Franz Kafka ? Chambre 12… (part.2)

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Deuxième et dernière partie du billet-BiBi (1) consacré au livre de Michaël Kumpfmüller (La Splendeur de la Vie chez Albin Michel).

A partir du second tiers du récit, nous sommes dans la fin de l’été 1922. Franz Kafka et Dora Diamant ont quitté Müritz. Il ne reste plus que neuf mois à vivre à Kafka.

Après le séjour dans la station balnéaire du Nord (à Müritz), Kafka est retourné une première fois à Prague sans Dora puis il se rend avec Ottla (sa soeur) à Schelesen pour se reposer et réfléchir à son avenir. Dora, elle, est revenue de Müritz, transitant chez son amie Judith – qui veut gagner la Palestine avec Fritz, un homme marié.

A Berlin qui vit un cauchemar avec l’inflation, avec ses longues queues devant les boulangeries et ses débordements antisémites, Kafka emménage enfin. Ce sera à Berlin/Friedenau dans le quartier de Steglitz mais la vie est dure : lui comme Dora, souffrent de privations, ont besoin d’argent.

En allemandDans leur seconde location à Zehlendorf, ils vivent désormais ensemble. Chez Madame Reithmann, ils ont une grande chambre avec l’électricité (certes défaillante) et en bas, un joli jardin. Kafka connaît alors une période de «créations» : il écrit Le Terrier, Joséphine la Cantatrice, Une Petite Femme. Il continue d’apprendre l’hébreu avec Dora, elle-même hébraïste distinguée. Dans les papiers qui furent remis à Max Brod après sa mort, on trouva plus d’exercices d’hébreu annotés par Dora que de textes littéraires.

Dora lui lit du Kleist, revient de courses avec le Steglitzer Anzeiger, quotidien berlinois et la vieille Bible. Dans cet amour pour Dora, ce partage de l’hébreu avec une juive de l’Est est décisif. S’y accole le rêve d’un impossible voyage pour la Palestine. Dora aura-t-elle été une Terre Promise touchée du doigt, à l’orée de sa mort qu’il sent prochaine ?

«Je ne pouvais te rencontrer plus tôt que l’été dernier à Müritz. Plus tôt, je n’étais pas prêt. Tout devait arriver comme c’est arrivé…». Kafka, toujours attaché à sa famille, n’est plus obsédé par l’image du père (qui déteste ces Juifs de l’Est). Dora, elle aussi en rupture familiale, sait déjà ce que son propre père, juif de l’Est, penserait de Kafka : «Ce n’est pas du tout un juif. Il ne respecte pas le sabbat, il ne connaît pas les prières». Pas de bénédiction non plus de ce côté-là !

Les «fantômes» semblent le laisser tranquille momentanément. Il dit à son ami Max Brod : «Je leur ai échappé. Ce déménagement à Berlin était grandiose, maintenant, ils me cherchent mais ils ne me trouvent pas, du moins pas pour l’instant». Mais cet instant ne dure qu’un… instant. Voilà Franz, toussant, fatigué, regagnant Prague avec l’aide de son ami Max. Dur et humiliant retour en famille.

On cherche pour lui un sanatorium : on pressent Davos (en Suisse) mais ce sera Pernitz puis la clinique viennoise du Professeur Hajek et enfin le sanatorium de Kierling près de la capitale autrichienne. Il occupera la Chambre Numéro 12. Exténué, aphasique, Kafka communiquera avec Dora, avec son ami Robert Klopstock, avec ses proches par petits bouts de papier (ses «paperolles»). Kafka a connu ce Robert Klopstock durant un séjour précédent en maison de repos à Tatranské Matliary. Cet étudiant en Médecine, originaire de Cassovie (en Hongrie) était lui aussi touché par la tuberculose. Il va s’occuper de Kafka jusqu’aux derniers jours de l’écrivain.

Dans le dernier mois, le père de Dora répond à la demande en mariage de Kafka : ce sera non. Le mardi 3 juin, rapporte Marthe Robert dans son «Kafka», il demande de la morphine à Robert Klopstock qui refuse. Kafka a à peine la force de lui répondre en écrivant : «Tuez-moi, sinon vous êtes un assassin».

Kaf 1 et Max Brod

Dora accompagne la dépouille de Kafka jusqu’à Prague et y reste jusqu’à mi-juillet. Kafka est enterré au Cimetière de Prague Straschnitz dans la même tombe que… père et mère. (Photos-BiBi). Tout à côté de la tombe des Kafka, reposera son ami de toujours Max Brod (2).

Dora retournera à Berlin… à Berlin où il fait chaud en ces mois d’été et où Judith, son amie, vient d’apprendre qu’elle est enceinte.

Le livre de Michaël Kumpfmüller est écrit avec finesse. L’auteur a essayé de se tenir au plus près du quotidien de l’écrivain sans en profiter – heureusement – pour nous asséner des analyses d’exégètes. Un récit basique, sans détails superflus, sans diversion.

 *

(1). Première partie du billet : Kafka, le Retour.

(2) (A propos de Max Brod) A plusieurs reprises, Kafka lui a dit de brûler ses écrits mais Kafka a t-il vraiment cru que Max Brod, son meilleur ami, allait gratter une allumette et faire un feu de camp avec toutes ces pages ? J’en doute. Kafka n’est pas grand par cette demande ambiguë mais essentiellement par ses textes uniques et par sa langue (l’allemand) dont il n’a cessé de dire qu’il n’en avait été qu’un «invité».

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