PhotoMacron, PhotoPatron. (La Une de L’Obs).

Comment on fabrique du Macron ? J’avais déjà souligné à quel degré de bassesse en étaient arrivés par exemple les chroniqueurs du Point. Sans parler des groupies tous modèles confondus, des adorateurs à genoux devant l’Enarchie, des cravatés subjugués par l’Idole.

Et puis,  sur mon écran, est apparue cette merveilleuse photo de notre Président à la Une de L’Obs. L’Obs dont on sait qu’il se veut L’Observateur de la vie politique française. Un hebdomadaire empreint d’une telle objectivité que l’Actionnaire vira sans ménagement et très démocratiquement une certaine Aude Lancelin.

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Merveilleuse photo donc. Génial portrait photographique qui occupe toute la couverture du Magazine. Attardons-nous d’abord sur les titres et sous-titres. Ils ne concernent pas uniquement LE PATRON (un homme bien entendu. Les femmes ne peuvent pas être patronnes). Il y a aussi ce bandeau qui concerne LA Ministre de la Culture. Une femme donc, toute en confidences. D’un côté, l’homme déterminé, plein de résolutions. De l’autre, en version minimale mais présente, la femme qui chuchote, loin des durs combats que va mener notre Héros, femme-ministre toute douce, s’occupant de Culture (à la sauce Stéphane Bern et Line Renaud).

En filigrane, derrière LA Ministre de la Culture, c’est un peu Madame Trogneux-Macron qu’on devine. Professeur de français et de théâtre, cultivant le luxe et la mode, discrète certes mais tellement indispensable. Archétype subtil de cette Culture libérale teintée d’une touche libertaire, culculture qu’on va nous fourguer pendant ces cinq années. Bon, suffit, LA Ministre de la Culture a été casée dans son coin, tout là- haut sur la Une, dans ce bandeau (même couleur rouge), tout là-haut, toute en bordure de page. OK, alors passons à l’autre titre : LE PATRON.

LE PATRON.Voilà ce qui nous a manqué pendant cinq ans. UN PATRON. On a vu la catastrophe et le fond du gouffre avec François-pâte-molle. Hé bien, hop hop, moi, Emmanuel, je suis de qualité supérieure, je suis LE PATRON. Il est là, il s’impose, avec tous les apparâts de la Puissance. Qui ira contester sa place au Sommet puisqu’il a eu l’approbation du Peuple français ? Un Boss. Comme Zidane et son quarteron 1998. LE BOSS. Les autres ? Ils n’existent pas.

Ouvrant les pages de L’Obs nous découvrons sur sur 30 pages «COMMENT LE PATRON VA REFORMER LE TRAVAIL». Arrêtons-nous dix secondes : remarquons qu’il est écrit «comment il va réformer le travail»… Euh, ça ne vous fait pas tilt ? Mais… mais bon sang mais c’est bien sur ! Il n’est pas écrit : «IL VA RETOQUER LE CODE DU TRAVAIL». Il n’est pas écrit «CODE du travail» car bien sur, le Code du Travail, ça ne passe pas dans l’opinion. Avec un tel élément de langage, on serait dans la division, dans le conflit, bref dans le politique. Et ça, ce n’est pas bon pour Dieu Emmanuel car ne perdons pas de vue que, sur ce Code, plus de 65% de français sont contre. Alors on écarte la formule et on écrit «réformer le travail», formule si douce, tellement pleine de promesses, annonciatrice de jours heureux. Une réforme du travail, hein, qui s’en plaindrait ? On est tous d’accord à vouloir en finir avec cette souffrance au travail, tous autant que nous sommes.

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Une photo ne marche pas toute seule. Il faut l’inscrire dans le défilé de photos antérieures. Celle-ci, par exemple, où Macron à ses débuts est comme l’acteur Eroll Flynn (Franz Olivier Giesbert le voyait en acteur hollywoodien).

Poings serrés, encore un peu gauche, pas encore dans cet âge mur de la Présidence. Un peu trop jeune premier inexpérimenté. Là, juin 2017, il est pleine force (forme) de l’âge.

Regard perçant, air décidé, il fixe l’horizon de ses 5 années à venir. Aucun obstacle devant lui. L’horizon est dégagé (il a battu tous ses concurrents, asphyxié la Gauche, démoli la Droite). Non pas droit devant lui, non. Les yeux légèrement au-dessus du niveau de la mer. Il voit au-delà de ce que nous voyons, nous dont le regard est trop horizontal. Les yeux bleus portent l’Inconnu et le Rassurant. Un regard unique d’un Dieu Unique. Monothéisme politique.

Sourcils légèrement (eux aussi) froncés pour dire la Volonté, la Détermination. Un nez tranchant. Une bouche fermée. Il n’a en effet rien à dire. Tout le Monde entier sait de quoi il est capable. Il soulève les montagnes, mène d’incroyables Réformes. A quoi perdre son temps à en parler ? Tout ça serait de la parlotte, du bavardage. Sarkozy squattait les écrans TV pour faire parler… de lui. Hollande convoquait la journaille pour bavasser et ne pas agir.

Ni vieux ni trop jeunôt, dans ce cliché, Macron est magnifique. Exceptionnelle icône pour illustrer sa place dans l’espace très restreint du Grand Capital. Bien propre. On sent bien l’après-rasage de chez Sephora de son ami Bernard Arnault. Bien habillé. Cravate grenat. Costume gris sobre. Chemise bleu ciel au col suffisamment serré pour laisser transpirer le côté volontaire et déterminé (plis rudes dans le cou, et coup de menton décisif).

Et puis regardez encore ce visage sur arrière-fond zébré. La diagonale noire-grise élance sonregard, lui donne une impulsion supplémentaire vers l’avant. ALLEZ ! VENEZ ! SUIVEZ-MOI ! C’est à peine un ordre car notre Chef sait que nous sommes tous derrière lui ! Il y a lui et nous, avec lui. Entre lui et nous, une osmose. Entre lui et nous, il n’y a même plus les hebdos, les quotidiens, les experts et les gogos télévisuels, tous les animateurs de Foires à l’Image. Jupiter. Dieu. On vous l’a assez dit. VOYEZ ! SOYEZ SUBJUGUES ! Nous entrons dans une ère nouvelle, plus du tout dans l’ère des débuts où Emmanuel jouait au petit timide rentrant dans la Cour des Grands.

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Cinq années où Dieu va donc régner sur nos consciences.

Mais on sait que, derrière ces certitudes du moment, il y a le Réel qui, lui, ne fait pas cliché. Il y a un horizon que, même les Hommes se prenant pour des Dieux, ne peuvent pas prévoir. Du coup, cette image de L’Obs, nous fait penser à d’autres Chefs (d’Etat) au menton volontaire, au regard perçant, à la détermination incroyable. Des Chefs aux fins pitoyables. De Ceausescu à Nixon, de Mussolini à Franco, du Chah d’Iran à Ben Ali.

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Mais à insister sur le cliché de notre Dieu, quelque chose cloche. Et, tout d’un coup, on comprend que cet homme-là ne peut pas être un ami, notre ami. Il ne peut pas nous être proche. Il fait partie d’une caste, pas de celle du militant, pas de celle du cercle des guichetiers de ta banque, pas un pote que tu appelles en pleine nuit. Il est énarque, de la haute, play-boy trop bien nippé, jamais descendu dans un café boire un blanc avant midi ou un blanc à six heures du mat’. Cet homme-là est loin, très loin de toi. De la haute vous dis-je. Un homme qu’un jour, le populo fera descendre de son piedestal olympien.

Mais avant cette échéance, cette plaisanterie macronienne durera cinq ou dix années. Cinq ou dix ans, entre luttes et désespoirs, entre arrogance et manigances.

Putain ! Cinq ou dix ans pour que la photo jaunisse et qu’enfin, je puisse la jeter définitivement au panier.

14 Responses to PhotoMacron, PhotoPatron. (La Une de L’Obs).

  1. Un partageux dit :

    Avant que la photo jaunisse, on va cracher du sang… Quand tu vois que la police peut aller jusqu’à empêcher de donner à manger et boire à des exilés, tu te dis qu’il n’y plus aucune limite aux saloperies.

  2. BiBi dit :

    @UnPartageux
    Déjà les scandales qui fleurissent.
    Et la Loi Travail qui va nous étouffer faisant entrer le renard dans le poulailler.
    Et l’Etat d’Urgence dans le droit commun.
    Sur qu’on va cracher du sang.

  3. Robert Spire dit :

    Nous ne faisons que revivre indéfiniment le passé. Chaque fois que des « travaillistes ou des « socialistes » ont accédé au pouvoir, ils ont toujours, sous la pression des banques centrales et des comités de grands industriels, tergiversé entre « protectionnisme » (défenses des salariés) et « libre-échange » (défenses de la monnaie), pour finalement couper la poire en deux et mécontenter un maximum de gens dans toutes les classes sociales. Activant de ce fait le retour d’une droite dure (fasciste ou sous le masque du Libéralisme)qui a toujours réduit sévèrement les services sociaux et les salaires. On va me dire que les gens savent et qu’ils vont finir par arrêter cette roue infernale. Mais non, d’une part on a tendance à oublier le passé et de l’autre les élections relèvent des « jeux à sommes nulles » où personne n’a intérêt à collaborer puisqu’il n’y a qu’un seul gagnant. Et comme notre système éducatif se référence de plus en plus sur la compétition, chacun raisonne de manière égoïste.

  4. BiBi dit :

    @RobertSpire
    Plus que temps de travailler sur ces trois « ateliers » de production symbolique :
    1 L’Ecole qui assure plus qu’on ne le pense la reproduction sociale si terriblement injuste
    2 L’appareil mediatico-politique
    3 Le systeme de représentation politique.
    Cela atténuera quelque peu les illusions réformistes qui gisent au fond même de nos amis.
    Bibien à toi.

  5. J.P.B / le mat Noir de la ville guérin dit :

    merci pour ce portrait révélé du  » Macron  » je ne peux que souscrire à cette analyse !!!
    je recommande .

  6. Jeannedau dit :

    23 % aux presidentielles
    Essayons de faire confiance à ceux qui vont en baver pour se prendre en main et relever la tête dans les luttes.
    Je ne vois que ça.

  7. BiBi dit :

    @JeanneDau
    Relativisons. 23% oui mais moins si on se base en rapport avec les inscrits.
    Non seulement faire confiance mais venir personnellement y mettre son grain de sel.
    Bibien à Toi.

  8. Stella 2b dit :

    Cette fois c’est sûr, notre survie ne viendra que de notre propre faculté de résister à ce monde absurde et impitoyable.
    Consommer à minima, produire de son jardin si l’on peut ou pour ce faire s’exiler à la campagne. Refuser d’abonder ce système qui au final profite toujours à ce capital insolent et arrogant…Dommage que F.I. ait manqué l’affaire: sans croire aux miracles ou au messie, il est le seul qui aurait limité la casse libérale pourtant largement annoncée.. Comment notre peuple peut-il être si aveugle? si soumis aux diktats de cette presse dont la pensée unique donne la nausée?
    Je suis très découragée

  9. BiBi dit :

    @Stella
    Se faire exiler à la campagne ? J’y suis depuis peu de temps et voilà que j’apprends qu’il y a un projet d’installation dune usine d’éthanol 2ème génération ( la plus grande usine d’Europe), une usine polluante avec odeurs à gerber. Tout cela en pleine campagne et à 2,5kms du centre-ville de Vichy. Hormis les Insoumis, les écolos, En Marche, le PCF se taisent, ne bougent pas de peur de déplaire à Michelin derrière tout ça ?
    La France majoritairement est à Droite comme elle l’a quasiment toujours été. Il y a eu 1871, 1936, 1968, un élan en 1981 mais tout cela s’est terminé avec un retour de bâton dans le sang ou des élections qui ont donné presque toutes les voix aux fachos et/ou/droitistes. Le peuple n’est pas aveugle car derrière cette nomination il y a des divisions, des catégorissations à faire pour s’apercevoir qu’il y a des couches de la Société antagonistes.Etc etc. Quant à ce supposé « aveuglement »il te faudrait lire les analyses aidantes que tu pourras trouver dans les petits livres d’Alain accardo (édités chez Agone). Ainsi cela pourra atténuer quelque peu ton découragement (et parfois le mien)

  10. Il devrait porter la moustache, c’est à la mode… D’ailleurs, ton photomontage montre que ça lui donne plus d’autorité …

  11. AgatheNRV dit :

    La mise en scène politique soutenue par les subventions/dotations d’argent public pour mieux piller l’argent public. C kiki qui régale?

  12. Robert Spire dit :

    « …Il arrive toujours un moment où la République française doit choisir entre la Commune de Paris et le gouvernement versaillais de M. Thiers. Il est significatif que, dans tous ces moments historiques sans exception, la « grande presse » de France comme d’ailleurs, se retrouve immanquablement dans le camp des fusilleurs de prolétaires, auquel elle n’a jamais cessé d’appartenir.

    En ce moment en France, on n’en est pas encore tout à fait là. Le pays chloroformé par des décennies d’alternance se réveille à peine de son anesthésie. Les épées ne sont pas encore tout à fait tirées du fourreau, mais les mains sont sur la poignée. Le grand patronat du CAC 40, des multinationales et des banques s’inquiète de voir se multiplier un peu partout, pas seulement en France, les signes d’un rejet de plus en plus explicite de la domination du grand Capital mondialisé. »
    Entretien avec le sociologue Alain Accardo:
    https://www.vice.com/fr/article/les-medias-ne-sont-plus-que-tres-accessoirement-des-facteurs-de-lutilite-publique-un-entretien-avec-alain-accardo

  13. BiBi dit :

    @RobertSpire
    Merci de rappeler combien sont importants les travaux, reflexions, editos (voir le site Terrains de Luttes où ils sont consignés), entretiens d’Alain Accardo qui avec son ouvrage « Lire Bourdieu » m’a fait naitre au Monde social. Je ne saurais recommander +++++ de lire, d’aller voir ce bel entretien de VICE que tu cites mais aussi TOUS ses petits livres parus chez Agone Editions. On parle beaucoup de Rancière, de Badiou mais Accardo, lui, est très injustement mis à l’écart alors qu’il est un de nos plus grands intellectuels. On comprendra par exemple en lisant « De notre Servitude involontaire » comment, aujourd’hui, Macron peut faire le plein des voix. On comprendra – autre exemple – en lisant « Le petit-bourgeois Gentilhomme » comment les classes moyennes ont eu un rôle central etc etc.

  14. Robert Spire dit :

    Il y a aussi la une du Point: « Et maintenant…plus d’excuses ». Pour ceux qui n’auraient pas compris, la révolution néolibérale enfin appliquée en France!-)

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