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A propos du Prix Renaudot et de ses jurés « rebelles ».

Voilà qu’on découvre que même dans les Jurys des Prix littéraires (ici le Renaudot décerné à Marie-Hélène Lafon ce 30 novembre), il y a des « Rebelles ». Rebelles  de droite (comme le juré François-Olivier Giesbert). Ces « Rebelles » ne sont  pas nés d’hier mais d’avant-hier. Rappelons que le franc-tireur Michel Clouscard avait été le premier, fin XXème siècle, à avoir repéré ces « libéraux-libertaires » qui avaient réussi à faire de leur -pseudo- rebellion la norme de tout postulant (en milieu) littéraire reconnu. (En exemples : Yann Moix, Houellebecq, Richard Millet etc.)

Jetons un œil sur les qualificatifs dont ces Potiches du Renaudot s’affublent. Dans les articles du Monde Magazine, Clementine Goldszal rapporte les auto-analyses des membres de ce jury.  Pour jouer ces cartes de hors-la-loi et d’insoumis (qui ne dérange personne et qui conforte la vision très frenchy d’une littérature au-dessus de tout), la juré Dominique Bona en souligne le côté « insoumis, rebelle, intranquille ». Les mots de Jérôme Garcin, juré démissionnaire, ne sont pas très différents jugeant ce jury « un peu voyou ». Citons encore la version de David Foenkinos, lauréat 2014 qualifiant la présence de cette Office de consécration de « sulfureuse, un peu rock et anti-institutionnelle ».

Cette idéologie et ses supports sont au contraire très institutionnels (n’en déplaise à Foenkinos). Citons L’Obs qui a recensé les jurés 2020 (aux dernières nouvelles) : Frédéric Beigbeder, Patrick Besson, Dominique Bona, Georges-Olivier Châteaureynaud, Louis Gardel, Franz-Olivier Giesbert, Christian Giudicelli, J.M.G. Le Clézio et Jean-Noël Pancrazi.

Notons qu’il n’y a qu’une femme dans ce jury. Que – Ô surprise – le Prix Renaudot 2020 a été décerné à… une femme (« Histoire d’un fils » de Marie-Hélène Lafon). Et que – Ô surprise bis – les jurés (90% masculins) ont envoyé au charbon une… femme (Dominique Bona) pour défendre le livre primé. Notons encore – pas du tout en passant – la présence du Prix Nobel, JM Le Clézio, invité récent de Boomerang d’Augustin Trapenard (qui n’a pas osé poser la question de sa présence).

Je n’ai trouvé que Mediapart (via Fabrice Arfi/ Marine Turchi) et Arrêts sur Images  (Via Daniel Schneidermann) pour avoir cité et rappelé le nom de Mr Giudicelli comme juré de ce jury du Prix Renaudot. (Motus et bouche cousue ailleurs). Ce présumé pédocriminel conte dans ses livres ses « aventures » auprès des enfants qu’il a abusés à Manille, à Tunis, à Ouarzazate en compagnie de Matzneff. Cela ne peut être ignoré des membres du Jury. Dominique Bona – qui, évidemment, ne l’ignore pas – verse une larme sur Vanessa Springora mais déplore l’opprobe jetée sur ce très beau Prix et – tenez-vous bien – elle rajoute : « Et je regrette AUSSI le MAL que cela a entraîné pour un écrivain [Matzneff] qui s’est retrouvé au ban de la société, et VICTIME D’UNE CHASSE A L’HOMME ». Voilà comment une jurée plaint ce pauvre Matzneff et s’afflige de son « mal », le faisant passer en « victime d’une chasse à l’homme », lui, le chasseur d’enfants à abuser. Obscénité, obscénité, j’écris ton nom.

La présence de Christian Giudicelli dans ce jury est loin d’être une « anomalie » comme l’écrit Daniel Schneidermann. C’est plutôt une règle d’offrir quelques places (inamovibles jusque-là) à ces « sulfureux » personnages.  Non seulement le pédocriminel Giudicelli est un indéboulonnable juré, respecté, estimé par ses pairs du Renaudot mais il officie aussi dans le Prix Valery-Larbaud (prix 2020 décerné le 7 mars dernier) par la ville de Vichy.

Primé en 1982 ( pour « Une affaire de Famille » au Seuil) par ce dernier jury, Giudicelli est depuis ce temps un des jurés les plus importants. 

Salarié de Gallimard, directeur de collection, il a permis aux livres de sa maison d’édition d’être primés à 80%. Lors de la dernière remise du Prix Larbaud, Giudicelli a annulé son voyage à Vichy s’étonnant que les bruits sur ses antécédents aient pu être entendus jusqu’aux bords de l’Allier ! Notre bon Giudicelli a peut-être cru que Vichy en était resté au 10 juillet 40 et que la ville n’était peuplé en 2020 que de … vichystes. Peut-être même était-il désolé de ne pas pouvoir retrouver ses amis, fantômes bienveillants que sont Chardonne, Morand, Maurras, Giraudoux and Co(llabos) ?

Depuis ce 7 mars, malgré les protestations de Vichyssois(es) à propos de la présence de Mr Giudicelli comme juré, malgré le fait que Mr Guidicelli ait été entendu comme s-u-s-p-e-c-t dans l’affaire Matzneff, rien, absolument rien n’a bougé

La mairie de Vichy et son maire se taisent alors que cette même mairie de Vichy s’est associée au Prix dès sa création (1967) et qu’elle fait chaque année don de 6000 euros au livre primé. Interpellé, Frédéric Aguilera, le maire (LR+LREM), s’est défaussé en rejetant la décision d’une (possible) suspension (provisoire pour lui et non « exclusion ») sur les avis des Jurés avec lequel, pourtant, il paradait lors de sa campagne municipale 2017. Lire mon billet ici.

Plus délirant et horrible encore : lors du conseil municipal du 21 septembre dernier, le maire a fait avaliser à la quasi-unanimité sa décision de présenter Vichy au label de… l’UNICEF, celui de  « Ville amie des… enfants » oubliant tranquillement ceux qui, à Manille, Tunis, Ouarzazate ont subi les « assauts » conjugués de Giudicelli et Matzneff lors de leurs voyages pédophiliques.

Ajoutons aussi que ni le quotidien local (La Montagne de Vichy) ni le régional (La Montagne) n’ont fait un seul article, n’ont écrit une seule ligne sur le parcours de ce pédocriminel depuis le 7 mars dernier et qu’il ne soufflent toujours pas mot des protestations grandissantes contre la présence de ce Giudicelli au Jury du Prix Larbaud (prix qui sera remis dans trois mois). 

Faudra-t-il attendre que les envoyés du New York Times viennent à Vichy enquêter sur cette présence de Giudicelli ? Faudra-t-il attendre qu’ils viennent enquêter pour dire enfin la vérité aux habitants de Vichy (et de France), dire toute la vérité à ceux et celles qui défendent la littérature ET le droit des enfants, à ceux et celles qui dénoncent les violences et les abus sur les mineur(e)s ? Peut-être qu’alors, on aura ainsi pu dévoiler les raisons (dessous inavouables ?) de l’incroyable omerta qui règne à Vichy sur ce toujours juré du beau Prix Valery-Larbaud.

On enterre Matzneff mais le Cirque Barnum continue.

Pour comprendre comment a pu exister un Gabriel Matzneff, il faudrait sortir de son cas individuel et aller regarder ce champ editorial qui a permis son accession, aller voir ce qui détermine ce champ-là et en analyser la structure. Bien entendu, il faut circonscrire toute cette réflexion à l’époque (1980-2015) où non seulement les instances de consécration honorent le pédophile Matzneff mais consacrent aussi un Richard Millet, auteur encensé par le top des blogueurs littéraires (Pierre Assouline), par Pierre Nora, Pierre Jourde, Denis Tillinac, par Le Point, 20 minutes, honoré par une interview dans L’Express, applaudi par l’Obs, Le Monde, La Tribune de Genève, les télés (à ITelé, il disposera de 11 minutes).

Comme pour Matzneff, les salutations littéraires et médiatiques sont parisiennes (1) et démultipliées. Dans le cas de Richard Millet, il s’agit de louanges portant sur un ouvrage où il dit toute son admiration pour ce gentil garçon blanc norvégien Anders Anton Breivik qui assassina 77 personnes.

Matzneff (ici lire le billet de Juan Asensio de 2013) Richard Millet : un parcours similaire dans la Jungle de la Reconnaissance.

Je ne ferai pas ici l’analyse du champ de l’édition de l’époque. Je renvoie simplement aux précieux articles de Pierre Bourdieu et aux deux numéros des Actes de la Recherche en Sciences Sociales publiées en mars et décembre 1999.      

Tout ce petit monde, grenouillat de célébrités et de seconds couteaux, d’écrivains installés et de jeunes loups frappant à la porte, se meut dans un espace social relativement autonome, oriente les acceptations ou les refus de publications. Il entretient les illusions propres à ce milieu que sont l’« art pur et désinteressé ». Illusion qui lui permet de dire haut et fort que la logique marchande n’est pas toute puissante dans l’édition. Dans ce panorama succinct, il faut aussi prendre en compte les agents des grandes maisons et de leurs filiales : éditeurs, critiques influents d’alors, personnalités médiatiques et journalistiques très souvent attachées à des maisons d’edition (avec direction de Collection, présence aux Comités de lecture) etc.

Ben oui, on y trouve Bernard Pivot (1), Guillaume Durand, Franz-Olivier Giesbert. Ceux-là même qui défendent/défendaient aprement ou sur un ton léger Gabriel Matzneff et sa stature « littéraire » de pédo-criminel sans sourciller. Derrière ces liens cachés de cette époque, on pouvait classifier les Maisons (les 7 grandes) : Le Seuil, Gallimard, Flammarion, Grasset, Minuit, Albin Michel et Michel Laffont. Les petites maisons démunies d’alors, souvent provinciales, souvent dirigées par des femmes, novatrices, s’appuyant sur les petits libraires, seront obligées de se rallier à la « vertu » du marché. C’est l’époque où l’instance de consécration tourne autour d’Apostrophes, du Monde des Livres de Josyane Savigneau (féroce groupie de Philippe Sollers et de Matzneff, dominatrice pendant 15 années au Monde des Livres ), du Figaro Littéraire (où trônent les idoles les plus invitées de Pivot : Jean d’Ormesson, Max Gallo, Philippe Labro) et du dossier Livres hebdomadaire de Libération. Y inclure, bien sur, les émissions de France Culture ou les passages dans Le Magazine Littéraire (Grasset) où l’on allait glaner des miettes précieuses de notoriété. 

Hier, Matzneff était célébré par le Figaro Littéraire, Liberation, le Monde des Livres et nombre d’autres instances critiques. Aujourd’hui, il suffit de publier son autocritique (Laurent Joffrin dans Liberation), il suffit de faire une double page dans Le Monde (Ariane Chemin, Raphaëlle de Bacqué), il suffit de dire que Pierre Bergé (directeur du Monde) abritait alors Matzneff (sans écrire un mot sur Savigneau) pour être éxonéré et être blanchi.

Qu’il est beau ce grand Cirque qui bat sa coulpe et tente de sauver son honneur ! Voyez FOG, Frédéric Beigbeder qui se déclarent solidaires de Matzneff ET de Vanessa Springora. Voyez Pivot parlant de l’époque (2) pour se faire pardonner. Et remarquons au passage qu’on n’est pas allé demander à Philippe Sollers (grand prêtre via L’Infini – Le Seuil), à Julia Kristeva, à Le Clézio, Dominique Bona, Patrick Besson, Jérôme Garcin, tous jurés du Renaudot 2015, à Jean-Marie Le Pen passant ses vacances avec Matzneff, ce qu’ils pensent de tout ça. Dans un même oubli, on fait silence sur Roland Barthes et ses voyages marocains Bah, les petits marocains, les petits philippins on s’en fout, hein ?

Et on oublie aussi la parole du film de Visconti (« Il faut que tout change pour que rien ne change »), Ariane Chemin et Raphaëlle de Bacqué nous parlent d’un introuvable « Saint-Germain-des-Prés englouti », on fait mine qu’il y aura un grand chambardement après « trente ans d’impunité ». De quoi en rire ! Bernard-Henri Lévy ( via La Règle du Jeu) est toujours là, régnant en Maitre dans les réseaux littéraires, FOG continue d’écrire au Point, Angot publie,  les circuits qui mènent à la publication perdurent, les armatures du Marché du Livre restent inchangés, plus forts que jamais. Laissons passer la parenthèse. Dans six mois, tout recommencera.

Tout redeviendra comme avant. Les écrivains pédophiles prendront des précautions supplémentaires, ils voyageront incognito, feront dans l’Humanitaire ou dans le Droit des Enfants pour être insoupçonnables. Pivot (3) sera remplacé par François Busnel et Augustin Trapenard. On nous abreuvera un peu plus de livres de nouveaux entrants, des Rebelles certainement, qui feront exploser les canons de la langue française, n’est-ce pas ?

Mesdames, Messieurs, le Cirque Barnum (4) est toujours en tournée avec ses têtes d’affiche, il est vivant, il continue. Sur vos écrans, vos tablettes, vos hebdos, vos écrans TV. Allez, bonnes lectures à tous. pour 2020 !

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(1) La centralisation parisienne accélère, amplifie le pouvoir des réseaux. On se connaît, se reconnaît, on ne cesse de se côtoyer, on s’invite, on s’insulte parfois, on dîne ensemble, on se rend des services (entre auteurs, journalistes, lecteurs de Maisons etc). Bien sûr, il y a des figures atypiques qui refusent d’être sur la piste avec ces Clowns. Henri Guillemin par exemple, écrivain et grand historien qui disait : « Paris : c’est une ville à laquelle je suis allergique. Et puis les gens s’y bousculent, se font des crocs-en-jambes, il y a une terrible bagarre littéraire à laquelle je ne veux pas prendre part, ça ne m’interesse pas ». (Mag Littéraire juin 1981)

(2) Ah c’est si pratique d’évoquer « l’époque » des Eighties pour nous faire avaler que tout le monde avait alors les idées « larges » ! Au moment où, perso, jeune éducateur spécialisé, j’avais affaire aux cas d’inceste et d’abus sexuels en pagaille dans mon travail auprès d’enfants et d’adolescents.

(3) Pour situer, les choix constants de Pivot en littérature, signalons qu’il était venu à la TV après avoir été avant 1975 un jeune transfuge du…. Figaro. Choix qui évidemment censuraient toute une frange minoritaire, provinciale de la « littérature », en particulier des revues de haute tenue, mortes depuis longtemps au champ d’honneur du Marché. Voir mon billet.  Pourtant, en petits rongeurs dans la jungle littéraire, on pouvait trouver d’admirables figures anonymes criant, écrivant dans le désert. On faisait silence sur Christophe Tarkos, Pierre Rottenberg, Patrick Laupin, Roger Laporte, Eugène Durif, Joël Vernet ou encore Jean-Marie Geng et sur tant d’autres. Il est plus que temps d’aller les découvrir….

(4) Un petit extrait (1999) des Actes de la Recherche en Science Sociale pour information précieuse….

PhotoMacron, PhotoPatron. (La Une de L’Obs).

Comment on fabrique du Macron ? J’avais déjà souligné à quel degré de bassesse en étaient arrivés par exemple les chroniqueurs du Point. Sans parler des groupies tous modèles confondus, des adorateurs à genoux devant l’Enarchie, des cravatés subjugués par l’Idole.

Et puis,  sur mon écran, est apparue cette merveilleuse photo de notre Président à la Une de L’Obs. L’Obs dont on sait qu’il se veut L’Observateur de la vie politique française. Un hebdomadaire empreint d’une telle objectivité que l’Actionnaire vira sans ménagement et très démocratiquement une certaine Aude Lancelin.

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Comment on construit un Macron : l’exemple du Point.

Voilà le Canard Enchaîné, notre palmipède, qui s’est attaqué à François Fillon et aux émoluments non-fictifs reçus par son épouse. Bravo ! Mais on déplore que ce même journal satirique soit beaucoup moins offensif sur Emmanuel Macron et soit très/trop discret sur ses financements (pactole de Londres  et, dernièrement, de Beyrouth). 

Le citoyen-BiBi a donc tenté d’y voir un peu plus clair sur les affaires du candidat ex-banquier. Facile puisqu’il ne se passe pas une heure sans que les Médias du Grand Capital ne le propulsent en icône. L’hebdomadaire Le Point (N° du 19 janvier) lui consacre sa couverture et 48 pages d’adoration et d’agenouillement. Allez, hop, on y va voir de plus près.

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J -9 : BiBi fait sa Revue des Blogs.

A J-10, BiBi a voulu prendre la température de la Campagne. Pour ça, il est allé fureter dans sa BlogRoll . Huit blogs ont retenu son attention.