BiBi salue George Haldas.

Je vous parlerai un jour de ces brèves rencontres avec George Haldas, écrivain suisse ignoré de l’Intelligentsia française ( parisienne). Un écrivain décisif avec nombre de livres et nombres de formules percutantes ( principalement dans ses Carnets). Avec cet Homme, rencontré plusieurs fois au Salon du Livre de Genève, cigarillo aux lèvres, lunettes à double foyer, alerte malgré les Quatre-vingt ans passés, BiBi a discuté… football et à travers le Football, bien entendu, il s’agissait pour nous de dire la Vie, l’Echange, de trouver la fraîcheur de la Source et de vilipender les Marchands du Temple.Pour donner l’envie aux Amis de BiBi, quelques perles pêchées dans les eaux du Léman ou ramassées Rue des Philosophes où habite notre ami. 

Dans le rendez-vous que l’on prend avec quelqu’un, il y a un élément un peu concerté, prémédité, programmé presque. On fixe un rendez-vous en même temps que, plus ou moins, on s’y prépare. Bien sur, il y a toujours dans le rendez-vous, comme en tout ce qui est vivant, une part d’imprévisible. Donc une découverte possible. Cela reste néanmoins dans un cadre déterminé. Où la part consciente en nous, d’une manière générale, l’emporte. Tout autre, en revanche, poétiquement et humainement parlant, est la rencontre. On n’y est nullement préparé. Elle nous surprend à l’improviste. Ne nous laissant d’ordinaire pas le temps d’une parade. De sorte que notre réaction est celle de notre être tout entier. Dont la conscience et l’inconscient se trouvent, comme dans un éclair, mobilisés. On peut donc dire que dans la rencontre on se livre, comme malgré soi, sans réserve. Et par là même on se révèle tel qu’on est. Non tel qu’on cherche à paraître, comme parfois dans les rendez-vous. Plus vive donc est l’émotion – poétique ou humaine – suscitée par la rencontre.

Ces êtres qui pensent juste. Et qui ne sentent rien. Les vérités qu’ils profèrent roulent comme des boules de billard sur le tapis, et puis, comme celles-ci, s’arrêtent. Finito. Pas d’ondes, de prolongements, d’échos, en nous, répercutés.

L’Art n’est pas la suprême valeur. Mais il peut témoigner de la suprême valeur.

On ne peut recevoir l’autre, que si on fait le désert en soi. L’oasis c’est la rencontre.

Le silence antécédent au poème est comme un vide dont on sait maintenant – la science aidant – qu’il est, plus que le plein, chargé d’énergie, de potentialités actives qui en l’occurrence vont donner naissance aux mots constitutifs du poème. Celui-là même qui va se manifester par l’écriture sur la page. Le vide (apparent) du silence est, à sa manière, créateur. Quiconque écrit des poèmes – de vrais poèmes – je veux dire organiques et non fabriqués – en fait l’expérience. Comment ne pas penser dès lors qu’il y a une correspondance entre le silence antécédent au poème, à la parole, et ce vide primordial qui engendre le tout. Y compris l’Homme.

Il s’en passe des choses, parfois, dans ce qu’on appelle des conversations idiotes.

Il ne faut pas parler de nos souffrances. Il ne faut parler que de ce que nos souffrances nous révèlent. De nous-mêmes, des autres, de la vie. Du Grand Autre.

Parler n’est rien. C’est dire qui compte.

L’important : être nu intérieurement. C’est là en effet qu’on découvre quel mystère on est à soi-même. Hors toute catégorie ou étiquette ou qualification. Ces vêtements sociaux qui dissimulent notre être intime.

Cela dit, mystérieux bonheur de la perte. Totale. C’est quand on n’attend plus rien, que, tout, parfois, nous est donné. Je dis bien : parfois. Car rien de mécanique ici non plus, de prévisible. Rien qui puisse nous rassurer. Sinon quelle perte serait-ce ?

Naturel que celui qui n’est pas habité, se plaigne de la solitude. Et que, n’étant pas habité, il recherche, dès lors, les autres, et le plus souvent, ne les trouve pas. Alors que celui qui est habité, ne les recherche pas, et en toute circonstance les trouve.

Il y a des malentendus qui occultent la réalité. Et d’autres qui l’éclairent. C’est de ceux-ci dont tu dois t’occuper.

Accepter nos faiblesses, nos défauts, nos vices, ce n’est ni les glorifier, ni les nier. Mais les prendre pour ce qu’ils sont. Des points de départ. A chacun de décider vers quoi.

La panique de n’être pas dans le vrai. De fabuler. De tromper les autres en se trompant soi-même. Matins de vertige.

Suis, malgré tout, de la famille des éternels étrangers. Et des sans-racines. Famille sans foyer. Sans patrie. Sinon en elle-même. Il y a quelque chose de juif là-dedans. Mais pas d’Israélien. Et peut-être est-ce là une des raisons de mon attachement au Christ, qui n’ayant plus ni famille, ni patrie ( qu’il a dépassées, non reniées), est avec tous et avec chacun en particulier. C’est, à vrai dire, dans cette relation à chaque être humain, hors de ses appartenances, que je reconnais ma patrie première. Il serait temps toutefois que je mette ces choses au net. Pour moi d’abord. Mais aussi pour tous ceux qui se sentent, comme moi, perdus souvent.

Tant qu’on n’est pas atteint dans ses assises, on ne sait pas qui on est.

S’ils savaient ceux qui nous font du mal, à quel point ils nous ouvrent la voie.

Écrire pour ne pas sombrer. Mais le contraire aussi : c’est parce qu’on ne sombre pas qu’on écrit.

C’est quand on se sent le plus ravagé intérieurement qu’il faut accomplir avec le plus de minutie nos devoirs quotidiens.

Ce n’est pas moi qui pense. Des pensées me traversent. Dont je suis le premier surpris.

Et encore et toujours : plus tu te sens perdu, plus ponctuel tu dois être avec autrui, comme avec toi-même. Et rigoureux dans le travail. Si dérisoire que ce dernier te paraisse.

Le bonheur me rend sombre. Le malheur m’ouvre à l’espérance.

Pour être vrai, il ne faut jamais penser à ce que les autres peuvent penser de vous.

La peur d’échouer. Plus exactement : on veut se débarrasser au plus vite de ce qu’on a à dire, de peur de n’avoir pas le temps de le dire ou de perdre le fil. Comme le joueur de football qui, angoissé, refile tout de suite la balle à un équipier. Peur de la responsabilité. Tout cela n’étant de ta part que faiblesse, lâcheté, démission. Sois donc impitoyable avec toi-même. Ne laisse rien passer, qui sot de l’à peu-près. En d’autres termes, aie confiance. C’est le doute qui est à l’origine de tous ces troubles. Et me rappelle tout à coup, et aujourd’hui seulement, ce que me disait souvent la Petite Mère : « Ne te contente jamais de l’à peu près. » Allez, tiens, ferme la plume. Comme le paysan sa charrue.
 

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