Le Voyage, la Chair et le Verbe.

Trois petits textes re-tombés sous les yeux de BiBi. Le Voyage démarre Rue Roland Barthes dans le 12ième arrondissement parisien, atterrit à Prague et finit chez le Camarade Franz Kafka bien accro à sa meuf Felice Bauer.

Une forme moderne du Mythe.

Se souvenant de ses séjours solitaires en Hongrie, Roumanie, Pologne et Yougoslavie, BiBi est tombé sur ce petit texte de Roland Barthes dont il partage la saveur :

«Vivre dans un pays dont on ne connaît pas la langue, y vivre largement, en dehors des cantonnements touristiques est la plus dangereuse des aventures (au sens naïf que cette expression peut avoir dans les Romans pour la Jeunesse). C’est plus périlleux (pour le « Sujet ») que d’affronter la jungle car il faut «excéder» la langue, se tenir dans sa marge, c’est-à-dire dans son infini sans profondeur. Si j’avais à imaginer un nouveau Robinson, je ne le placerais pas dans une île déserte mais dans une ville de 12 millions d’habitants dont il ne saurait déchiffrer ni la parole ni l’écriture. Ce serait là je crois la forme moderne du Mythe».

Le Lit et la Table.

Aux lecteurs, aux lectrices, aux blogueurs et aux bloggeuses accrochés à leur table et à leur clavier, ce petit fragment supplémentaire de Roland Barthes : «Le lit, c’est le meuble de l’irresponsabilité. La table, celui de la responsabilité».

*

Le Prix du Mariage (Kafka à Felice Bauer).

Toujours cette lettre effarante de Kafka à Felice qui n’éprouva certainement pas la même admiration que celle de BiBi pour ce petit morceau épistolaire. Kafka proposait en effet à son éternelle fiancée un bien curieux pacte. Bien entendu, on pourrait toujours arguer (à assez juste titre) que tout cela n’était que de la littérature (du Mentir-Vrai).

Mais voici comment Kafka le funambule décrivait à sa Dulcinée le genre de vie qu’il lui réservait au cas où ils viendraient enfin à se marier :

«J’ai souvent pensé que la meilleure façon de vivre pour moi serait de m’installer avec une lampe et tout ce qu’il faut pour écrire au cœur d’une vaste cave isolée. On m’apporterait mes repas et on les disposerait toujours très loin de ma place derrière la porte la plus extérieure de la cave. Aller chercher mon repas en robe de chambre en passant sous toutes les voûtes serait mon unique promenade. Puis je retournerais à ma table, je mangerais avec ferveur et je me remettrais au travail. Oh ! Que n’écrirais-je alors ! De quelles profondeurs ne saurais-je pas le tirer ! Sans effort ! Car la concentration extrême ne connaît pas l’effort. Sauf que je ne pourrais peut-être pas le faire longtemps et qu’au premier échec, peut-être inévitable dans de pareilles conditions, je serais contraint de me réfugier dans un accès grandiose de folie… »

BiBi voit d’ici les sourcils se lever, les épaules se hausser, il entend les dénigrements sur ce rigorisme sexuel ou, tout au contraire, des adeptes hocher la tête d’admiration silencieuse.

Un Menteur qui se respecte.

Mais dans la vraie vie, tout fut différent pour l’écrivain pragois : comme tout menteur qui se respecte, Kafka, jamais marié, écrivit comme il put, gagna sa vie dans une Compagnie d’Assurances. Le soir, il s’en allait très souvent voir ses copines geishas dans les bordels de la Ville. Il n’y eut personne pour lui apporter ses repas pendant qu’il écrivait.

Enfin, épuisé par sa force de travail si intensément dilapidée en écritures, il fut contraint d’aller soigner ses quintes de tubard dans un Sanatorium où il mourut, entouré de sa compagne, Dora Dyamant.

Le prix à payer pour que, tout estomaqué, BiBi-lecteur – quelques 90 années après – puisse vous écrire ce billet.

(Et si cette lecture et quelques-uns des billets de Bibi vous ont fait plaisir, il ne vous reste qu’à voter ici pour son blog 🙂

6 Responses to Le Voyage, la Chair et le Verbe.

  1. BiBi dit :

    @pas perdus

    Je me vois bien gagnant et, sur l’estrade, remercier mes bienfaiteurs (BNP, Frank Provost, KIA, le Maire de Paris etc)… sous tes applaudissements bien sûr 🙂

  2. MHPA dit :

    A voté ! (yeux fermés because confiance absolue, et aussi parce que je reviendrai lire ce billet demain )

  3. Rodrigue dit :

    Je vote des deux mains et souscris même au propos

  4. lediazec dit :

    Merde ! Je suis arrivé trop tard, les votes sont fermés !… Chiant, très chiant ! Mais je vote quand même ! Ce n’est pas une machine à la con qui va m’empêcher de m’exprimer, non mais !

  5. BiBi dit :

    @LeDiazec
    Pas même dans les nominés (ils étaient dix). J’ai sorti mon mouchoir et j’ai craché dedans.

    Plus sérieusement, tu m’aurais vu vainqueur ? A remercier les Sponsors sur scène et à parader pour dire que la Culture n’était ni un luxe ni une marchandise ( et autres choses désagréables !).

    Mais je ne renonce pas : l’an prochain, j’ y vais ( si Dieu me prête vie) et je demanderais aux ami(e)s de faire… blog autour de moi 🙂

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