Cuba : Lectures, journaux & poésie (2).

BiBi ouvre un des numéros de Granma, quotidien officiel du Parti Communiste Cubain. Il y lira des articles sur les élections de délégués aux Assemblées municipales (candidats : 34,30% de femmes, 19,27 de jeunes), sur la nouvelle loi pour l’Émigration (14 octobre). Mais c’est une lettre de lecteur sur les bustes de José Marti qui attira son attention. Les pensées-BiBi le portèrent à s’arrêter sur la lecture et les lectures des Cubains.

Voila une lettre de lecteur cubain parue dans un numéro de Granma, quotidien du Parti Communiste cubain vendu par des militants plutôt âgés (la plupart reçoivent une petite, très petite rémunération qui dépend du nombre de numéros vendus). Le journal coûte 0,20 peso. Dans celui du 19 octobre, un certain JR Pulido écrit au journal au sujet des bustes (très nombreux dans les villes et les quartiers) de José Marti, figure légendaire. José Marti est à la fois un homme de lettres (son livre La Edad de Oro est le second livre lu en primaire après… Le Principito d’Antoine de Saint-Exupéry), c’est un rebelle, un révolutionnaire de la seconde moitié du dix-neuvième siècle, créateur du Parti révolutionnaire cubain.

Les castristes l’ont pris sous leurs ailes et dans tous les endroits, il est associé aux autres figures charismatiques que sont Fidel Castro et le Che.

Mais revenons à notre lecteur de Granma (officiellement, ce quotidien aurait un tirage de 300.000 exemplaires). Il stigmatise l’irrespect de certains cubains pour les bustes de José Marti situés dans les centre-ville. Irrespect avec nez cassés, gribouillis et graffitis sur la pierre, irrespect des bustes non nettoyés etc. Il demande donc que, dorénavant, chaque ville puisse exposer un buste mais à la condition express que cela soit accompagné d’activités de type «patriotique et culturel». Le lecteur exige qu’on limite le nombre de bustes du grand révolutionnaire si les Municipalités ne prennent pas un engagement fort comme par exemple organiser des actions autour du buste avec probablement des visites scolaires, des commémorations officielles, des lectures de ses poèmes et de ses œuvres etc.

Comment interpréter ces demandes ? Peut-être faut-il y voir un dédain ou un j’men foutisme des jeunes générations envers ces hommages appuyés et certainement pompeux ? Peut-être aussi que ces dégradations sont importantes parce que les Pères fondateurs de la Patrie ne font plus recette ? Qu’un certain esprit révolutionnaire né en 1955-1960 s’est quelque peu perdu ?

Sur les jeunes générations cubaines, un autre exemple (qui n’est évidemment pas preuve absolue) : à mon arrivée le 9 octobre, c’est moi qui apprend au chauffeur de taxi (la trentaine) que 45 ans plus tôt, ce fut ce même jour que le Che fut assassiné. Le conducteur rit de bon cœur devant son oubli ? Son ignorance ?

Il est difficile de trouver les journaux. Je n’ai pas vu de Maison de la Presse. A Cienfuegos, je trouve Granma sur le Bulvar, rue piétonne, au siège du Parti Communiste (PCC) où l’on me donne gracieusement les journaux de la ville et ceux de la Sierra. On y ajoute un trimestriel satirique («La Picua» qui veut dire Pic-Vert et/ou Prostituée). Dans le tas, j’y repère un long article de Pedro Almodovar sur la chanteuse Chavela Vargas, décédée à 93 ans.

Les cubains lisent. Ils aiment les livres. Bien entendu, ils ne lisent pas de tout et surtout, tout n’est pas permis, tout n’est pas publié. On trouve des librairies en nombre et surtout des bibliothèques ouvertes dans toutes les villes et villages (photo : celle de Santa Clara). Sur les marchés des villages, il n’est pas rare de voir un ou deux éventaires de livres. A La Havane, dans la Casa du poète Alejo Carpentier (qui connut la France et ses écrivains du vingtième siècle, Robert Desnos, Artaud, Michel Leiris), surprise ! Je reconnais Georges Bataille lui serrant la main. (Photo).

Au Café Europa, P. ouvrier-soudeur dans le plastique est de passage à Santa Clara. Il distribue des stickers pour une fête du lendemain où on pourra entendre des chansons des années 60 (période cubaine). Il s’assoit, boit plusieurs Buccaneros et me récite des poèmes de Marti, des passages poétiques de Nicolas Guillén sans s’arrêter.

Enfin notons qu’à l’inverse de nombreux pays d’Amérique latine et centrale (et ce n’est pas rien), Cuba a un taux d’alphabétisation inégalé : 95 %. (Je reviendrais d’ailleurs sur l’apprentissage et l’école cubaine dans un prochain billet).

A suivre.

3 Responses to Cuba : Lectures, journaux & poésie (2).

  1. Un partageux dit :

    L’alphabétisation en Amérique latine. Avec Cuba, exemplaire mais déjà ancien dans l’exemplarité, il faudrait ajouter le Nicaragua où c’était, avec la santé, l’un des plus grands efforts des Sandinistes. Et plus récemment encore le Vénézuela. C’est du reste intéressant vu d’Europe de constater qu’alphabétisation et politique de santé ont toujours été en amérique latine les postes distinguant la gauche de la fausse gôche et vraie droite…

  2. BiBi dit :

    @partageux

    C’est marrant : on ne relève plus ce taux d’alphabétisation – comme si c’était naturel et banal. Et on ne classe jamais cette réussite comme un Droit de l’Homme (et de l’enfant) défendu et consolidé par la Révolution. Dans mon voyage, j’ai rencontré des gens cultivés et pas que dans les quartiers dits « riches ». (A lire mes rencontres dans un prochain billet).

    Les écoles ne sont pas toujours visibles mais les écoliers, si. Ils portent des uniformes différents ( shorts, pantalons, chemises de différentes couleurs selon le niveau d’études). Même dans les coins les plus reculés, un écolier n’a pas à faire trente kilomètres pour y aller. Partout, on voit des cars scolaires jaunes – déglingués bien sur – avec « écoliers » en français ! (Là aussi attendre-bis un prochain bibillet 🙂 )

    Sur la santé, les dispensaires (Policlinicos) sont eux aussi nombreux et la Santé est reconnue comme une chose positive – même par les gens qui ne sont pas contents de la politique de Raul. Une jeune allemande s’était blessée et fut soignée (points de suture, journée et nuit allongée) : elle est sortie sans même débourser un CUC.

  3. À comparer d’ailleurs au fort analphabétisme en République Dominicaine

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