Trois jours à Marseille.

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Marseille. Une ville atypique. Un port bien sûr. Le poisson à la criée. L’accent et toutes autres choses. Les rues montantes. Les marchés. Les Goudes et le feu aux entours. Promenade-BiBi dans la Ville pour trois jours, pour quelques clichés.

Avec, pour échos, des sensibilités d’écrivains.

Antonin ARTAUD.

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Je ne connais pas tous les lieux que fréquenta Antonin Artaud. Mais Marseille fut son lieu de naissance… même si il assura à Marthe Robert ne pas y être né : «Il y a un mystère dans ma vie, Marthe Robert, dont la base est que je ne suis pas né à Marseille le 4 septembre 1896, mais que je suis passé ce jour-la, venant d’ailleurs, parce qu’en réalité je ne suis jamais né et qu’en vérité je ne peux pas mourir» (lettre à Marthe Robert du 29 mars 1946).

Il redescendait souvent de Paris, repassait à son premier domicile au 15 rue des Trois Frères Carasso, au Collège Sacré-Cœur de la rue Barthélémy, marchait sur les quais de la Joliette, se rendit à l’Expo Coloniale (1922) et donna des textes aux deux éditions d’alors : La Criée et Les Cahiers du Sud.

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Albert LONDRES.

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Albert Londres, le grand journaliste de Vichy donna son nom au Grand Prix du Journalisme. Il écrivit une série d’articles répertoriés dans son livre: «Marseille, la Porte du Sud», écrits datant de 1922. Albert Londres est frappé par la mosaïque des peuples qui habitent la Cité phocéenne et qui arrivent de partout :

«De partout ils arrivent à Marseille. Le grand caravansérail des temps modernes est ici, rue Fauchier (…) Je ne connais pas les armes de l’écu de Marseille… Si j’ignore tout de ce blason, je sais, en revanche, de quoi il devrait se composer : d’une porte (…), une porte monumentale, où passeraient, flux et reflux, les cent visages du vaste monde». Et encore: « C’est un port, l’un des plus beaux du bord des eaux. Il est illustre sur tous les parallèles». 

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Gustave FLAUBERT.

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Auparavant, le 1er novembre 1849, Flaubert partant en train d’Avignon arriva le même jour en gare de Marseille en compagnie de son ami Maxime Ducamp. Ils allaient embarquer tous deux pour l’Egypte. Flaubert, lui aussi, parle de «capharnaüm», de «Babel de toutes les Nations», sensible aux musiques langagières, aux «cent langues inconnues». C’est dans «Voyages» aux Editions Arlea Poche :

«Marseille est une jolie ville, bâtie de grandes maisons qui ont l’air de palais. Le soleil, le grand air du Midi entrent librement dans ses longues rues ; on y sent je ne sais quoi d’oriental, on y marche à l’aise, on respire content, la peau se dilate et hume le soleil comme un grand bain de lumière.

Marseille est maintenant ce que devait être la Perse dans l’Antiquité, Alexandrie au Moyen Age : un capharnaüm, une Babel de toutes les nations, où l’on voit des cheveux blonds, ras, de grandes barbes noires, la peau blanche rayée de veines bleues, le teint olivâtre de l’Asie, des yeux bleus, des regards noirs, tous les costumes, la veste, le manteau, le drap, la toile, la collerette rabattue, le turban et les larges pantalons des Turcs.

Vous entendez parler cent langues inconnues, le slave, le sanscrit, le persan, le scythe, l’égyptien, tous les idiomes, ceux qu’on parle au pays des neiges, ceux qu’on soupire dans les terres du Sud».

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Joseph ROTH.

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Joseph Roth, dont les livres furent brûlés plus tard par le Troisième Reich, est correspondant dans les années 20 du Frankfurter Zeitung. Il est admiratif de la ville.

«Marseille est un monde : l’aventure y est quotidienne, et le quotidien y est aventure. Ici, l’on peut vraiment être pris au dépourvu. Marseille est la grande porte qui ouvre sur le monde. Marseille est le carrefour des peuples. Marseille est l’Orient et l’Occident».(Article publié en 1925).

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Blaise CENDRARS.

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Blaise Cendrars fut sensible à cette ville de contrastes.

«Je n’ai jamais habité Marseille et une seule fois dans ma vie j’y ai débarqué descendant d’un paquebot, le d’Artagnan, mais Marseille appartient à celui qui vient du large. Marseille sentait l’œillet poivré, de matin-là. Marseille est une ville selon mon cœur (…) Mais c’est néanmoins une des villes les plus mystérieuses du monde et des plus difficiles à déchiffrer. » (in «Je Débarque à Marseille», in Marseille Revue Culturelle de la Ville, n°200).

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Walter BENJAMIN.

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Walter Benjamin se réfugia un temps à Marseille avant de tenter de regagner l’Espagne par Port-Bou. Il y croisa le père de Stéphane Hessel (Stéphane Hessel lui-même) et d’autres compagnons de vie et d’infortune pendant les mois d’août et de septembre 1940. Dans Marseille, devenu via l’exode un lieu extraordinairement passant, Walter Benjamin voit «Jean Ballard aux Cahiers du Sud, retrouve le couple d’Hannah Arendt et d’Heinrich Blücher: il leur confiera ses derniers manuscrits. Il rencontre deux vieux amis qui connaissaient bien Marseille, Lili et Siegfried Kracauer ainsi qu’un locataire à Paris de son immeuble de la rue Dombasle, Arthur Koestler qui racontera l’une de ses dernières conversations sur le cours Belsunce». (Alain Paire).

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6 Responses to Trois jours à Marseille.

  1. lediazec dit :

    Deux noms : Londres et Artaud. Des portes et des fenêtres ouvertes sur le Monde !
    Merci BiBi, car Marseille est la ville où mon coeur fait boum-boum, tam-tam, tictac et bric-à-brac.
    La ville où Rimbaud vint jeter une ancre avant le Grand Départ !

  2. Robert Spire dit :

    Marseille, 25 mars 1941, 300 « mal-pensants » quittent l’Europe sur le « Capitaine Paul Lemerle ».
    http://www.vlady.org/biblio/lemonde.htm

    Dans « Triste Tropiques » Claude Lévi-Strauss raconte:
    « Finalement j’obtins mon billet de passage sur le Capitaine Paul Lemerle, mais je ne commençai à comprendre que le jour de l’embarquement, en franchissant les haies de gardes mobiles, casqués et mitraillettes aux poings, qui encadraient le quai et coupaient les passagers de tout contact avec les parents ou amis venus les accompagner, abrégeant les adieux par des bourrades et des injures : il s’agissait bien d’aventure solitaire, c’était plutôt un départ de forçats. »
    http://adhemar-marine.blogspot.fr/2008/05/capitaine-paul-lemerle.html

  3. Robert Spire dit :

    Dans quelques mois je rejoindrai le quai de la retraite où je vais pouvoir embarquer pour le pays du « non Capital » selon Friot: https://www.youtube.com/watch?v=ZuZz9NSOh10

  4. BiBi dit :

    @RobertSpire
    Pas si facile la vie dans le pays de « Non Capital ».

  5. Robert Spire dit :

    Effectivement Bibi, pas facile…Mais c’est un bon stimulant.:-)

  6. agatheNRV dit :

    J’avais loupé ce bel hommage sur Marseille, je suis ravie (en plus) de voir Bernard Friot en lien. Double contentement !

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