Football : une Coupe du Monde toute propre ?

 Coupe-Du-Monde

 

Ah le football ! Le football ! Parler de football ? Ben oui, parlons-en.

Je sais au fond que parler de football, avec passion, n’a que peu à voir avec le football. C’est qu’il s’agit moins de parler du jeu, des matches, des équipes qu’on soutient que de son propre rapport au Monde, de son être-au-Monde.

Derrière la vision d’un match, il y a vous, votre être profond, vos amours portées au pinacle, vos haines rentrées ou exhalées… le tout se jouant à travers les travers de toute une société mondialisée.

Une société mondialisée certes mais divisée en interne : chauvinisme, nationalisme, contentieux politiques, historiques mais aussi affinités. Par exemple les liens entre la France et le Brésil.

C’est une idée acceptée (un tantinet suffisante) que le football offensif reste l’apanage des deux équipes les plus poétiques au Monde, porteuses de la Beauté et de l’Indicible : le Brésil et son frère jumeau, la France (avec son jeu à la française  pourtant disparu depuis longtemps). Tout cela commença avec ce France-Brésil 1958 et le jeune Pelé (né dans cette même Coupe du Monde), idolâtré à Paris comme à Rio, puis se poursuivit avec le France-Brésil 1986 au Mexique et la finale 1998. Rajoutons qu’aujourd’hui, l’association des Brésiliens avec les Frenchies continue avec la filière Do Brasil du PSG, association chic de la Poésie football et du Luxe français (parisien).

Mais il y a cette Coupe du Monde Brésil 2014.

FIFA

 

Un échange twitter avec André Rougier @perceval45 fut l’occasion de briser un peu ces jolis rêves. Des rêves nourris par la passion indécrottable de regarder les matches (à la TV bien sur) et par l’enthousiasme que le Jeu génère. Parfois, nous voilà détachés et indifférents, mais inexplicablement, dans la minute qui suit, on repique à la chose, on se replonge à nouveau, fébriles, attentifs, dans le cœur du match (télévisé). Les commentaires passionnés, la foule qui gronde, la gloire de l’anonyme repéré par les caméras TV, les feux des projecteurs, l’implicite savoir que toi et moi, nous partageons notre regard avec la Planète toute entière nous fait plaisir, voire nous fait jouir.

Ah ce moment où le rêve cesse et où le Réel casse notre beau jouet, où apparaît le terrible constat qu’«ils nous ont volé le football». Nous voilà soudainement amers, désabusés, sombres et lucides. Nous voilà à rebours de la pulsion intime et bienfaisante de faire lien, d’être ensemble, à rebours de la pulsion qui cherche l’humain par-delà les barrières sociales, politiques, idéologiques.

Rêve impossible que de trouver cette Réconciliation totale. Impossible mais quand-même dirait un psychanalyste.

FAKIR ROBERT

 

Présence donc du Sujet divisé devant son récepteur.

D’un côté, j’admire. Bravo à Super-Neymar déconcertant de facilité pour marquer contre le Cameroun. Mais la Conscience Pinocchio armé de son parapluie très pointu, armé du livre de Declan Hill («Comment truquer un match?») me revient en mauvaise mémoire et commence à me tarauder. Bien trop facile le Neymar, peu surveillé, qui dribble avec tant d’aisance. Trop, trop facile. Et hop, hop, bizarre quand-même le plongeon du gardien alors que Neymar tire au milieu des buts. Bizarre aussi le fait qu’à peine le Mexique recollant à égalité au Brésil – via le goal average – voilà le Brésil qui marque aussitôt avec une passe grossière de l’arrière camerounais à l’adversaire, passe qui amène aussitôt un but décisif.

Alors arrive de plein fouet la lecture des livres de Declan Hill, de Jérôme Jessel et Patrick Mendelewitsch, du dernier petit livre de Fakir, de Denis Robert sur l’organisation du football, sport-maître dans la mondialisation, fer de lance du néo-libéralisme.

Declan Hill

Contrairement à ce que beaucoup trop de monde croit, il faut éviter trois écueils dans l’analyse :

1. La théorie du Complot qui ferait de la FIFA (pourtant très souvent gangrénée) le Grand Organisateur de cette Farce. La FIFA est elle aussi porteuse d’aspirations contradictoires. Elle doit tenir compte de la volonté de voir un sport assaini financièrement, de combattre le dopage( Lire : Jean-Pierre De Mondenard. Dopage dans le football. La loi du silence. Jean-Claude Gawsewitch), de parer à la puissance des agents mais – efforts ou pas – elle reste partie prenante du Cirque. Sur le dopage, Blatter a refusé les contrôles des joueurs hors-saison. Sur les questions posées à Platini lors de l’émission Cash Investigation, notre bon Michel a aussitôt perdu sa bonne humeur. Dans cette même émission, je ne reviendrais pas sur l’ahurissant silence de Noël Le Graet sur le rôle des Agents. Pour ça, il vaut mieux lire mes billets ici même.

Reste que dans cette économie «sportive » néo-libérale, tout est difficilement prouvable. Le silence sur cette organisation économique et souterraine du football est difficile à percer. Qui aurait la volonté d’enquêter là-dessus se verrait aussitôt isolé, banni et rapidement impuissant.

Extrait :

Declan Hill

2. Les trucages d’un match de foot  (à haut niveau ou pas) se font via les coursiers, bookmakers locaux, représentants régionaux,  et dépendent directement des mafias avec complicités policières (asiatiques mais pas seulement ?). Les sommes engagées et les plus-values sont colossales. Declan Hill a écrit que lors de la Coupe du Monde 2006, il connaissait les résultats de trois matches avant que la rencontre n’ait eu lieu. Il parle longuement du Ghana et des joueurs de cette équipe approchés en vue de truquer les rencontres. Aujourd’hui, la presse fait état de bagarres dans le groupe ghanéen, d’expulsions de deux footballeurs et réduit cela à presque rien. Allez, hop, on passe à autre chose. Des broutilles.

3. Enfin, il faut bien se mettre une chose dans la tête (difficile à chaque fois de l’imaginer) : on ne parie (truque) pas uniquement sur le résultat du match ou sur le résultat d’un match au sommet. Les paris clandestins peuvent porter sur l’équipe gagnante, le score, la minute du premier but, du dernier, le score à la mi-temps, le premier carton jaune, rouge, le nombre de cartons dans un match, quand sera marqué le dernier but, l’écart à la fin du match, combien de hors-jeu, de corners, le premier remplacement et – rions un peu – sur la hauteur du gazon etc.

Sepp-Blatter

 Alors imaginons ces possibles (mais bien sur, BiBi plaisante) :

–        Au premier match, un arbitre japonais siffle un penalty imaginaire pour le Brésil. C’est que la qualification ne doit pas être laissée au hasard, compte tenu des intérêts politiques et économiques.

–        On s’arrange pour ouvrir le football à l’immense marché américain (plus de 40 millions ont suivi Allemagne-USA). Les communicants soufflent à Obama de féliciter l’équipe en parlant à tort de groupe de la Mort 🙂

–        Peut-être que le dopage a été privilégié pour les championnats nationaux et la Champion’s League ? Ceci  expliquerait les éliminations des grandes équipes aux joueurs fatigués (Angleterre, Italie, Allemagne).

–        A quelle minute du match Cristiano Ronaldo marquera son but ? 90ème durant Portugal-Ghana. Beau thème pour pari clandestin.

–        L’extraordinaire condition physique des petites équipes : ça cavale, ça tacle de partout pendant 90 minutes.

Actes

Et pendant tous ce mois, regard rivé aux écrans, des parieurs parient innocemment, avec passion, dans un théâtre mondial qui conjugue jeux d’argent et jeu du football. Et sur vos écrans, vous lisez des billets de blogueurs fous de foot qui trépignent, grincent des dents, se rongent les ongles, se lèvent en hurlant et … se congratulent tous ensemble, tous ensemble, ouais !

6 Responses to Football : une Coupe du Monde toute propre ?

  1. jeannedau dit :

    Où est le temps ou les gamins jouaient pour le plaisir passaient les âges et arrivaient chez « les grands », heureux s’il gagnaient pour eux, l’équipe, le village.
    Ils progressaient et à leur tours donnaient a ceux qui arrivaient…

    Maintenant on remarque un gamin, on le suit le prend et le relâche s’il ne tient pas ses promesses combien de déchet…

    Le fric a remplacé le seul plaisir.

    Le froot a remplacé le foot.

  2. BiBi dit :

    @jeanne
    J’ai connu les deux époques mais nulle nostalgie. Les Temps changent. En pire évidemment.
    Mais ce jeu reste une merveilleuse invention humaine, un super espace transitionnel, une poche d’humanité même si ce sport est squatté, saccagé par la Finance.

    Sur les gamins, oui, on les presse, les pressurise. On va jusqu’en Afrique les chercher puis les jeter, les rejeter.
    L’Empire néo-libéral étend ses tentacules partout mais pas sur que le plaisir soit définitivement enterré.

    J’ai été joueur et je le reste.
    Et optimiste je le suis. Je le reste mais – hélas – de plus en plus inquiet.

  3. jeannedau dit :

    D’accord avec toi Bibi.

  4. lediazec dit :

    Taing, j’aime le foot, le beau, le noble, le sublime. Mais comme tu dis, on parle foot ou capitalisme cannibale ?
    J’aime toujours le premier… Et je n’ai pas honte de le proclame, Ô Bonne mère ! Eh, oui, j’ai toujours supporté l’OM !

  5. BiBi dit :

    @lediazec
    J’aime le jeu, le plaisir des yeux.
    Et comprendre secondairement les raisons de mon plaisir.
    Je suis toujours incapable d’être supporter. Même si j’ai vécu l’épopée verte en live ( les Verts contre Kiev, Eindhoven, Split), les exploits du duo lyonnais Chiesa-Lacombe.
    Pour le reste : le PSG façon Valdo-Weah-Ginola-Raï et… l’OM mais l’OM lointain, façon Skoblar- (et le fantasque, le génial) Magnusson.
    Plus près de moi, certaines parties du Barça et d’Arsenal.
    Mais des matches qui soulèvent l’enthousiasme et construit des souvenirs, ben j’ai du mal à trouver même si certaines phases dans certaines parties sont belles à voir.

  6. Robert Spire dit :

    « SPORT*INDIGEST » comme slogan serait plus adéquat.

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