ci-dessus près de 150 livres qu’elle a lâchés dans la commune. Des livres qu’on peut retrouver au hasard dans les restaurants, les campings, la gare routière, la pharmacie, boulangerie ou encore sur un banc public. On peut «emprunter» tout livre trouvé, le lire et le remettre en circulation à l’autre bout de la France ou à l’étranger. Il s’ensuit des traçages parfois étonnants pour les exemplaires mis gratuitement en circulation. Janine Troadec, responsable de l’Opération de cette bibliothèque, précise : «Régulièrement, nous recevons des nouvelles de nos livres par l’intermédiaire du site consacré à l’opération qui existe depuis 2001 à travers le Monde». Le Livre, le Voyage, le Rêve : souvent des synonymes.

Centre Robert Walser.

A Berne, au cœur de la vieille ville, l’écrivain suisse que Walter Benjamin, Kafka, Zweig, Sebald, Jelinek ont d’emblée admiré a désormais son Centre. Sur l’œuvre de celui qui voulait n’être qu’un « joli zéro tout rond » est entrepris un gros travail d’archivage, de conservation, de déchiffrage de ses proses, d’acquisition de documents encore en mains privées. Des bénévoles assurent l’accueil au Robert Walser Zentrum (Marktgasse 45, Berne). Comment ignorer celui qui resta enfermé à l’asile de la Waldau puis à celui de Herisau de 1929 au 25 décembre 1956 ? Pour caractériser ses travaux, il avait griffonné : « Il me plaît de comparer mes petites proses à de petites danseuses qui dansent jusqu’à ce qu’elles soient totalement usées et s’écroulent de fatigue».