Drôles de Paluches.

pensez bibi

Fidèle aux #lundidesblogs, me voilà faisant mes habituelles singeries en proposant une courte fiction pour une troisième tentative d’écriture. 

*

Enfermé dans cette chambre avec le poste de radio pour seul compagnon, je suis resté éveillé toute cette dernière nuit à vouloir composer un court récit, une nouvelle brève, une toute petite fable. Pourtant envahi de fragments d’histoires et de débuts de fictions, je n’ai pas réussi à en écrire un seul mot. Toujours bougon et impatient dans ce petit matin, je me gratte encore la tête, à la recherche d’une première phrase.

Pour me donner le change, je jette un coup d’œil à la chambre. Dans un des coins de la pièce, une imposante armoire fermée à clé offre des veines douces, biffées en de nombreux endroits. Plus en retrait, dans une sombre alcôve, il y a un lavabo à la bonde fêlée et un miroir que j’évite de regarder.

La raideur de mon dos, mon immobilité dans la nuit m’ont poussé à me lever de ma chaise. Je tourne dans la chambre, vieux lion dans sa cage, seulement attiré par un gros papillon qui volette et se cogne sans cesse contre les murs et les carreaux de la fenêtre. Je tends ma main vers l’espagnolette et, d’une poussée vigoureuse, je repousse les volets. L’air sent la fraîche herbe coupée et apporte des bouffées de parfum des jacinthes  qui courent le long  des murs du Château. A ma gauche, le jardin s’étend à perte de vue. Un court instant, je suspends mes sombres pensées et mon inquiétude.

Revenu dans la pièce, j’augmente le son de mon poste de radio sur le Requiem de Mozart qui correspond bien à mon humeur du moment. Je me demande alors, réchauffé par ce brillant soleil de printemps, si je ne dois pas abandonner toute idée d’écrire des Nouvelles, des histoires bien fagotées, des récits impeccables. Au bilan de mes dernières heures, j’ai été repris par mes démangeaisons habituelles et je n’ai pas pu me concentrer. Je sens mon enthousiasme me porter ailleurs : ne devrais-je pas essayer de rapporter les événements de ma vie par écrit, d’en faire une Confession, d’y mettre toutes mes forces ?

Une Autobiographie, c’est ça la bonne idée.

Une autobiographie : implacable, incertaine.

Émerveillé par ma découverte et mon projet soudain, je me penche à nouveau sur le rebord de la fenêtre, yeux grands-ouverts sur les parterres colorés du Château. Je n’ai pas encore pris garde à la brutale interruption du programme musical. Je ne décide d’y prêter l’oreille qu’à l’instant où le Commentateur à la voix grave donne la parole au Chef des Armées.

« Soldats, éructe le Généralissime, je compte sur votre soutien, sur vos cartouches et vos cartouchières, sur vos canons et canonnières. Je compte sur vous pour l’attraper, l’étriper, le passer à la trappe ! »

Suit aussitôt une seconde interview, toute aussi importante et solennelle. L’affaire dont il s’agit est sérieuse. C’est le Premier Ministre en personne qui vient seconder le Grand Officier sur les ondes. Il insiste sur la fuite et la dangerosité de Manu, un Singe évadé du Zoo de Romans avant d’énumérer toutes les précautions à prendre.

« Nos Services sont en alerte rouge. Les populations ne doivent pas paniquer. Soyez-en persuadés, il ne nous échappera pas ! »

Avant que le programme musical ne reprenne ses droits, le Rédacteur en Chef y va, lui aussi, d’un court éditorial, rappelant les antécédents de Manu-le-Singe, son échappée belle, sa spectaculaire évasion. Je décide d’éteindre le poste, de revenir à ma table de travail. Je me gratte toujours la tête me demandant par quel bout commencer mon Autobiographie. Pendant que ma question reste en suspens, mes mains aux paumes charnues commencent à me démanger, froissant au passage des bouts de pages, tambourinant avec les crayons à papier. Tout cela est plutôt bon signe.

Mes yeux fixent étrangement le ballet de ma main : les mots arrivent, les vannes s’ouvrent, mon travail commence. Je me jette alors sans discernement sur les pages vierges empilées sur le bureau. D’une main pleine d’une vigueur nouvelle, j’écris le début fiévreux de ma Confession. Ma patte velue trace furieusement la phrase d’entame et délivre mes premiers éléments biographiques.

«Manu.  Je m’appelle Manu et je suis né au Zoo de Romans».

*

Main de Singe

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