Monthly Archives: décembre 2019

Mes rages 2019. (Lettre au Père Noël).

Cher Père Noël,

Je sais que jamais on ne vous verra vous mettre en colère. Ou pire encore : vous consumer de rage. Vous voir l’écume aux lèvres, poings serrés, éructant, bondissant comme un fauve sur les enfants qui vous attendent, enragé comme jamais, on ne verra jamais ça chez vous. Mais perso, ces moments de rage, j’en ai traversés beaucoup en cette année 2019. Sachez pourtant que je ne les regrette pas du tout et que je ne m’en excuse pas. Dominer ses faiblesses, on peut en rêver mais que voulez-vous, cher Père Noël, je ne crois pas en la Paix sur cette terre. Ni extérieure, ni intérieure.

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Moment de rage donc contre ces Grandes Gueules de Radio Monte-Carlo, patronnées par Drahi, payées par l’argent de l’évasion fiscale sur lequel les charognards de Truchot, de Marschall, de Zohra Bitan et consorts font silence.

Contre le Service Politique de l’Afp et de son Directeur affichant sans regret l’image d’un Macron triomphant sur son compte Twitter. Rage contre les obscénités hebdomadaires du Point et les Unes du Journal Du Dimanche.

Rage contre la Kommandantur de nos radios publiques qui ont installé des Chiens de Garde aux Niches d’entrée de l’info politique. Je parle ici des éditocrates, des rubricards, des journaleux et journaleuses de nos stations. Mais rage surtout contre les grandes chefferies qui, dans l’ombre, téléguident leurs annonces macronistes et détruisent nos Ondes par leurs projets obscènes : de Vincent Giret de franceinfo à Sibyle Veil, directrice sarko-macroniste de Radio France.

Moment de rage contre les loulous des Decodeurs du Monde et les Checknewsfr de Liberation qui se pavanent en débusqueurs de fakenews, en champions de l’Objectivité se glorifiant – au nom certainement de la liberté de la Presse et de l’Information – d’être inféodés à FaceBook qui leur verse 245.000 dollars par an. Combien le montant de leurs soumissions en 2019 ? A quand une réponse sur Edouard Philippe, sa femme placée à Science-Po Paris ? Chutt… Omerta.

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Rage contre les instigateurs du LOL, toujours en course, toujours en place. Rage contre les signataires 2009 qui ont défendu Polanski et qui se taisent, se terrent aujourd’hui. Rage contre les circuits du petit monde littéraire parisien des Années 70-80 qui a encensé Gabriel Matzneff, pollueurs littéraires toujours en action aujourd’hui. De BHL à Sollers, de Josyane Savigneau («Le Monde Des Livres») à Pivot («Apostrophes»)

Rage contre la quasi-indifférence sur Julian Assange, sur Françoise Nicolas et sur tous les lanceurs d’alerte qui sont comme des phares qui éclairent et qui nous enseignent le courage à toute épreuve.

Rage contre Bernard Lavilliers, Alain Souchon, Renaud et tous ces artistes (ils le sont) qui – case d’arrération mentale et politique accrochée à eux comme du lichen à la pierre – voient en Macron un homme intelligent, cultivé, sans alternative possible.

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Rage quotidienne contre les violences policières quotidiennes. Rage contre l’impunité des forces de l’Ordre, de la BAC, contre ces décisions de justice qui condamnent des innocents et rage contre les gardes à vue ahurissantes. Rage encore contre les enquêtes bâtardes sur le décès de Zineb Redouane de Marseille et celui de Steve Maia Caniço de Nantes.


Rage contre l’Afp (bis), Le Monde et la quasi-totalité des Médias annonçant « l’essoufflement » du Mouvement des gilets jaunes dès novembre 2018. Comme ils annonceront – ici sarcasme au plus haut point – la magnifique arrestation de Dupont de Ligonnès.

Rage contre Ruth Elkrief insultant de «comédien» Xavier Mathieu parlant politique en débat sur les gilets jaunes. Rage contre les charognards Pascal Praud, Frédéric Haziza et Thomas Misrachi. Ce dernier désignant à l’antenne – sans complexe aucun – la porte à un gilet jaune.

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Rage contre ces experts-politologues-sondeurs omniprésents dans les poubelles TV-Radios : Jérôme Fourquet, Bruno Jeudy, Roland Cayrol, Jean-Michel Aphatie, Jean Garrigues, Yves Calvi, Bruce Toussaint, Thomas Legrand, Apolline de Malherbe, Laurent Delahousse, François Lenglet, Dominique Seux. Et contre ces émissions fabriquées par Lagardère (C’est Dans l’Air) ou par les amis de Niel (C’est A Vous).

Rage contre Castaner, Delevoye, immonde truand-girouette, contre Pietraszewski qui joue la violence contre une salariée d’Auchan qui s’était trompée de 80 centimes d’euros dans son compte de caisse. Castaner, Delevoye, Pietrazewski : le Trio 2019.

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Je sais qu’après cette lettre que je t’adresse pour conter toutes mes rages 2019, tout va aller vers un apaisement personnel. Car c’est vrai que l’écriture apaise. La première maitresse d’école dont je me souviens me disait qu’en écrivant 50 fois « je suis en colère » sur une page blanche, la colère finissait par tomber. Rage, rage, rage, rage, je suis en rage, je suis en rage, je suis en rage.

Je relis ma lettre et bien voilà : je ne suis pas loin de cinquante fois.

Alors, bonne fin d’année quand-même, Père Noël. Et plein de belles choses aussi à ceux et celles qui nous ont suivis tout au long de cette année de luttes 2019.

Aujourd’hui, c’est #vendredilecture.

Ce matin, retour back home, après la manifestation d’hier. Et avant celles à venir. Lénine disait « Prends un livre, c’est une arme ». Il avait diablement raison. Aujourd’hui, c’est #vendredilecture.

Réveillé, je vais à droite, je vais à gauche. Je passe de l’étagère du haut à celle du bas, tire au hasard des livres déjà lus ou en instance de lecture. Tout se mêle : ce sont là les dépôts de mon grand Roman intime. Tout s’y bouscule. On ne se souvient même pas qu’un jour, sur le bord d’une plage ou dans le fond de son lit, on avait ouvert ces petits ou ces grands volumes. Une seule chose m’avait alors retenus : pas vraiment les mots ou quelques lignes ou encore quelques paragraphes, non.

M’est restée une seule chose dont on trouve encore trace dans mes chairs et dans ma mémoire soudainement redevenue à vif : la brûlure et sa cicatrice que chacun de ces ouvrages m’a laissé.

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Dans le numéro de Télérama du 4 au 9 décembre, extrait d’un entretien avec l’historienne Ludivine Brantigny :

« Je crois à l’objectivité des sciences sociales, pas à leur neutralité. L’objectivité réside dans la rigueur de la méthode : travailler sur les sources, les croiser avec un regard critique et la volonté de comprendre le point de vue des divers protagonistes. C’est ce qui permet de bien faire son métier, honnêtement, avec intégrité pour celles et ceux dont nous faisons l’histoire ».

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A l’heure du préfet Didier Lallement, un petit passage extrait du livre d’Annie Lacroix-Riz sur Maurice Papon, probablement idole de ce même Lallement :

« La tâche reste à accomplir mais les archives administratives et policières nous permettent d’ores et déjà de comprendre que Papon ait pu, sans jamais quitter « la Préfectorale » diriger après la Libération la répression anti-communiste et anti-algérienne comme il avait, à Bordeaux, pendant l’Occupation, organisé la chasse aux « terroristes » et aux juifs. Papon, contrairement à l’image qui règne en France, ne fut pas l’exception, mais la règle ».

Ce qui explique l’incroyable photo ci-dessous où l’on voit Simone Veil, déportée à Auschwitz, responsable de la Santé dans le gouvernement de Giscard, serrer la main à Maurice Papon himself, Ministre du Budget de l’époque… siègeant donc tous les deux dans un même gouvernement !

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Dans un petit livre d’entretien (1971) avec Francis Bacon :

Quel est votre rythme de travail, de création ? On a dit que vous avez eu de longues périodes au cours desquelles vous n’avez rien produit…

– J’ai eu de longues périodes où je ne pouvais pas travailler, alors je passais mon temps dans les bars ou dans les salles de jeu. Mais c’était simplement que je ne pouvais pas travailler.

Et, à présent, le travail vous absorbe ?

– Oui, quand on est près de la tombe, [Il décèdera en 1992] il faut accélerer le travail. Je suis peut-être ambitieux, mais j’ai toujours envie de faire quelque chose d’extraordinaire.

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Louis-René des Forêts chez Fata Morgana (« Voies et Détours de la fiction ») :

« Faute de pouvoir s’intégrer à aucune communauté, l’écrivain ou l’artiste est plus ou moins en porte-à-faux dans le monde ; qu’il le veuille ou non, son activité est asociale. Il est vrai que la littérature est souvent liée à la nostalgie de changer – plus que l’ordre des mots – l’ordre établi. Dans l’œuvre, qui est plus ou moins l’enjeu de nos contradictions, s’affirme le désir de pouvoir, sans rompre avec elles, entrer en communication avec le monde. Toutefois, s’il faut bien se garder de donner le même sens à l’épithète « révolutionnaire » selon qu’il s’applique à une œuvre ou à une action politique, on ne saurait nier qu’il définit dans les deux cas cette volonté qui les anime de transformer le monde et qu’elles tendent chacune à réaliser selon leurs moyens intrinsèques, en suivant des voies parallèles – l’une devançant parfois l’autre – mais toutes les deux toujours à leurs risques et périls ».

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Un petit livre retrouvé d’Henri Michaux chez L’Herne (« Poteaux d’Angle » 1971). Des aphorismes comme ceux-ci :

« C’est à un combat sans corps qu’il te faut préparer, tel que tu puisses faire front en tous cas, combat abstrait qui, au contraire des autres, s’apprend par rêverie ».

« Celui qui n’a pas été détesté, il lui manquera toujours quelque chose, infirmité courante chez les ecclésiastiques, les pasteurs et hommes de cette espèce, lesquels font songer à des veaux. Les anticorps manquent ».

« Il faut un obstacle nouveau pour un savoir nouveau. Veille périodiquement à te susciter des obstacles, obstacles pour lesquels tu vas devoir trouver une parade…. et une nouvelle intelligence ».

« Dis, le soc de charrue n’est pas fait pour le compromis ».

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Charles Juliet rapporte ce fait que, pendant la guerre, dans cet arrière-pays des Pyrénées-Orientales, Freunlich, peintre juif allemand, s’y était réfugié, loin, très loin, pensait-il de toute menace.

«  Mais dans ce village vivait le chef de la Milice qui opérait dans la région. Cet homme a dénoncé Freundlich qui, arrêté, déporté, a disparu dans un camp d’extermination ». Il y a quelques années, un ami peintre de Charles Juliet alla s’établir dans ce village où il avait passé toute son enfance. « Il y a mené une enquête, écrit Charles Juliet, pour savoir qui avait été le délateur. Il a fait alors cette découverte aussi inattendue que douloureuse : le salopard qui avait envoyé Otto Freundlich à la mort, n’était autre que son grand-père, un homme qu’il a bien connu et aimé » (p.361 Gratitude. Journal IX. 2004-2008).

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Et puis que serait une vie de lecteur sans quelques fulgurances mélancoliques de Fernando Pessoa (« Le Livre de l’Intranquillité« ) ?

« Je donnerais beaucoup pour un chemin conduisant d’un lieu d’où personne ne vient, vers un lieu où personne ne va »

« La beauté des ruines ? Celle de ne plus servir à rien ».