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L’ex-plombier Joe Cocker et ses tubes en or.

Joe Cocker R et Folk

Joe Cocker, ex-plombier de Sheffield, en a fini avec les tubes de plomb. (1) Il va commencer à nous livrer quelques tubes en or. Trois ans après Woodstock, à 28 ans, ce mardi 27 juillet 1972, Joe Cocker vient donner un concert à l’île des Vannes à Saint-Ouen. Le mois suivant, le mensuel Rock et Folk – via Alain Dister et Patrice Blanc-Francard – nous parle enfin de Joe Cocker. Jusque-là, il n’est pas une star à part entière. Dans les numéros du magazine de Rock, il n’est pas une seule fois en Une malgré sa voix exceptionnelle, malgré sa présence scénique (Woodstock, c’est 1969).

Billet-hommage avec souvenirs couplés aux articles de Rock & Folk.

David Bowie d’hier et d’aujourd’hui.

Aidé par son ami et producteur Tony Visconti, David Bowie (66 ans) revient sur nos terres musicales avec un clip musical au son étrange et mélancolique («Where Are We now ?») et un prochain album en mars («The Next Day»). BiBi, qui a encore dans les oreilles le son remuant de son «Jean Genie» (vidéo), revient sur la carrière du chanteur avec vieux interviews dénichés dans son grenier.

BiBi retrouve Georges Brassens dans son grenier.

BiBi poursuit l’exploration de son grenier où il a retrouvé le numéro 72 de Rock et Folk (janvier 73) avec une interview de… Georges Brassens. Il n’était pas inconvenant de trouver Georges Brassens dans les pages d’un mensuel de rock (et folk). Le mélange – Brassens côtoyant ce mois-là Pink Floyd et le Roxy Music de Brian Eno – était parfaitement accepté des lecteurs. C’est Jacques Vassal, journaliste folkeux, qui menait l’interview.

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Georges Brassens avait été libertaire à une époque (vers 1945/46/47). Il écrivait d’ailleurs dans la presse anarchiste des articles extrêmement violents. Il revient sur les bifurcations qui ont suivi :

«Il se trouve que ce n’est pas dans ma nature de faire des chansons de propagande car j’ai l’impression que je ne saurais pas défendre mes idées. D’autres ont plus de talent que moi pour faire ça. La chanson, pour moi, reste surtout un art d’agrément. En dehors de l’homme social que je peux être, je suis auteur de chansons. Quand je chante, je ne suis plus le même. Mais ce sont là des explications très dures à donner et peut-être… fausses».

Jacques Vassal fait alors le parallèle avec Léo Ferré. Souvenons-nous que ce dernier avait participé à une table ronde avec Brassens et Jacques Brel et que R&F en avait eu la primeur (avec photos du regretté Jean-Pierre Leloir).

R&F : Vous avez pas mal de points communs avec Léo Ferré mais vous vous manifestement moins souvent et avec moins d’urgence que lui (…)

G. Brassens : Mon goût me pousse à écrire plus qu’à chanter et j’écris très lentement. En plus depuis quelques années, la maladie m’a souvent empêché ou retardé dans certaines activités. Ce qui fait qu’on me voit et qu’on m’entend bien plus rarement que tel ou tel autre. Cela dit, les problèmes me touchent moi aussi, bien sûr, mais j’en parle indirectement. La Chanson est pour moi une fête, un divertissement ; ça doit plaire, à moi et aux gens qui m’écoutent. Mais ce sont des sujets de toujours que je traite dans mes chansons… et là, je fais un effort pour vous donner des explications. A force de vouloir expliquer les choses, on ne fait plus rien».

Cinq ans après 1968, les esprits étaient tournés vers l’engagement politique. On n’imaginait que très difficilement qu’un artiste devait d’abord faire ce qu’il avait à faire. La tendance était de considérer prioritairement son rôle social (devenir un porte-parole activiste comme quasi-obligation). Les travaux spécifiques sur son art étaient relégués au second plan. C’est pour ça que Jacques Vassal insiste et que Brassens est un tantinet agacé.

R&F : Votre participation l’autre jour à un Gala contre la peine de mort en a surpris plus d’un… pas sur le plan des idées bien sûr mais parce qu’on vous croyait à l’écart de tout militantisme.

G.Brassens : Ce n’est pas ça ! Si par exemple demain, j’apprenais que vous êtes en prison et que j’estimais que vous n’avez pas à y être, ce ne serait pas du militantisme que d’utiliser mon influence ou ma renommée pour prendre votre défense. En fait c’est une affaire de cœur et en dehors de tout raisonnement. J’ai toujours pensé, dès l’enfance, qu’un homme n’avait pas le droit de décider de la vie d’un autre, «coupable» ou non».

R&F : «Mourir pour des idées» a fait beaucoup de bruit…

G.Brassens : Je ne m’occupe absolument pas des réactions : la Chanson est l’art que je place avant tous les autres, et cela me fait toujours plaisir d’écrire des chansons. Dans le temps, on imprimait les chansons sur des «petits formats», des feuilles séparées que l’on distribuait aux gens dans la rue. Après, ils pouvaient les rechanter eux-mêmes (…). Certains peuvent penser que je suis un chanteur rétrograde. En fait, j’essaye de rester dans la lignée des chanteurs traditionnels.

Le seul passage de l’interview sur le travail musical de Brassens n’interviendra qu’à la fin :

R&F : Vous n’avez pas eu envie d’ajouter d’autres instruments à vos accompagnements habituels ?

G.Brassens : Non, je pense qu’avec ma guitare et une contrebasse, mettons une deuxième guitare pour les disques, c’est bien suffisant comme ça. Pour moi, la musique n’est qu’un support à mes textes ; s’il y a davantage d’instruments, cela gênerait la bonne compréhension des paroles…

Nous sommes en 1973. Brassens décèdera le 29 octobre 1981. Immortel Brassens.

Jacques Brel (interview 1972).

BiBi ouvre le n° 64 de Rock et Folk. Mai 1972. Il s’attarde sur le climat musical d’alors avec le classement des douze musiciens élus par les lecteurs du Magazine (en douze catégories). Sur les groupes, ça donnait : Who/Pink Floyd/Stones/Doors/Crosby, Stills, Nash and Young. Sur les chanteurs, Jim Morrison, décédé un an plus tôt, était devant Mick Jagger. Sur les chanteuses, Janis Joplin devançait Grace Slick des Jefferson Airplane. En compositeur et musicien de l’année, Zappa passait devant Neil Young et l’album de l’année était LA Woman des Doors, suivi de Who’s Next, Led Zep IV, Four Way Street et Sticky Fingers des Stones.

Plus loin, fait rarissime, Jacques Vassal faisait une interview de Jacques Brel. Émouvante. En voici des extraits.

1980/81 : Bashung et Gainsbourg à l’interview.

BiBi s’est replongé dans ses vieux numéros de Rock et Folk et pour ce premier article Interviews, il s’est arrêté sur Alain Bashung  (les extraits d’interview datent de mars 1981) et sur Serge Gainsbourg (janvier 1980).

_________________________________________________ ALAIN BASHUNG.

En mars 81, Bashung a trente trois ans. Il sort de son grand succès « Gaby » (Un million de disques vendus).
« Je ne sais pas si c’est une question de philosophie mais moi j’ai toujours besoin de laisser des petites portes ouvertes ».

Sur le fait de rester en studio.
«J’ai besoin de surprises. Des fois, on me dit que des mecs comme Eagles restent des mois et des mois en studio. Je me demande comment ils font ! Au bout d’un moment, tu « n’entends » plus rien. Ou alors il faut LE producteur qui voit ça de loin, qui garde ses distances mais pour moi ce n’est pas le cas. Je m’occupe tout seul du truc».

De travailler sans producteur :
« J’ai l’idée d’un certain son et aussi l’idée que je veux raconter. Tout. Alors, si je dois passer cinquante pour cent de mon temps à l’expliquer à quelqu’un… pfff…le temps de l’expliquer, j’ai déjà changé d’avis. Je pense déjà à autre chose : ça ne m’avance à rien».

Avec Boris Bergman :
« On ne peut pas dire que l’un ou l’autre fait la musique, les paroles. En fait, « on » fabrique des chansons. Ensemble. On ne sait pas d’où ça vient. On passe des journées entières à ça. C’est à la virgule près ! Six heures pour trouver un mot. Remarque, des fois, on fait la chanson en… je ne dis pas dix minutes, mais une heure. Il y a même des morceaux qu’on fabriquait carrément en studio ».

Sur le son mélancolique, triste :
« Pour moi, si on est parfois triste, ça ne veut pas dire qu’on est malheureux ! Et par ailleurs, raconter un truc gai, tra la la, ça ne m’a jamais fait rire vraiment. A part les tartes à la crème dans les vieux Laurel et Hardy. Là c’était génial. Mais faire de la tarte à la crème pendant cent ans… c’est pas très drôle ».

_____________________________________________________ SERGE GAINSBOURG.

Gainsbourg est interviewé par Thierry Ardisson et Jean-Luc Maître. La rubrique s’appelle «Descente de Police». Nous sommes en janvier 1980 et «L’Homme à la Tête de chou» a 52 ans. Il lui reste encore 11 ans à vivre.

Le prénom Lucien. « Lucien… Maintenant, ça passe mais il y a trente ans, c’était un prénom de garçon-coiffeur. Je voulais m’appeler Julien à cause de Julien Sorel le héros de Stendhal. Après je suis tombé sur Lucien Leuwen, autre héros du même : ça m’a réconcilié un temps avec mon vrai prénom puis j’ai choisi Serge. C’est important le prénom, c’est la pulsation sonore que l’on entend le plus souvent. Par exemple, ma fille s’appelle Charlotte, c’est un prénom rigolo, eh bien, c’est une rigolote ! »

Au hasard. « J’ai habité Rue Chaptal. Face à la SACEM : c’est un signe, non ? »
« Une sœur. Jumelle : Liliane ! »
« J’ai eu une éducation athée. Très hâtée aussi
». «Les gens ont fini par admettre ma gueule mais pas moi. Je voulais ressembler à Montgomery Clift»

Avec les filles :
«ça allait, je me faisais jeter par les putes parce que j’étais trop jeune. C’était le seul problème».

Le mariage : « J’ai été marié. Je crache ma pension tous les mois, personne ne la connaît. Je ne dirai pas qui c’est : ça je ne peux pas».

Les disques : « J’écoute Cochran, Parker, Otis Redding : j’écoute les morts ».

Travail : « Il faut penser au peintre japonais qui regarde une fleur pendant trois mois et qui la croque en trois secondes. Et puis, après vingt ans de métier, j’ai assez de technique pour cracher mes chansons dans les trois heures qui précèdent la séance (…) De toute façon, je travaille vite, c’est pas un mythe ! Sauf pour mon bouquin : sept ans!»

La cigarette. « Je fume parce que je ne sais pas quoi faire de mes dix doigts ».

Les Copains. «J’en ai très peu, à part Jacques Dutronc et Wolfsohn. Le reste, ce sont des rencontres de boîtes. J’ai toujours été déçu par les amitiés… Je compte mes amis sur les doigts de la main gauche de Django Reinhardt. Quand j’avais 15 ans, je voyais des gens de trente ans, quand j’avais 30 ans, je voyais des gens de cinquante ans; alors maintenant que j’en ai cinquante…».