L’Odyssée de BiBi (en Mer Egée).

En partance pour les Cyclades

L’Actu de BiBi, c’est qu’il existe des hommes, des femmes, des enfants, des chiens, des chats qui vivent loin de France et pour qui la France se réduit au plus simple, à la portion congrue, à la petite Image d’Epinal. Dans ces coins-là – Athènes et les Cyclades – même la langue française y est de peu d’utilité. C’est EuroNews TV, c’est le Herald Tribune qui dominent outrageusement la partie.
Alors BiBi, analphabète, regarde, scrute, jauge, dissèque, décortique. Voilà même qu’il se met à penser autrement. Il se souvient du mot de Picasso : «  Quand je lis les livres du physicien Albert Einstein auquel je ne comprends rien, ça ne fait rien : ça me fera comprendre autre chose».
BiBi, sur la Mer Egée, paraphrase en chantonnant : «  Quand je voyage dans un pays dont je ne comprends ni la langue ni l’écriture, ça ne fait rien : ça me fera comprendre autre chose ». Ici, cet « autre chose », rajoute BiBi, c’est d’abord et surtout « autre chose que les clichés sur la Grèce ».
Dans son Odyssée de huit jours et huit nuits, BiBi se drape en aède, livrant ses impressions, délivrant en quinze ses expressions…


1. Athènes, vue d’avion, c’est comme une ville attaquée par la lèpre. Les blocs de craie sont massivement rongés par l’expansion urbaine. A l’intérieur de la ville, le métro – du Pirée à Syntagma – passe quasiment sous les balcons. Et les immeubles qui se penchent sur les voyageurs sont prêts à s’écrouler, préfigurant un tremblement de terre.
2. Le petit père à Syros broie chaleureusement la main de BiBi, le croyant catholique. Suivent une accolade et une bourrade. « Toi, mon frère ! » Et au moment de se quitter, tiens voilà un bras d’honneur de plus pour les Orthodoxes !
3. On dit que les Grecs s’engueulent tout le temps. Peut-être, mais à la longue, ils se réconcilient. Comme si d’être grec dépassait tout et justifiait toutes ces apostrophes un peu rudes. BiBi préfère cela à l’indifférence trop polie  de certains Culs serrés de par chez nous et au cynisme distant des Intellos-Caviar.
4. Les Grecs gueulent contre la vie chère. Le KKE (communiste) organise une grande manif au centre d’Athènes le 15 mai. Drapeaux rouges sur les affiches qu’on retrouve dans les coins les plus reculés des îles. Armature populaire incontestable. En France, les Cocos français, eux, n’organisent même plus de cars de Province pour la Fête de l’Huma.
5. Prendre le bus dégling’ pour faire le tour des îles. La Grèce et le populo toujours cosmopolite et bigarré. Des lolitas un peu fadasses, des vieilles dames en noir un peu écaillées. Des Papys avec appareils de surdité et des ados entichés de tee-shirts des Lakers et de MP3 dernier cri.
6. Au Pirée, un placard publicitaire célébrant le Onze grec qui prépare l’Euro. Une grande marque sponsorise. C’est PUMA. BiBi ne savait pas que Puma existait encore et bondissait toujours dans la Jungle sportive et marchande.
7. Dans l’église orthodoxe d’Ermoúpolis, une femme – la quarantaine – embrasse une à une ses idoles. Quatre Saints sous icônes vitrées. La dame porte un faux sac Vuitton et des bas couleur chair.
8. Un groupe d’Américains sur le pont. Ils sont probablement professeurs à Harvard University. Ils lisent Vogue et des articles sur Obama dans Time Magazine. Plus en retrait, deux jeunes filles lisent, américaines elles aussi. Salman Rushdie ( Les Versets Sataniques) et Franz Kafka ( la biographie de Pietro Citati). A part (un peu) Nikos Kazantzakis, BiBi se rend alors compte qu’il est très ignorant de la littérature grecque. Il y a bien sur Aristophane, Homère et Héraclite. Cela ne suffit pas pour empêcher le bonnet d’âne à BiBi qui proteste, disant que les trois derniers sont « très contemporains ».
9. La France est vraiment insignifiante dans le Concert européen et mondial. Ici, on ne donne pas le vainqueur du championnat de foot français mais on passe en boucle, championnats italiens, Cup anglaise et matches de Bundesliga. La TV grecque n’est pas idéale : kitch quotidien sur les écrans, concentration des medias pipolisés ici aussi. De la France, on n’aura que des images de Cannes et de son Festival. Le Pays des Droits de l’Homme n’est plus bon qu’à faire le tapin sur la Croisette en poule de luxe surannée.
10. A Mykonos, il y a une plage qui s’appelle Paradise. Pour y aller, BiBi prend le bus et demande un ticket au chauffeur. BiBi rit intérieurement en pensant que c’est la première fois qu’il demande un billet pour le Paradis et… qu’il l’obtient.
11. A Galissas sans ses touristes d’été, BiBi demande son chemin et les horaires de car à un Grec. Le Grec répond en parfait français. Normal : il est belge. «  J’ai soixante-quinze ans et je suis ici depuis trois ans. J’ai troqué la bière pour l’Ouzo ». BiBi, pince-sans-rire : « En tous les cas, Monsieur, vous avez perdu la bière mais vous avez gardé la frite ». Finalement, Galissas est un trou perdu éminemment sympathique.
12. Seins lourds. Décolletés plongeants. Tissus colorés. Jupes courtes multicolores. Le tout sous le blanc du torchis ds maisons grecques et le toujours bleu du ciel. BiBi a envie de jouer à Anthony Quinn dans Zorba le Grec et de danser un pas de Sirtaki avec chacune de ces beautés insulaires.
13. Les Grecs ont la religion du portable parfois insupportable. Comme cet entrepreneur, petit Onassis, qui, dans son répondeur, hurle ses ordres à son employé lointain. Il rompt la tranquillité, couvre la brise et le toussotement discret des machines du bateau.
14. Foot encore. En milieu de semaine, Panonios et Aris font match nul 3 à 3. Malgré les pertes de balle souvent inconsidérées et nombreuses ( différence avec le jeu italien par exemple), le jeu est agréable, offensif, un peu fou fou. Il y a Amoroso sur le terrain. Où jouait-il en Italie celui-là ? Samedi, la Finale opposait Olympiakos à Aris Salonique. Kovacevic marque le premier but pour le club du Pirée. Lui, BiBi sait où il jouait avant : à l’Atletico Bilbao.
15. BiBi se rend compte qu’il a vécu huit jours sans écouter le Petit Nikos. De retour sur ses terres, BiBi aimerait bien que Nikos et Darcos, Karlita et Cocasse Rachida aillent à leur tour… se faire voir un peu chez les Grecs. Comme ça, BiBi aurait l’impression (seizième et dernière) que ses vacances peuvent continuer.

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