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Un visiteur dans l’Allier : Philippe Pascot, gilet jaune.

Ils ne viendront pas poser leurs caméras et ouvrir leurs micros ici.

Ici ? Tronget, un petit village rural de 900 habitants avec un Maire qui a mis à disposition sa petite salle des fêtes où plus d’une centaine de personnes se presse pour une soirée de résistance, de débat et d’échanges organisée par les Gilets Jaunes de l’Allier.

L’invité ? Philippe Pascot.

Philippe Pascot, auteur de Pilleurs d’Etat, livre où il mettait en lumière les abus légaux de députés, de parlementaires et autres élus de tout bord. Précisons de suite que, dans cette soirée, le «tous pourris» fut rapidement évacué via une intervention du Maire de Tronget expliquant son travail de proximité, représentant là – in vivo – un des exemples de cette France qui se rend digne de la formule « Liberté, Egalité, Fraternité« . De son côté, Philippe Pascot rappellera que la corruption est de plus en plus forte à mesure qu’on monte l’échelle politique. Il soutiendra aussi sa grande idée, celle d’une inscription dans la loi d’un casier judiciaire vierge pour tout candidat à une élection. Ce qui n’est pas gagné même avec les 240.000 signatures sur la pétition qu’il a lancée il y a 4 ans.

Après une entrée en matière de Brigitte, gilet jaune venue de Clermont-Ferrand qui parlera avec précision du RIC et des perspectives de constitution d’Ateliers Constituants, ce fut le tour de Jules, professeur de Droit qui expliquera les méandres pour arriver à créer et à appliquer de nouvelles lois non liberticides. Devant une assistance attentive, nous étions plongés dans une vraie éducation populaire avec des questions et des échanges fructueux.

La verve de Philippe Pascot, ses exemples factuels, tous vécus, tous vérifiés, feront le reste. Il citera nombre d’épisodes tirés de ses livres qui – il y insistera – comportent des preuves inattaquables.

De nombreux sujets lancés via des questions pertinentes furent abordés. Celle de la transparence Comment y arriver avec le Pouvoir en place ?») vint en premier, suivie de celles portant sur la modification de la Constitution, des violences policières, du futur des Gilets Jaunes (évocation du rassemblement à Saint-Nazaire). Philippe Pascot interviendra pour dire les difficultés rencontrées lors de sa participation aux manifs. Ainsi en se rendant à Paris, il fut arrêté X fois sur 50 kms alors que les hommes cagoulés de noir débarquant en gares parisiennes se déplaçaient sans problème. Il rappelera aussi que, lors de ce 19 mars, tout fut organisé pour que les cortèges de Gilets Jaunes ne rejoignent pas celui de la grande manifestation pour le climat etc.

Les Chaînes.

Une intervention émouvante sur les conditions de travail d’une travailleuse dans les Ehpad et les Cantu (Alzheimer) remua les personnes présentes. Du Linky au vote pour les Européennes («Pour mettre une claque à Macron, allez voter ! Pas une voix pour lui, pour qu’il ne plastronne pas après les élections»), on tenta de cerner au plus près les sujets les plus importants.

L’un des points majeurs que Philippe Pascot aborda, porta sur nos gestes de résistance quotidienne, faciles à appliquer, à inventer. Il rappelera que c’est souvent aussi par notre passivité, nos exigences infondées, nos gestes d’égoïsme que nous participons à notre propre asservissement. Pourquoi se précipiter par exemple dans les grandes surfaces pour payer aux caisses sans employé(e)s, sachant qu’à brève échéance, il y aura une liquidation du personnel et sa mise au chômage. Il se désolera aussi des ré-élections de députés corrompus (alors que la corruption avait été avérée et connue de tous), il ciblera notre mode de vie qui veut mettre un iphone dans les mains d’un enfant de trois ans avec des parents tout fiérots qui s’en félicitent.

Dans ces moments-là, Philippe Pascot rejoint les analyses d’Alain Accardo qui, lui aussi, déplorait qu’«à cause de la déformation économiste-objectiviste de l’analyse marxiste (…) on avait pris l’habitude de considérer la dimension morale de la lutte des classes comme seconde et donc secondaire par rapport à la lutte économique et politique, quand on ne la récusait pas purement et simplement comme expression d’un subjectivisme volontariste».

Ce désir de changements souhaité par une majorité de français ne pourra se faire qu’avec une prise de conscience personnelle de chaque citoyen de ce que le sociologue Norbert Elias exposait en parlant de «combattre les ferments d’inhumanité que le système temps à développer en chacun d’entre nous». Combat, bataille sur le terrain de la morale personnelle qu’il nous faut ensuite traduire en actes. Par exemple lutter contre notre fuite en avant productiviste, nos caprices, nos lubies, nos fétichismes touchant au «progrès», notre addiction à la télé allumée sur Hanouna ou encore à nos achats en pleine connaissance de cause de beaux ballons de foot 1998 fabriqués par des enfants du Sud de l’Inde touchant deux euros/mois.

Donc résumons : 1. du boulot à l’externe (occuper les carrefours, inventer de nouvelles formes de résistance collective etc). «Notre force, c’est le nombre» insistera Philippe Pascot tout au long de ses interventions.

2. Du boulot à l’interne, douloureuse ascèse. Du travail sur soi, ses gestes, son rapport au monde, luttes dans notre «for intérieur» pour faire naitre un nouvel art de vivre. Art de vivre où la liberté ne se confonde pas avec la licence et «où la maitrise de soi et l’autodiscipline se confondraient avec l’esprit civique et le respect des autres» (Accardo).

Beaucoup se tromperaient en ne voyant ici qu’exagération ou morale débile. Ce sont des passages nécessaires qu’il faut emprunter – avec sérieux et sans tiédeur – pour lutter contre cette machine tentaculaire qu’est le Capitalisme qui nous enrôle et veut nous enchaîner à chaque instant.

Du boulot, beaucoup de boulot nous attend.

Et même si je ne suis pas forcément d’accord avec certaines optiques de Philippe Pascot (le vote blanc, son rapport à la Gauche trop vite assimilée à la gauche socialiste etc), je le remercie d’avoir si bien illustré le combat des Gilets Jaunes ce soir-là devant une assemblée fournie, le tout avec sa verve, ses expériences de vie concrètes et ses dénonciations.

Mon Odyssée grecque.

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Toujours étonnant de lire bon nombre de commentaires (ceux de Mediapart, ceux de blogueurs, ceux de simples citoyens). Étonnant à la vitesse avec laquelle chacun se prononce, pose ses oukases, fustige l’autre, est d’accord avec l’un, hurle au traître, veut couper les têtes ou descendre dans la rue etc. Non qu’il faille rester neutre, surplomber les avis en flottant au-dessus de la mêlée. La passion commande que l’on prenne position. Et c’est tant mieux.

Sauf que.

Sauf que.

L’Histoire n’est pas un long fleuve tranquille.

BiBi fricote.

Dans le numéro de février du Monde Diplomatique, Eric Dupin a écrit un article intéressant «Pour les vrais libéraux, la meilleure défense, c’est l’attaque ».
BiBi fait sienne la conclusion du journaliste : «Jean-Jacques Rosa dit avec justesse : «Une crise n’est pas suffisante en elle-même pour renverser une évolution aussi profondément enracinée». Les adversaires des libéraux seraient bien inspirés de ne pas croire que le vent de l’Histoire a d’ores et déjà tourné. La crise actuelle ouvre certes une période d’instabilité des équilibres idéologiques mais l’issue de cette nouvelle bataille d’idées n’est écrite nulle part. Les libéraux ne sont, en tout cas, pas disposés à désarmer».
BiBi a remarqué l’enthousiasme non mesuré de nombreux bloggeurs de gauche et il s’interroge sur la personnalisation de leurs attaques sur la seule personne de Little Nikos. Relisant le livre de Norbert Elias sur «La Société de Cour», BiBi croit plutôt que la méthode la plus ajustée est de combattre cette idée de la Toute Puissance des intentions individuelles. Ce déferlement sur/contre la personne de Little Nikos ne lui dit rien qui vaille. En quoi traiter Little Nikos de «Chanoine de Saint-Jean-de-Latran», de «Nain pestilentiel», de «Roi fainéant» «Président bling-bling» peut faire avancer le Schmilblick ? BiBi trouve que les analyses qui prêtent le flanc à une personnalisation du Pouvoir sans regard sur le réseau de contraintes dans lequel la fonction de Président se trouve inscrite, est dommageable pour les Forces de résistance. BiBi – parfois – tombe lui aussi dans ce travers, l’alimente et il s’en veut (un peu).
Comme le soulignent Daniel Roche (professeur au Collège de France) et Christophe Carle (professeur à Paris I), «l’objet de l’histoire n’est plus le grand roi, le grand capitaine, le grand écrivain dont le catalogue varie d’ailleurs à chaque époque» (Le Monde du 8 février). D’ailleurs ces présupposés dans la lecture du Politique a un allié de taille : le JDD fait sa Une sur ces quatre hommes qui mèneraient le Monde (Obama, Browne, Merkel et Sarkozy) et engage, page 2, Max Gallo. Cet historien, soutien de Little Nikos, historien idolâtre, a blablaté sur ses Idoles (Louis XIV, Napoléon, Garibaldi, Victor Hugo, De Gaulle, Churchill et notre bon Président) et se situe dans la tradition individualiste et très réactionnaire de la recherche historique essentiellement axée sur «l’individu en soi». Il est le représentant de cette vision de l’histoire qui privilégie le Grand homme qui, à lui seul, infléchirait les tendances.
Alors, que faire (comme l’écrivait Vadlimir Illitch Oulianov) ? BiBi pense que les seuls remèdes sont les suivants : penser encore et encore ; donner à penser encore et encore.