Petites histoires et grande Histoire.

Au programme de ce Cours d’Histoire, quatre grands thèmes :

1. L’histoire du premier sondage 2018.

2. En écho au numéro 1 : un extrait du livre de Marc Bloch, historien assassiné par la Gestapo le 16 juin 1944.

3. Parution d’un livre sur les 100.000 collabos.

4. Les analyses d’Annie Lacroix-Riz, historienne dont les livres sur la période 1930-1945 devraient être beaucoup mieux connus.

Enfin, pour la petite histoire, petite cerise sur le gateau-BiBi : le dernier article de Frédéric Lordon, bim-bam sur Macron-décodeur-en-Chef et sur ses «égoutiers» du Net.

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Enième manoeuvre politique que le sondage portant sur le nombre de télespectateurs (10,80 millions) qui ont vu et écouté Macron pendant son quart d’heure de vœux télévisés. Je suis toujours étonné que de «brillants» «journalistes» puissent faire croire – sans évidemment interroger ce présupposé – que ces millions de télespectateurs sont des supporters unanimes de la politique du Grand Chef. C’est cette équivalence que nous ont serinés les radios, télés et autres organes de presse dès le lendemain. Nullité crasse de ces éditocrates et commentateurs qui n’imaginent pas une seule seconde qu’on peut à la fois regarder Macron et être fermement opposé à sa politique.

En feuilletant le livre de Marc Bloch, l’historien qui s’était interrogé sur les raisons de la défaite de 1940 dans un beau livre («L’étrange défaite» en Folio), j’ai retrouvé un passage qui explique en quoi il y a aussi résistance des populations à ce qui nous est asséné quotidiennement. Dans l’extrait proposé, il est question de la Presse de 1940 dont on sait qu’elle fut massivement financée là aussi (Ô Surprise !) par le grand patronat.

Oui, surestimation de la puissance (réelle) des Médias aux ordres. Je ne peux ici que rappeler la campagne pour le Référendum 2005 au cours duquel les Médias à 95% poussèrent au vote «Oui au Traité». On sait ce qu’il advint.

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Toujours interessant de lire des livres sur la Collaboration. Au Cherche Midi, Dominique Lormier a publié «Les 100.000 collabos – Le fichier interdit de la collaboration française». Dans les 278 pages, on trouve un chapitre au titre suivant : «Les différentes formes de collaboration» classées par ordre alphabétique. Cette disposition, façon inventaire et donc sans hiérarchie, permet hélas de noyer le poisson et de dédouaner les collaborateurs économiques (les plus puissants) en les ravalant banalement au niveau des autres. Conclusion implicite : tous les Collabos se valent. Ben non.

Le paragraphe sur cette collaboration économique court sur seulement deux… pages. On y cite l’historienne Michèle Cointet qui laisse entendre que c’est le vainqueur qui «dirige tout», faisant ainsi croire que le grand patronat avait été une victime contrainte du Reich, que la grande bourgeoisie s’était croisée les bras en attendant que l’Allemagne nazie tombe. De fait est éludée la part prise par ces grands patrons (des Maitres du Comité des Forges, des Houillères, de Lesieur, de Renault, de Schneider, de Schuller etc) dans le choix de la défaite et dans la participation active qui suivit.

La même historienne raconte que certes «peu de dirigeants d’entreprise ont été finalement condamnés. Les juges ont écouté les arguments de la défense : contrainte de Vichy et des Allemands». Mais pas un mot sur les conditions des procès, rien sur les juges présents ayant partagé les mêmes idéaux… maréchalistes etc.

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Pour d’autres éclairages, on pourra toujours aller écouter Annie Lacroix-Riz. Dans ces deux vidéos mises en ligne sur You Tube, elle parle du Procès Pétain, des manipulations qui «excusèrent» les Daladier, Paul Reynaud etc. Elle analyse les silences du Procureur général André Mornet, elle revient sur l’existence de la Cagoule qui serait, pour l’historiographie dominante, un «fantasme» etc.

Il faut ouvrir les oreilles (surtout à partir de la 34ème minute du Procès Pétain 3). Là, Annie Lacroix-Riz – s’appuyant sur les sources et les archives – répond avec sérieux sur ces théories du «complot» qu’on lui oppose depuis 1970. Avec toujours la même rengaine d’évitement chère aux historiens français qui veulent faire croire que l’Hitlerisme n’est pas né du grand Capital mais qu’il est le produit et la faute des couches ignares de la petite bourgeoisie et du petit capital. Donc des crétins qui ne comprennent rien à rien. Pour cette confrérie d’historiens, Hitler a tiré sa prospérité de petits épargnants et donateurs dans ses grands meetings. Hitler aurait entraîné alors tout le peuple allemand (avec oublis à la clé : les emprisonnements d’opposants dès 1933, les mesures et chasses contre les Juifs). Quant au Mouvement de la Cagoule, il n’aurait plus existé depuis 1937 etc.

Tout cela n’est pas sans rappeler l’analyse très contemporaine de nos politologues d’aujourd’hui pérorant sur le Front National qui se serait enrichi grace à l’argent récolté lors de ses meetings, grace encore à l’appui massif de la classe ouvrière (avec sondages à la con à l’appui) classe qui – méchante populace, salauds de pauvres – est naturellement bien loin des beaux idéaux libéraux que ces mêmes politologues défendent et ont adoptés.

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Au moment où je m’échauffais à nouveau contre les Policiers du Net de @libedesintox, auto-proclamés Nettoyeurs du Net version Drahi, je découvre l’article de Frédéric Lordon qui reprend – avec beaucoup plus de punch encore et de façon beaucoup plus complète que la mienne – ce qui se trame derrière la décision de Macron de pondre une loi à propos des «fake news» et derrière l’apparition de ces deux Consortiums de la Vérité numérique que seraient les Décodeurs du Monde et les égoutiers (dixit Lordon) de Libedesintox.

Quatre extraits : «On apprend en effet depuis peu que bon nombre de rédactions touchent de Google et Facebook pour mettre à disposition des équipes de journalistes-rectificateurs aidant à purger les tuyaux. Il faut vraiment que l’argent manque pour accepter ainsi de se transformer en égoutiers de l’Internet pour le compte des Compagnies des Eaux qui prospèrent en surface».

«Libération passe la loque pour Facebook, c’est déjà un peu lourd – si c’est rémunérateur. Mais couler cet attelage dans un ministère de l’intérieur étendu, ça va devenir trop – et finir par se voir».

«On était Samuel Laurent [Les Décodeurs du Monde] ou Cédric Mathiot [Commandant en Chef de @Libedesintox] quand même, c’est-à-dire pas n’importe quoi, et voilà qu’on se réveille comme chef de bureau à la sous-direction de la vérité au ministère de l’intérieur».

«La dénonciation de la fake news des gueux a pour objet de faire oublier la fake news des puissants (ou des bons puissants contre les mauvais) (…) Il est inepte une fois qu’on a accordé cette trivialité que tout commence avec l’établissement correct des faits –, quand le seul problème important est celui de la détention – actionnariale».

Voilà qui me fait revenir à ma question posée à @Libedesintox ce dimanche sur Twitter, puis reposée ce lundi matin (puisque sans réponse) :

5 Responses to Petites histoires et grande Histoire.

  1. Robert Spire dit :

    Sur « l’imperméabilité » des gens du peuple aux conseils de nos « despotes éclairés », voici un petit film de Christophe Hadri:
    https://www.dailymotion.com/video/x6ck1ih

  2. BiBi dit :

    @RobertSpire
    Merci à toi pour ta fidélité au blog, à mes petits textes et pour avoir signalé ce petit film. Meilleurs voeux pour toi, tes proches..

  3. Robert Spire dit :

    Les politiciens de tous bords bataillent pour capter les pulsions sécuritaires et xénophobes qui traversent l’opinion. Ce phénomène n’est pas nouveau. Il s’est déjà produit dans les années 1930.
    Merci Bibi et une bonne année 2018 de tes vivifiants articles face à ces journalistes, politiciens, experts… qui colonisent l’espace public pour réanimer ces discours.

  4. BiBi dit :

    @RobertSpire
    Je ferais ce que je peux, en simple Citoyen que j’essaie d’être. Et puis on fêtera un de ces jours mon 10ème anniversaire et mes… 1603 bibillets autour d’une bonne table et de bons vins ! !

  5. Robert Spire dit :

    1603 feuilles, cela fait un beau gâteau avec 10 bougies! 🙂

    Quelques bouquins sur « La vague des historiens de garde »:
    http://sms.hypotheses.org/8743

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