Générations ouvrières : luttes et couacs dans la transmission

Violence symbolique et horreur des Mouvements collectifs.

Les politiques qui se sont succédées depuis la génération Mitterrand ont toujours eu deux objectifs :

  1. gommer la présence ouvrière en s’appuyant sur la violence symbolique. Par exemple, le langage managérial a préféré le mot «opérateur» à celui d’«ouvrier», a continué de parler de «partenaires sociaux» et non d’adversaires etc.
  2. réduire à néant les mouvements collectifs : il faut encore et toujours étouffer tout embryon de protestation en amenant l’ouvrier (ou sa branche isolée) à une position si individualisée que celui-ci se retrouve nu dans un affrontement frontal  avec les représentants anonymes du Capital (ce dernier navigant au loin dans les eaux troubles des tractations chez Clearstream ou dans les Paradis fiscaux).

Les Partis en déshérence.

Le tête-à-tête est évidemment perdu d’avance. Corvéable à merci, flexible et anonyme, l’ouvrier se voit – hélas – dans le même temps abandonné par les forces qui – jadis – l’ont soutenu. Les Partis politiques en miettes (PCF, NPA malgré la constitution d’un Front de Gauche) sont devenus sclérosés, en manque d’imagination, sans hardiesse théorique, frileux face aux analyses souvent précieuses de sociologues ou, comme le Parti Socialiste, à des années-lumière des respirations des couches populaires. Sur ce dernier parti, Rémi Lefebvre, professeur à l’Université de Reims  n’est pas loin de la vérité : «Ce qui ressort, c’est qu’il s’agit d’un parti [le PS] vieillissant qui compte un grand nombre de retraités et beaucoup de fonctionnaires des collectivités locales » ou encore : « Il semble loin le temps où la gauche combattait la notabilisation de ses élus. La lutte des places tend à se substituer à celle des classes, coupant les partis de gauche des revendications et du vécu quotidien des groupes sociaux qui les soutenaient traditionnellement (ouvriers, employés, enseignants)« . (Article du Monde Diplomatique).

Les Syndicats itou.

Beaucoup moins étudié est le délaissement par les Syndicats des couches sociales les plus défavorisées. En appui, voici le bel article de Jean Peneff et Mustapha El Miri, paru dans le numéro d’avril/mai de la revue Sarkophage Les Pauvres à l’abandon»). Relisons leur juste démonstration [Extraits]:

De Mémoires d’Ouvriers.

1. En écho, le 28 avril, fut projeté le film de Gilles Perret (1) produit par Fabrice Ferrari «De Mémoires d’Ouvriers» au Cinéma de Thonon. Le film fera sa sortie nationale à l’automne. Le film s’ouvre sur la fusillade de Cluses en 1904 où les patrons tirèrent sur les ouvriers grévistes et il se poursuit entre archives des années 1950-1980 et témoignages d’aujourd’hui. Le réalisateur – utilisant les films d’archives déposés à la Cinémathèque des Pays de Savoie et de l’Ain – construit son long métrage à partir de trois volets : la naissance de l’industrie et la transformation du territoire ; les grands travaux des Alpes et une analyse en images de la récente économie de service tournée exclusivement sur les projets touristiques (construction des Palaces à Courchevel pour exemple).

2. Si le film est vivifiant grâce aux images et aux témoins (citons les belles interventions de Michel Etiévent, aujourd’hui historien, sur sa trajectoire sociale et celles de Marcel Eynard, ouvrier maçon au barrage de Roselend), il paraît plus faiblard dans l’analyse des couacs de la transmission de l’esprit de lutte ouvrière intergénérationnelle.

3. On aurait aimé retrouver l’analyse ci-dessus des sociologues expliquant la puissance dévastatrice de l’Idéologie libérale qui a contribué au désintérêt relatif pour le Politique, l’exacerbation des frictions contemporaines entre catégories sociales pourtant assez proches, l’abandon des aides et de la Solidarité dont parlent plus haut les deux sociologues et Rémi Lefebvre.

4. Mais – avec ces réserves – on ne peut que se féliciter que les Oubliés de l’Histoire (et des Médias), ces Hommes invisibles (voir ici billet-BiBi) viennent faire effraction sur les écrans avec leurs analyses fortes et irremplaçables. A l’heure où les droits de la classe ouvrière sont rognés, où leur représentativité politique se réduit à 1% des députés (alors qu’ils représentent 23% des actifs), à l’heure où ils connaissent une détérioration continue de leurs conditions de travail rythmées autour de délocalisations et de tours de vis sarkozystes, on doit dire Merci à Gilles Perret et à Fabrice Ferrari.

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(1). Gilles Perret est le réalisateur entre autres de «Ma Mondialisation» (2006) et de «Walter, retour en résistance» (2009). Lire ici le Billet-BiBi. Avec «Mémoires d’Ouvriers», Gilles Perret signe son 16ième documentaire long.

 

One Response to Générations ouvrières : luttes et couacs dans la transmission

  1. GdeC dit :

    j’ai fait un rêve : on leur redonnait ENFIN les moyens de s’exprimer, haut et fort…

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