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Sur Les Glières 1944-1968, un roman noir… très politique.

Après son Prix du Bourbonnais 2022 pour sa fiction historique « La Guerre N’Oublie Personne » (avec le Vichy 1940-41 en toile de fond), après son roman social 2023 (« Mi fugue mi Raison »), voilà qu’en cette année 2024, Madani ALIOUA fait un retour à ses premières amours : le polar, le roman noir. Il nous présente ici sa fiction à haute teneur politique « So Long Marianne (Les Glières 1944-1968) ».

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Pensez BiBi : Dans ta quatrième de couverture, ton livre est qualifié de «polar politique » ? Pourquoi cette insistance sur le « politique » ?

Madani ALIOUA : Parce que… (Rires), le Politique est à la mode dans les fictions ! Ce matin, par exemple, j’apprends par la radio qu’Edouard Philippe a écrit un scénario pour une série politique qui passera à France 2. Telerama, lui, a fait sa Une hebdomadaire en titrant que « les Séries TV collent au plus près de la réalité politique ». Marlène Schiappa est embauchée par Bolloré pour confectionner sa propre comédie politique. Le « politique » est certes accepté, promu en tête de gondole mais seulement quand il se pare d’habits très consensuels. Lorsque ce sont des fictions à humeur plus politisée, avec couleur rouge dominante, tout change. Les Instances de promotion freinent, mettent alors la pédale douce. Mon avant-dernier livre (1), prix du Bourbonnais 2022, rare fiction à se dérouler dans Vichy, Capitale de l’Etat français, (période Pétain-Laval-Darlan) n’a pas vraiment interessé les journalistes, les professeurs d’Histoire. Jusqu’aux écrivain(e)s car ces dernièr(e)s préfèrent situer leurs fictions plutôt dans le Paris occupé. Mais heureusement, j’ai de fidèles lecteurs et lectrices, des citoyen(ne)s curieux qui gardent la pêche.

Pensez BiBi : C’est vrai que la fiction politique rencontre un grand succès mais on est toujours un peu dubitatif devant ces révélations sur les Puissants de ce Monde car les trames fictionnelles sont plutôt construites via le prisme de la Psychologie, du Comportementalisme, de l’Individualisme non ?

MA : Dans les fictions TV-Bolloré-CanalPlus, on entretient le suspense de jolie façon mais au fond, que veulent-elles nous dire ? C’est simple : dans ce nouveau Siècle, dans la période du Capitalisme délirant qui couvre les premières décennies de notre XXIème siècle, il faut raconter des histoires encore et toujours. Le Politique aussi a un besoin vital de storytelling, de cet art de raconter des histoires. Ces fictions en série ne sont pas là uniquement pour divertir. Pour se maintenir, les puissants, maîtres des fictions politico-médiatiques, ont besoin en permanence d’un horizon narratif pour justifier et imposer leurs mesures. Les médias, tenus par le grand patronat, sont les dispensateurs en continu de ces storytelling. Ils sont les voix porteuses de l’Histoire officielle via les thèmes de la Mort, de la Manipulation et du Mensonge. Trois fils rouges à la base de tout roman noir. Les médias l’ont bien compris : sans une bonne histoire, sans un bon fait divers, il n’y a ni pouvoir, ni gloire, ni audimat, ni, surtout, maintien de l’Ordre établi !

Pensez BiBi : Tu as des exemples de storytelling ?

MA : En voilà un de taille : Macron présenté comme un homme neuf en 2017, ni de droite ni de gauche. Autre pilonnage mensonger : la luttes de classes, c’est ringard. En corrélation avec les deux premiers cités : le RN présenterait un nouveau visage, désormais compatible avec la République. Et la pire des fictions, celle de l’immigré, de l’étranger (et, avec lui, tout opposant), qui seraient des délinquants. Dernière nouveauté : ils seraient aussi antisémites. D’autres générateurs de storytelling : le fait divers ou les scandales des Affaires. Une affaire succède à une autre et le Pouvoir en joue jusqu’à nous en saturer. Ce qui est visé c’est de nous empêcher de penser le Présent et ses tendances. Le but reste de nous persuader que nous vivons dans un monde qui ne peut pas changer et qu’il ne faut pas changer. L’imposition idéologique du There Is No Alternative laisse le lecteur et télespectateur sidérés, inertes, cloués au fauteuil. C’est ça la roublardise quotidienne du Système.

Pensez BiBi : Venons-en à ton roman noir. Toi aussi, tu as faim de fictions ! Comme pour ta précédente sur Vichy 1940-41, tu y inclus des faits historiques avérés. Peux-tu nous résumer les principaux qui courent dans ton livre ?

M.A. : Il y a bien sûr l’épisode de l’attaque du Maquis des Glières en mars 1944 sur lequel je reviendrais. Je parle de la filière Odessa qui permit aux nazis et collaborateurs français de fuir impunément en Argentine. Je dresse aussi, en arrière-fond, un inventaire de ce qui se passa en mai 68 dans les pays d’où sont originaires mes cinq personnages principaux : l’Argentine, l’Italie, l’Allemagne (Berlin Ouest et Est), la Suisse (ses banques, sa Croix-Rouge) et enfin la France (usine Renault à Billancourt et Thorens-Glières). Je suis né politiquement en 1968, entre ruralité et moyenne urbanité.

Pensez BiBi : Ton sous-titre est « Les Glières 1944-1968 ».

M.A. : Personnellement, j’ai toujours eu envie de m’attarder en fiction sur l’épisode tragique des Glières et sur cette terrible répression contre les maquisards, une opération menée conjointement par la Wehrmacht et la Milice. Je me rends régulièrement au Rassemblement annuel des Glières depuis 2011 (où – si je me souviens bien – se trouvaient Stéphane Hessel, François Ruffin, Frédéric Lordon). J’avais surtout envie de construire une histoire qui se tienne à distance des calomnies historiques très réactionnaires sur ces combats où l’on veut ignorer les adversaires (nazis allemands et fascistes français de la Milice). Mon intérêt avait commencé avec le film de Gilles Perret sur « Walter Bassan en résistance » et avec l’obscénité du comportement de Sarkozy venu parader aux Glières tout de suite après son élection 2007. Il n’avait eu alors que de faire partager au public qui se recueillait sa… nouvelle compagne d’alors (Carla Bruni) !

Pensez BiBi : Un mot sur tes personnages.

M.A : Trois d’entre eux se sont donnés rendez-vous à Thorens-Glières vingt années après 1948. A cette date de 48, ils étaient à Gênes et deux d’entre eux s’embarquaient en catimini pour Buenos Aires.

En mai 1968, Jean De Vaginay (son vrai nom était Jean de Vaugelas), exilé à Bariloche (Argentine) est de retour à Thorens-Glières. Il y était responsable de la milice de Haute-Savoie et de la répression terrible de fin mars 44 contre les maquisards du Plateau. Nommé ensuite à la franc-garde de la région de Limoges, il fut décoré par Laval en juillet 1944. Un «personnage» qui a réllement existé.

Gino Monti Constanzo, lui, est un prélat du Vatican qui a aidé les vaincus de 1944 à partir pour l’Argentine. Le personnage est fictif mais l’aide du Vatican a été réelle, indiscutable.

Albert Jewee, chef de la Wehrmacht, présent aussi à Gênes, a finalement opté pour un retour tranquilou à Berlin post-1945, choix personnel préférable à un exil argentin. Il y a récupéré son poste de professeur, s’est inscrit au Zentrum. Ce Jeewe fut vraiment le chef du Greko, la Gestapo installée à Annecy en 1944. Très « actif » et dépendant des chefs nazis de Lyon et Paris.

Enfin, lien incontournable, ce banquier genevois, Hans Kastl, venu les rencontrer à Thorens, a navigué entre les banques argentines, US (JP Morgan) et suisses. Que viennent-ils faire ensemble à l’hôtel du Parmelan de Thorens-Glières vingt années après 1948 ? Quels liens les unissent ? Quels sont les raisons de leur retour à Thorens ? Pour le savoir, il faudra lire ma fiction (Rires).

Pensez BiBi : Dans tes personnages, il y a aussi ce trio.

M.A : Julien Farge vingt-deux ans, chômeur, prolo descendu de Billancourt, vient aider sa tante Gisèle, tenante de l’hôtel Parmelan de Thorens-Glières. Son idée fixe ? Ecrire. C’est le seul de mes personnages qui parle à la première personne. Peut-être parce que j’en suis le plus proche. Marianne Jeewe, elle, est tout juste arrivée d’une Allemagne encore nazifiée avec son Chancelier Kiesinger au passé hitlérien. Il y a enfin Roger Andrieu, le retraité, ancien chauffeur de car de la ligne Thorens Annecy. Tous ces personnages se croisent à Thorens et logent à l’hôtel Parmelan qui a vraiment existé puisqu’en 1944, il était le siège de la Milice. Nous sommes en mai 68 : l’hôtel existait encore mais aujourd’hui, il a été transformé depuis en appartements.

Pensez Bibi : « So Long, Marianne ». Tu peux nous expliquer ton titre ?

M.A. : Nous sommes en avril-mai 68 et les chansons d’un chanteur canadien inconnu viennent aux oreilles de mes personnages via le transistor. Cet inconnu s’appelle Léonard Cohen. L’émission du soir « Campus » d’Europe 1, animé par Michel Lancelot, passe son premier album en boucle avec ces deux chansons « Suzanne » et « So Long, Marianne« . Cette voix grave, éraillée, lancinante, cette nudité musicale furent autant de chocs pour moi qui n’écoutais alors que du rock. Son premier 33 tours, qui m’est toujours une relique, m’avait touché au cœur. Le titre de ma fiction est donc un hommage. J’insère d’ailleurs quelques-unes de ses paroles pour rythmer et soutenir mon texte. Enfin, le prénom de Marianne, figure emblématique de la France, prénom donné par un Allemand à mon héroïne, n’est pas un élément anodin.

Pensez BiBi : Tu nous a expliqué qu’il y a un va-et-vient, un entre-deux mouvant entre Fiction et Réel quand il s’agit de tes personnages. Comment as-tu préparé ta fiction et quelles sont les formes que tu as choisies pour construire ton histoire ?

M.A. : Autant sur Les Glières que pour mon livre précédent sur Vichy 1940-41, j’ai été sidéré du silence fictionnel autour de ces événements, de cette répression. Dans mes travaux de recherche sur les Glières, je me suis appuyé sur des livres d’Histoire, jamais sur des romans. Et pour cause : ils n’existent pas. Quant à mon choix littéraire, il a été de trouver des formes nouvelles, différentes à chaque fois : sur Vichy, j’avais opté pour le journal intime qui se dédoublait en intrigue. Ici, j’ai choisi le puzzle avec une attention sur un personnage / un chapitre. Julien Farge restant le seul à parler à la première personne. J’espère aussi que la forme choisie pour le dénouement sera perçue comme « originale ». Mes livres sont des tentatives d’écriture. J’essaye, je tente, en espérant – à chaque livre – me bonifier. (2) Dans mon livre, Julien a cette réponse à Roger Andrieu que je reprends à mon compte.

Roger : – Et toi, mon garçon, c’est quoi ton style ? 

Julien : –  Style peu original. Dans la vie diurne, doux comme un agneau mais, en écriture de nuit, boucher de Chicago et vraie teigne. Enfin, j’essaye.

Pensezbibi : Donc, un essai de vraie teigne que les habituelles Instances de consécration continueront probablement à ignorer mais heureusement, il y a les lecteurs et lectrices du blog, les 8300 abonné(e)s du compte Twitter (@pensezbibi) et tous les Citoyen(ne)s inquiet(e)s de voir monter l’extrême-droite. Ceux-là, celles-ci continueront de te soutenir.

M.A. : Je ne jouerai pas au faux-modeste en laissant croire, en pseudo-désintéressé, que l’importance du nombre de lecteurs ne compte pas mais – a contrario – dans mes fictions, je ne choisis pas de leur dérouler le tapis rouge. Rien d’une séduction à tout prix mais un clin d’œil de connivence et de solidarité, avec cet exergue léniniste : « Prendre un livre, c’est prendre une arme ».

(1) Edité chez L’Harmattan, « La Guerre N’Oublie Personne – Vichy 1940-41 » a obtenu le Prix du Bourbonnais 2022. Ici entretien avec l’auteur en deux billets.

(2) Le roman noir « So Long, Marianne » peut se commander dans toutes les librairies de France. La fiche auteur est visible sur le site de L’Harmattan (ici) avec, pour un avant-goût de votre future lecture :-), les 10 premières pages en extrait.

VOUS CASSEZ PAS LA TÊTE, ILS NE VOUS REPONDRONT PAS.

Nathalie Loiseau.

Notre députée européenne LREM, prête à ouvrir les hostilités contre nos ami(e)s suisses, est sollicitée tous les jours sur les réseaux sociaux par la lanceuse d’alerte Françoise Nicolas et ses soutiens. Madame Loiseau fait la sourde oreille. Rappelons qu’elle fait toujours l’autruche sur cette tentative d’assassinat de l’attachée de l’Ambassade française au Bénin qui avait dénoncé des malversations financières. On a beau crier « Ohé ohé ! », Nathalie Loiseau ne répondra pas.

Sibyle Veil.

Directrice de Radio France, elle déposa un tweet célébrant Nathalie Loiseau en pleine campagne européenne la qualifiant de « femme d’exception ». Pas besoin d’en appeler à une explication, elle ne répondra pas.

Fabienne Sintès.

Journaliste à France Inter, elle se permit de déposer un tweet sur la lancée du mensonge de Castaner qui avait voulu nous faire croire que les gilets jaunes s’en étaient pris à l’hôpital de la Salpêtrière. Sans vérification aucune et avec une célérité incroyable, Fabienne Sintès se transforma illico en haut-parleur de la place Beauvau. Sur cette grave faute professionnelle, on n’attendra aucun retour. Fabienne ne répondra pas.

Claude Malhuret.

Le type a insulté les gilets jaunes en continu, a traité Mélenchon (qui justement parlait alors de deuxième vague Covid) de « médecin de La Havane ». L’ex-Maire de Vichy a été directeur du développement éthique (ne riez pas, c’est vrai) dans la chaîne des maisons de retraite Korian. Après Orpéa, cette chaine est le second groupe privé visé par une procédure collective. On attend avec impatience le bagout de Mr Malhuret pour nous expliquer l’éthique dans son ancienne Maison. Ohé ohé ! Mais ce Claude ne répondra pas.

Gérard Darmon.

Il a attaqué Mediapart et Edwy Plenel avec de curieux arguments. On s’étonnera de cette hargne soudaine. Mais une des raisons cachées – raisons que Gérard, notre éminent acteur, ne révèlera pas – reste qu’il est très ami avec Dupont Moretti. Et Ô surprise, en ce moment, ce même Dupont est pisté par les enquêteurs… de Médiapart et mis en examen par leurs révélations. Pas de doute, notre bon Gérard qui mérite bien de garder sa place chez les Enfoirés, ne répondra pas.

France Info

Bulletin sur bulletin empreint de chauvinisme, France Info nous cause encore et encore des Français et des Françaises aux Jeux Olympiques en Chine. On remarquera que, sur la Chine, les journalistes de la radio ne cessent de relever ses manquements à la démocratie mais curieusement ils ont mis la pédale douce pendant la période de ces Jeux. Chuttt… Faut attendre la fin des épreuves ! Faut surtout pas parler des Jeux en négatif. C’est que Paris 2024 nous attend. Et que France Info en sera un partenaire très tendance.

Histoire.

On republie le livre de Hans Erich Nossack (« L’effondrement ») , témoin privilégié de cette Opération Gomorrhe (24 juillet 1943 / 3 août 1943) qui marqua le terrible bombardement allié de la ville de Hambourg (1). Mais ce que peu d’historiens soulignent c’est que – contrairement au tissu urbain et humain bombardé – le potentiel économique de l’Allemagne fut largement épargné. Cette stratégie des Anglais et (surtout) des Américains  a été de tout faire pour préserver les sites des industries lourdes et vitales appartenant aux grands patrons allemands. Les grands Konzerns purent ainsi continuer leur boulot après-guerre sans être inquiétés (2). Rajoutons aussi que, bien que très informés sur les camps d’extermination, les Alliés n’ont eu cure de bombarder les voies ferrées qui permettaient aux convois de déportés d’arriver à bon port. Et ce, jusqu’aux derniers jours de la guerre.

Apolline de Malherbe (BFMTV)

La « grande journaliste » interviewant Balkany n’a pas percuté que les micros étaient encore ouverts lorsqu’elle se mit à le tutoyer, lui demandant aimablement et très gentiment s’il voulait arrêter l’entretien. Bien entendu, nul besoin de demander le pourquoi de cette si grande proximité avec un tel truand. La journaleuse de BFMTV ne répondra pas.

Ivan Rioufol du Figaro.

Pour ce toutou du système, aimable agité du paysage Audiovisuel, le ghetto de Varsovie ne fut pas « D’ABORD » un lieu de mise à mort des juifs polonais mais un banal lieu hygéniste. Rappelons aux crétins qui le défendent que le ghetto fut d’abord un lieu pour regrouper, pour enfermer, pour humilier, pour affamer et pour tuer. Rien à voir avec une politique de prévention. Ces nazis n’étaient pas de gentils soignants, soucieux de la santé de leurs camarades juifs. BiBi n’attendra évidemment aucune réponse de ces négationnistes : il ne débat pas avec des fachos.

Xavier Niel.

Fatigué de devoir demander des explications, je m’abstiendrais de solliciter une réponse de la part des journalistes du Monde sur ce RDV récent et très mondain entre le si bien elevé directeur actionnaire n°1 Xavier Niel et Mesdames Renaud et Macron. Donc je n’embêterai ni William Audureau, ni Luc Bronner, ni Françoise Fressoz, ni Ariane Chemin, ni Raphaëlle De Bacqué pour pondre un article sur les liens de leur Boss avec Mme Macron, sur les liens de cette dernière avec Delphine Arnault, fifille de Bernard et… compagne de Xav’. De toutes façons, qu’auraient-ils donc à répondre ?

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(1) Sur le bombardement de Hambourg, voir l’entretien que je mis en vidéo avec le déporté André Loiseau qui passa son temps de guerre à Hambourg et qui y connut l’enfer de ces 4 jours de bombardement ininterrompu.

(2) « Près de 50% du potentiel de la sidérurgie resta intact. Entre 80 et 85% pour celui de la mécanique et de la chimie » Source : Alfred Wahl. La Seconde Histoire du Nazisme. Armand Colin.

« Vichy »… encore et toujours.

C’est la venue en grande pompe de notre Président qui remet la ville de Vichy à l’honneur. Un Président qui déclare qu’il ne faut pas « manipuler, agiter, revoir » l’Histoire… Or que fait-il d’autre lorsqu’il présente un Maréchal Pétain reconstruit par l’extrême-droite en seul vainqueur de Verdun, lorsqu’il se tait – comme Zemmour et ses nervis – sur les fusillés des mutineries 1917 sur ordre de Pétain ? Bê oui, il manipule, il agite, il revoit et fabrique un récit national qui sent très mauvais. Demandons-nous ici au nom de quoi un chef d’Etat décrète et veut imposer à la recherche historique de ne pas être « revue » (poursuivie) ?

On rappellera ici plusieurs choses :

1.    La première des choses – et pas des moindres – c’est que Macron voulait légitimer Pétain (et commémorer le fasciste Maurras). Ici l’info et le titre du Figaro.

Un Pétain dont justement l’Histoire revoit son héroïsme de la première guerre mondiale…

2.  La seconde chose concerne cette idée que seuls 80 parlementaires s’opposèrent à Pétain ce 10 juillet 1940. Un professeur d’Histoire (un certain Ianis Roder) déclare même sur France Info que ce jour-là, Pétain avait « réuni TOUS les Parlementaires pour demander le vote des pleins pouvoirs ». Non, ils n’y étaient pas TOUS. Dans le salut de Macron d’hier, il y a une demi-vérité mais surtout un complet mensonge. Cette cérémonie d’hommage se fonde sur des omissions importantes – et pour cause. 

  • 1. Beaucoup de députés ne furent pas là en raison de la désorganisation de la France occupée. 
  • 2. Ces louanges sur les 80 parlementaires permettent de taire les causes de l’absence des députés communistes. Ces derniers furent interdits par décret-lois de début janvier 1940 du « socialiste » Daladier, celui-là même qui partit à Munich pour soi-disant défendre la Paix avec Hitler ! Ces communistes furent assignés à domicile. Ils ont été forcés à la clandestinité, ils ont été pourchassés, emprisonnés ou déportés – ce qu’on ignore hélas – dans les bagnes d’Algérie.
  • Silence aussi sur les 27 passagers qui embarquèrent sur le Massilia pour Alger car refusant l’emprise nazie.

Enfin, il faut rappeler que Laval (et derrière lui ses sbires, ses hommes de main) usa d’intimidations ce 10 juillet afin qu’une majorité approuve sa place de grand Chef. Un « 10 juillet » qui n’eut rien d’une surprise puisque préparé de longue date par les industriels, les banques, les synarques, les ligues et toute la presse antisémite et anticommuniste (principalement depuis Madrid, chez FrancoPétain, ambassadeur dès 1939, recevait ses hommes et préparait en toute tranquillité son putsch).

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VENI VIDI VICHY

Certains (à Vichy et ailleurs) en ont marre qu’on associe Vichy à l’époque de la Honte. Aucun complexe à avoir. Et pour cette simple raison que la Collaboration n’est pas une question historique locale mais indéfectiblement nationale. Il n’y a en effet pas de rapports directs entre les Vichystes (les 40.000 fonctionnaires et auxiliaires de la Collaboration venus s’installer dans la ville après la capitulation) et les Vichyssois (même si certaines familles suivirent le Maréchal). Redisons-le fermement : il n’y a aucune mesure entre les uns et les autres.

Et si les historiens parlent de « France de Vichy » il n’y a pas lieu de pleurnicher inutilement – comme le fait régulièrement le Maire de la ville. A Nuremberg, on n’a pas sorti les mouchoirs pour regretter que l’on parle des funestes « Lois de Nuremberg » de septembre 1935. Le Maire s’honorerait plutôt à défendre l’idée d’un vrai et grand Musée national pour l’époque 1940-44 (voir mon billet d’alors ici).

UN PEU D’HISTOIRE.

Et au lieu de faussement s’indigner comme lui, faisons un peu d’Histoire.

Ici un témoignage (1) d’après-guerre d’un maquisard de la montagne bourbonnaise toute proche de Vichy. Il revient sur l’année 1943. Lisez bien les dernières lignes. Elles introduisent des nuances sur la population rurale ( ici des environs de Vichy) et démontent quelques clichés sur la France qui aurait été truffée de délateurs ou encore sur la supposée léthargie des Français(es) d’alors.

PRESSE D’HIER (ET D’AUJOURD’HUI (2) ?)

Ce groupe de maquisards de Châtel-Montagne, hélas pas assez vigilant, fut trahi par un milicien malheureusement introduit dans ce groupe. La plupart des maquisards capturés furent envoyés en camps et n’en revinrent pas. Regardez comment le Progrès de l’Allier d’alors parlait de cette arrestation dans ses obscènes feuilles de chou.

Voilà qui nous mène directement à aujourd’hui, au meeting de Villepinte, aux médias de la honte. Mêmes mots, mêmes insultes sous couvert d’ »amour de la France ». Mêmes grands patrons de presse (De Wendel, Bolloré, Bernard Arnault, Pinault, Lagardère, Bouygues etc).

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Rien d’obsessionnel à continuer de revisiter, à continuer de parler de cette période brune – n’en déplaise au Président.

CONCLUSION PROVISOIRE

Si vous comprenez comment « l’Etat français », valet de l’Occupation allemande, a été construit et préparé bien avant ce 10 juillet 40 par le grand patronat (qui possédait et finançait les journaux), les banques, les ligues fascistes (issues de l’Action Française, matrice de ce fascisme),

Si vous comprenez le rôle très important de De Gaulle à Alger bataillant contre les hommes des Américains (Giraud, Weygand, Darlan, Pucheu) et l’apport décisif des gaullistes et des communistes dans la Libération,

Si vous écartez cette « vichysto-résistance » introuvable (parlons plutôt de vichysto-américains, de ceux qui voulaient se vendre à Roosevelt et Murphy), si vous comprenez la non-épuration dans la Police et la Magistrature dans l’après-guerre (Papon et Bousquet furent la règle non des exceptions)…

alors NOUS comprendrons ensemble et de façon majoritaire ce qui se cache derrière le laisser-faire de Macron et de Darmanin à propos de ces facheux fachos qui hurlent et qui s’arment.

Et…. VOUS comprendrez qu’il ne faudra pas se tromper au moment du vote 2022.

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(1) Témoignage tiré de ce livre hélas non réédité d’André Sérézat. Ce livre restitue les combats dans l’Allier. On regrettera que le livre d’Audrey Mallet se soit limité à la ville de Vichy (ce qui laisse entendre qu’il n’y eut pas de résistance FTPF dans la ville – et pour cause !) alors que les combats faisaient rage tout autour dans le département (Montluçon, Moulins, Saint-Germain des Fossés, Lapalisse, Montagne bourbonnaise, Forêt de Tronçais).On incitera le lectorat-bibi à se reporter aussi à la fiction de M.Alioua sortie récemment sur le Vichy de 1940-41.

(2) Pourquoi associer la presse d’hier à celle d’aujourd’hui ? Bah, pour trois fois rien. J’ai juste constaté que la Montagne Vichy m’avait bloqué sur son compte Twitter. Petit scandale de rien du tout de voir que, dans notre France pluraliste, un quotidien interdit à un citoyen d’accéder à ses tweets.

Histoire. Littérature. Vichy 1940-41. (2)

Après le départ de Pétain de l’hôtel du Parc,
une rue de Vichy…

Dans ce second billet, Pensez BiBi poursuit son entretien avec Madani ALIOUA pour son livre « LA GUERRE N’OUBLIE PERSONNE » qui vient de paraître aux Editions L’Harmattan. Ce livre a le Vichy 1940-41 comme toile de fond, un Vichy dont les effets se font sentir jusqu’à aujourd’hui.

La première partie de cet entretien peut se lire ici.

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Question : Ton travail n’est pas une démonstration directement politique même si on sent que ton fonds historique a été très travaillé. Tu restitues bien toute une ambiance méconnue de Vichy à travers les affres de ton personnage principal : Séraphin Barbe, ouvrier imprimeur descendu de Paris.

A gauche : les locaux du Ministère de l’Intérieur à Vichy.
A droite : Pétain et le Docteur Ménétrel, fidèle du Maréchal, antisémite et distributeur des fonds secrets

Madani Alioua : Au 17 décembre 1940, mon personnage principal, Séraphin Barbe, entreprend d’écrire au jour le jour ce journal de bord sans trop savoir pourquoi (Qu’est-ce qu’écrire ? Pour quelles raisons s’y met-on ?). Ce n’est pas un intellectuel mais il a beaucoup fréquenté les livres et leur fabrication.

Sa vie professionnelle (il a été ouvrier-imprimeur), familiale (mère décédée dans les faubourgs parisiens, frère mort en 1917), sentimentale (Hélène son Amour) sont derrière lui. A Paris, son métier, exercé dans deux imprimeries (Imprimerie Lang et imprimerie de Crimée), lui a permis de rencontrer et de critiquer férocement tout un tas d’écrivains de haut rang et de bas étage, des journalistes de l’avant-guerre qui rappellent les Zemmour et les Enthoven d’aujourd’hui. Je laisse le lecteur découvrir ce que mon héros fera de ce petit monde obscène.

Fin 38, Séraphin Barbe rejoint donc Léon son neveu à Vichy et s’installe chez lui, dans une maison limitrophe à Vichy. Léon, orphelin de père et mère, travaille aux Ambassadeurs, lieu privilégié pour des rencontres entre hauts fonctionnaires français et étrangers. Là, en oreille attentive, il recueille des informations inconnues du « grand public », infos que son oncle Séraphin consigne dans son Journal.

Question : Pour ton héros Séraphin Barbe, l’amitié est importante aussi.

M.A : Oui. Séraphin parle beaucoup de ses deux amis. Il y Paulo l’Italien (malmené par des ultras vichyssois au moment où on apprit que Mussolini s’était joint à Hitler) et Rimbe qui travaille au dispensaire de La Pergola. Cet infirmier permet de calmer les douleurs de Séraphin par les médocs qu’il y subtilise. C’est avec eux et Léon que Séraphin Barbe va se retrouver dans une histoire qui touche au cœur du gouvernement vichyste, de ses hauts fonctionnaires et de ses hommes de sang.

Question : La grande bascule de ton histoire, c’est l’apparition de ton héroïne Marie Vigan.

M.A. : Séraphin Barbe a peu d’occupations hormis celles du populo : manger, dormir, se ravitailler, se chauffer, se soigner. C’est à travers le carreau de sa fenêtre qu’il va voir passer un premier matin puis quotidiennement une inconnue, jeune femme blonde, à bicyclette. Elle se nomme Marie Vigan et travaille au Service de l’Information de Paul Marion.

A partir de là, mon histoire et son terrible quotidien (faim, froid, ravitaillement) se dédouble en se parant des attributs d’un roman noir.

Beaucoup d’interrogations vont en effet porter sur le passage quotidien de cette jeune fille et sur cette soirée du 15 août 1941, date d’une importante réunion sportive au vélodrome de Vichy.

Question : Sans dévoiler la fin de ton livre, ta postface est plutôt une bonne trouvaille. Elle vient donner une hauteur supplémentaire à ta fiction historique.

Vichy. 1er nov 1941. La « Journée du Souvenir ».

M.A. : Il fallait porter plus loin cette histoire avec un dernier témoignage. Cette postface m’autorisait à continuer de parler de notre histoire nationale et d’évoquer les effets de Vichy post-période 1945. Bien sûr, ce sera à chacun de faire des correspondances avec la période actuelle. On pourra s’arrêter par exemple sur les épisodes tragiques du Maquis du 14 juillet (né en 1942 dans la forêt de Tronçais) ou encore sur un de mes personnages s’entretenant avec le philosophe Vladimir Jankélévitch deux années après-guerre, grand philosophe qui n’hésita pas à parler des amis français du Docteur Goebbels sur le retour et qui augura entre crainte et colère, dès 1948, que demain, la Résistance devra se justifier pour avoir résisté. Quand tu disais tout à l’heure que mon livre n’était pas « directement politique », cela m’a fait penser à cette parole de Bertolt Brecht : « Dire à un homme politique : « Défense de toucher à la littérature » est ridicule. Mais dire à la littérature « Défense de toucher à la politique » est inconcevable ».

Question : Dans ton rêve à qui voudrais-tu adresser ton livre ?

Vichy.
En haut : Pétain devant l’hôtel du Parc.
En bas : Pétain et Weygand à l’hippodrome.

M.A. : Il y a le rêve de l’idéaliste qui croit qu’il écrit pour tout le monde. C’est un leurre bien sûr. Idéalement, mon livre s’adresse d’abord à ceux qui comprennent la langue française (rires) jusqu’à ce qu’il… soit traduit dans une autre langue (rires-bis) ! Il s’adresse à des profs d’histoire de classe terminale ou d’université qui aimeraient aider leurs élèveset étudiants à comprendre autrement Vichy. Dans la jeunesse d’aujourd’hui, on voit tellement d’errements dûs aux ratés d’une transmission générationnelle ! Mon livre espère être une petite lumière qui éclaire la terrible Nuit brune des années 40 en France. Il pourrait aussi toucher un lectorat habitué des intrigues de roman noir ou encore des citoyens lambda avides de réfléchir et d’en découdre avec cette période. Un lectorat d’hommes et de femmes qui aime tout simplement la littérature et l’histoire, toutes choses qui font lien avec les questions actuelles qui se posent aujourd’hui de façon si aigüe.

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Le livre peut se commander dans n’importe quelle librairie. Sur le site de L’Harmattan aussi (en version livre au prix de 14,50 euros et en version numérique à 10,99 euros). Vous pouvez même en lire… une dizaine de pages sur les 140 ici.

Histoire. Littérature. Vichy 1940-1941 (1)

On donne un coup de main à Madani ALIOUA, l’auteur de ce roman historique sans concession sur le Vichy 1940-41, un Vichy de la Collaboration très rarement mis en fiction. Un livre original, punchy, prenant et surprenant au titre de « LA GUERRE N’OUBLIE PERSONNE ». Sa publicité ne passera pas par les instances de consécration (Monde des Livres, Busnel ou Trapenard). Et c’est une chance. Pensezbibi a beaucoup aimé ce roman à l’écriture incisive. Il va s’y arrêter en s’entretenant en deux billets avec l’auteur.

Part 1. Le livre peut se commander dans n’importe quelle librairie. Sur le site de L’Harmattan aussi (en version livre au prix de 14,50 euros et en version numérique à 10,99 euros). Vous pouvez même en lire… une dizaine de pages sur les 140 ici.

Question : Une fiction avec Vichy fin 1940-1941 comme toile de fond ce n’est pas courant… 

En haut : L’Opéra où fut proclamé la fin de la IIIème République.
En bas : vue du Pont de Bellerive.

Madani Alioua : C’est vrai, j’ai trouvé peu de fictions avec le Vichy de la Collaboration en toile de fond. A part le « 1941 » de l’académicien Marc Lambron (une bleuette entre un haut fonctionnaire de l’hôtel du Parc et une beauté résistante), un Remo Forlani qui écrit sur Vichy via une version supposée rigolote (« Emile à l’Hôtel »), des souvenirs personnels de Wanda Vulliez (« Vichy la fin d’une époque »), les auteurs.trices ont déserté la ville de Vichy et ont privilégié le Paris occupé ou la campagne provinciale. On a tous lu les romans de Modiano, le Sac de Billes, croisé du Robert Sabatier, on est tous tombé sur les journaux intimes de Maurice Garçon, d’Hélène Berr ou de Léon Werth. Vichy est resté cinq ans durant la Capitale de la France mais, dans les fictions, on a très peu utilisé le cadre historique (fin 1940-1941) et géographique de cette époque. J’ai voulu modestement et orgueilleusement m’en emparer.

Question : D’où vient ton intérêt pour le Vichy politique ?

Les Ambassadeurs où travaille Léon Barbe…

M.A. : Tout a commencé en Terminale au Lycée Jean Puy de Roanne avec mon professeur d’histoire d’alors (Mr Dieudonné). Ce fut l’année de mon éveil politique. On était à l’époque de la sortie de la France de Vichy de Robert Paxton et du Chagrin et la Pitié. Puis plus tard, vint les lectures de « Déposition » de Léon Werth et de « L’étrange défaite » de Marc Bloch. Mais ce qui a compté ce fut l’énorme bouleversement qui s’opéra en moi en découvrant tous les grands livres d’Annie Lacroix-Riz sur la guerre 39-45 et sur l’avant-guerre. Ce travail de lecture et de compréhension de ce Vichy-là fut décisif pour commencer l’écriture de ce livre. Son travail imparable sur les archives m’a fait comprendre le lien qui unissait banquiers, industriels, hommes politiques, journalistes, militaires et hommes de sang.

Enfin j’ai complété mes lectures avec des ouvrages locaux sur un Vichy 40-45 (Jean Desbordes, Thierry Wirth), des livres qui portaient sur Walter Stucki l’ambassadeur de Suisse et sur la vie quotidienne de ses habitants. De plus, je me rends souvent dans l’Allier et à Vichy en particulier. J’avais déjà en tête les visuels de Vichy 1940 (l’hôtel du Parc, les Parcs, l’hippodrome, le Sporting Club, le petit train etc) et les autres repères géographiques (Bellerive-sur-Allier, Le Mayet-de-Montagne).

Question : Ton livre se déroule de la fin 1940 à la fin 1941. Pourquoi t’être arrêté à cette courte période alors que la guerre a duré beaucoup plus longtemps ?

La période couverte par la fiction de Madani Alioua (déc 40 à déc 41)

Sans dévoiler le cours de ma fiction qui se présente sous forme d’un journal intime, mon livre ne s’arrête pas à la fin de l’année 1941 puisqu’il raconte le devenir ultérieur de tous les personnages via la postface, fictionnelle elle aussi. Mais l’essentiel de ma trame, c’est vrai, se déroule sur une année. Elle part du départ de Pierre Laval au 15 décembre 1940 et s’arrête un peu après la déclaration de guerre des Etats-Unis du 11 décembre 1941. Entretemps, de très nombreux événements se passent à Vichy.

Côté maréchaliste : la Collaboration (avec l’épisode mal connu de l’école du Mayet de Montagne), l’arrivée de l’ambassadeur américain l’amiral Leahy, celle de Darlan et de son équipe, la déclaration de guerre de Hitler à Staline, le décès d’Huntziger, les tractations souterraines des synarques, les coups tordus des cagoulards de l’hôtel du Parc.

Côté quotidien des habitants : le froid, la faim, la misère, les manifestations sportives au vélodrome et à l’hippodrome comme dérivatifs, le marché noir, la chasse aux Juifs avec les deux statuts et la création du Commissariat général aux questions juives en mars 1941 (avec le féroce Xavier Vallat à sa tête).

Ce choix d’une seule année a été imposé par le genre choisi, celui du Journal intime. Je me voyais mal ennuyer le lecteur avec des péroraisons sur quatre années. Il valait mieux resserrer le travail sur une courte période pour donner de l’intensité au texte.

Le journal de bord de Séraphin Barbe touche à son intimité. Mon héros est au crépuscule de sa vie et il s’ouvre à une écriture toute personnelle. Son histoire individuelle recoupe l’histoire nationale. Personne ne peut oublier cette guerre une seule minute. Cette guerre ne laisse personne en… paix. Elle occupe tous les esprits. Voilà le drame et voilà le sens du titre : cette guerre n’oublie personne.

Question : Quelle est plus précisément l’ambiance à Vichy à cette période ?

Pétain, Darlan, Laval devant l’hôtel du Parc.

M.A. : Ambiance ? Il faut préciser. Si c’est l’ambiance dans les hautes sphères économiques, elle tourne autour de l’amiral Darlan qui s’est entouré d’hommes placés par les industriels, les banquiers, tous aidés par la haute hiérarchie catholique, les cagoulards et le service d’ordre légionnaire de Joseph Darnand (qui le transformera en Milice). Exemples : derrière le « syndicaliste » appointé par les fonds secrets René Belin, il y a Jacques Barnaud de la banque Worms, il y a Pucheu sorti de chez la banque Worms (Japy) qui s’installe à la production industrielle, il y a Lehideux de chez Renault et des tas d’autres noms hélas peu connus mais d’une importance décisive etc.

Tout ce petit monde prolonge les échanges économiques très fructueux déjà dans l’avant-guerre (avec l’Allemagne des grands trusts sidérurgico-militaires Krupp, IG Farben qui ont besoin des mines françaises de fer, de charbon, de bauxite). Beaucoup de ces hauts fonctionnaires (dès 1941) savent que les USA gagneront la guerre mais cela n’en fait pas – comme on l’a écrit – des « vichysto-résistants ». Beaucoup restent en poste à Vichy. Certains (Darlan, Pucheu et même Couve de Murville) sentant le vent tourner vont essayer de se vendre aux Américains à Alger, Américains, qui, de leur côté, aiment beaucoup Vichy (et détestent De Gaulle). Les autres fonctionnaires, restés en poste à Vichy, tous au courant des statuts des juifs et de la chasse quotidienne aux Rouges, n’en pensent pas moins. Ils continuent de servir les nazis. Les deux à la fois : voilà ce qu’il faut comprendre.

Les écoliers de l’Allier recopient le cours de Morale quotidien…

Le populo, lui, ignore bien entendu ces tractations au sommet et le désir naissant des hautes sphères de changer juste de tuteur tout en défendant la politique de Darlan. Le populo affamé, pour une part pourchassé (juifs, communistes, francs-maçons), n’est au courant de rien si ce n’est qu’il écoute Radio-Vichy, qu’il lit le Moniteur et/ou les infâmes journaux parisiens. Les maquis tenus principalement par les FTP sont embryonnaires. Il faudra attendre 1942 (que je ne traite pas) et les mesures du STO pour voir leurs rangs grossir.

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