Elle me disait… (épisode 11).

Ellemedisait11

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Elle a l’air de ne pas être là mais quand elle vous regarde, elle est terriblement présente. Elle se tourne vers vous, yeux bleus, yeux vert-clair, vous hésiterez toujours pour repérer leur couleur. Ses yeux changent avec les affres du ciel. C’est qu’elle a un rapport céleste avec les éléments. L’état du Monde, les états du monde (ajoutons-y le minéral, le souterrain, le climatique, l’aquatique même) influent sur ses états d’âme.

Ses paroles dévalent du haut des sommets, stagnent dans les plaines, paressent dans les méandres intimes de ceux qui l’écoutent. Quand la rivière s’assèche, on découvre, sur le limon, la trace de ses mots un peu rudes. Elle ne se soucie guère de savoir si ce qu’elle dit (paroles déjà vouées à l’effacement) ont ou non une quelconque portée, une quelconque profondeur. Le lecteur est embarqué dans son Dire avant toute connaissance de ce qui lui arrive. Et chacun de s’apercevoir dans la houle et dans les vents, mi-étourdi, mi-assuré, qu’il est, en cette lecture, acteur obligé.

Voilà ce lieu particulier dans lequel Elle vous a entraîné : théâtre intra-muros où s’actent sa bravoure, son intrépidité, sa détermination, sa sensibilité.

Ecoutez-la dès le lever de rideau. Ecoutez ses murmures à deux dizaines.

BVBV

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Elle disait : «Beau le ciel quand les dieux l’ont déserté. Beau le ciel avant qu’ils n’y retournent».

Elle me disait : «Linge écrasé/ Lignes et mots torsadés/ Postillons/ Toute l’écume d’un désordre/ d’un désastre amoureux».

Elle disait : «Ses paroles ont beaucoup compté mais le plus important de lui qui me reste, c’est ce «je ne sais quoi».

Elle me disait : «Le «Selfie» a un défaut majeur : le sujet de la photo ne se laisse pas prendre et surprendre par le regard de l’autre».

Elle disait : «La prose en déferlante qui vous vient en bordure du sommeil et que la nuit effacera à tout jamais».

Elle disait : «Au silence des riches dans les pièces du Château, je préfère le tohu-bohu des pauvres dans les Cafés du Port».

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Elle me disait : «Proche, très proche de toi. Pas familier pour autant».

Elle disait : « Cyniques, désabusés, revenus de tout, accrochés à rien, passez votre chemin».

Elle disait : «N’aie pas peur de la tempête des mots. Ne crains pas d’échouer sur le sable. Regarde Robinson Crusoé : il s’en est sorti».

Elle disait : «Tu lis, tu fais ton marché. Tu écris, panier percé».

Elle disait : «Retarde le jour où ton corps ne suit plus tes pensées, où il suit les siennes».

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Elle se disait : «Qui suis-je ? Où vais-je ?» ne sont pas des Questions mais des réponses».

Elle me disait : «Dans ce Monde qui n’est pas le nôtre, y mettre du sien».

Elle disait : «Vaut peut-être mieux lever la tête pour regarder le ciel qu’admirer son propre nombril».

Elle disait : «Les mots s’installent lorsqu’une certaine rapidité égale une certaine lenteur».

Elle disait : «Les crises amoureuses sont comme les accents : graves, aigus. Mais qu’est-ce donc que cette merveille qu’on appelle «Amour circonflexe» ?».

Elle me disait : «Chaque matin, s’arrêter sur la profondeur du mot «Bonjour», sur tout ce qu’il engage de nous, de l’autre, des autres».

Elle disait : «Ceux qui sont morts pour leurs idées et d’autres, hélas, qui continueront de vivre de leurs conneries».

Gravité

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Elle disait : «Jamais les idées claires chez moi. Mais ne suis pas si sombre, des ampoules clignotent».

Elle disait : «La Gravité ? Notre Centre de gravitation».

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3 Responses to Elle me disait… (épisode 11).

  1. jostretto dit :

    J’aime toujours ce qu’elle disait , c’est ainsi.Difficile à expliquer, c’est du domaine du ressenti.

  2. BiBi dit :

    @jostretto
    Guère besoin d’expliquer.
    Toutes ses phrases jetées au hasard de « sa » vie sont à rebours d’un arrêt explicatif.
    Se laisser porter, l’accompagner, laisser résonner en soi, se prendre à ses filets… voilà le but (indéfini)

    Merci pour Elle (lui ?) 🙂

  3. Robert Spire dit :

    Je n’ai pas le temps de trop commenter, mais la lecture de ce blog est un plaisir quasi quotidien, un « bonjour ».

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