Maurice Roche, aventurier des Langues.

J’ai «connu» Maurice Roche par ses livres (Compact, CodeX et J’vais pas bien mais faut que j’y aille). Chacun de ses livres bourrés d’incises, de divagations, de fragments, de jeux graphiques, de bifurcations faisait au total un Récit étonnant et détonnant. Humoriste noir (entre rire rabelaisien et rictus à la Antonin Artaud), obsédé des chats et de la Mort, Maurice Roche fut hors-norme. Il avait accordé à l’hebdomadaire France-Nouvelle (avril 1978) une interview incisive, sans complaisance.

A l’heure où le petit Monde littéraire est squatté par des critiques plagiaires, des pleureuses et des écrivaillons d’une arrogance inouïe, BiBi se fait un grand plaisir de publier des extraits (1) de cet écrivain populaire (il fit nombre de lectures publiques), ennemi de la Vie telle quelle.

Crâne et Chat.

«Le Chat et le Crâne sont en quelque sorte les emblèmes de mes romans, «comme les doubles de ma signature» a dit Claude Bonnefoy. Il y a là dérision d’idées reçues, du bourrage de crâne, par mise en abîme, mise en boite crânienne (la boîte de conserve). Il n’est pas nécessaire pour méditer ou réfléchir [ou… penser bibi J] de se tenir la tête ( la sorbonne en argot). (…) Dans cette comédie de l’ivresse qu’est la vie, le crâne symbolise la «gueule de bois» : tête bien pleine de toutes les idioties dont on l’a remplie, saoule de palabres, de bavardages stériles (…)»

L’écrivain, l’écrivant et le Gratouilleur.

«Le rôle de l’écrivain est lié à sa situation. Il est à la fois la conscience (bonne ou mauvaise) de son temps et l’image du temps à venir, des temps à venir. Naguère, Roland Barthes faisait la distinction entre l’écrivain et l’écrivant. C’était l’alternative : ou bien on scribouillait, on ficelait de «bonnes histoires avec les mots de tous les jours» et des poèmes à la «va-comme j’te-pousse-tout-ce-qui-s’passe-par-la-tête» ou bien on faisait œuvre d’écrivain, on faisait de la littérature. Depuis quelque temps il existe, en plus, une catégorie de gratouilleurs qui jouent sur les deux tableaux et dont une certaine critique, généralement à la traîne, signale qu’ils «tirent intelligemment parti des acquisitions de la recherche romanesque» ! C’est le comble !»

Censure.

«Nous vivons dans un pays qui apprécie particulièrement les morts. On ne parle jamais autant des artistes et des écrivains que lorsqu’ils ont cassé leur pipe. C’est ça l’Actualité littéraire : l’article nécrologique dans Le Monde. On aime bien les morts : ils sont inoffensifs et on peut les mettre à toutes les sauces. Dieu sait ce que l’on peut en faire (voir Artaud à ce sujet). (…) Henry Miller l’a écrit dans son livre sur Rimbaud : «Les gens n’ont pas besoin d’originalité, ils préfèrent les copies conformes, des moutons, encore des moutons».

Le Génie est dans la Cave.

Henry Miller toujours : «La place du génie est dans le ruisseau, en train de creuser des fossés, dans les ruines et les carrières, partout où son talent ne risque pas d’être utilisé. C’est un instable, dit-on, sur quoi on lui claque la porte au nez. Alors, pas de place pour lui ? Mais si ! On lui trouve toujours un coin : à la cave». On en a étouffé beaucoup et ça continue.

Ce n’est pas de la soupe, ça.

«Poser le problème de la situation de l’écrivain, c’est faire le procès d’une civilisation où il semble représenter un danger pour la prétendue élite toujours conservatrice et hostile à tout ce qui pourrait perturber son confort et ébranler son pouvoir. (…) Le moyen le plus facile – le plus bête – sera de traiter d’illisible tel écrivain (…). Il y a des précédents «illisibles» ceux que j’appelle les Sismographes : Villon, Rabelais, Sade, Hugo, Mallarmé, Joyce, Artaud etc. Ce n’est pas de la soupe, ça (…) Tout un pouvoir fait en sorte que personne ne puisse entendre le bruit profond des cataclysmes à venir».

Un travailleur (singulier).

«L’écrivain est certes un travailleur. Mais sa situation – s’il s’agit d’un écrivain et non d’un bafouilleur de rêves à la petite semaine, est la plupart du temps intolérable. Dieu merci, il a quand même des lecteurs et il est heureusement défendu et soutenu par quelques critiques et par d’autres écrivains solidaires (…) Il n’a aucun statut, il ne saurait en avoir sauf dans la société idéale dont il rêve souvent et où il ne serait plus ce marginal à qui on laisse volontiers entendre qu’il «exerce une profession socialement inutile».

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(1). Interview par Patrice Fardeau parue dans France-Nouvelle (Avril 1978).

Vagabondage dans les Blogs.

 

Chez l’épicier Guy Birenbaum.

Guy Birenbaum se concentre sur le retour de Jean-Michel Aphatie. Il trouve que, pour sa rentrée, le Journaleux de RTL/Canal Plus est de méchante humeur. Pour BiBi, Jean-Michel n’est pas de méchante humeur uniquement en cette fin d’été. Mettez le bonhomme à droite d’un homme ou d’une femme de Gauche et hop, le voilà qui se trémousse derechef sur son siège, le voilà qui couine et qui ricane, le voilà qui prend un air entendu (genre : «A moi, on ne me la fait pas»), le voilà qui devient ins-tan-ta-né-ment cynique, moqueur ou de… méchante humeur. Son débit

BiBi vote aux Primaires (inter)minables.

Si BiBi avait été de droite et sollicité pour choisir entre Sarkozy, Boutin, Marine et Borloo, il aurait pu siffloter « If I were A Rich Man… » mais penchant plutôt côté Gauche, BiBi a suivi le Top 50 du Parti socialiste et ses Primaires dont il a hâte qu’elles finissent. Dieu ! Le PS n’en aura donc jamais fini avec ses concentrés d’Ego et ses optiques politiques tiédasses pour combattre les Monstres.

Mais malgré ça (soupirs), les Socialistes restent des camarades et dans la cour d’école, BiBi irait évidemment leur porter secours ( il se rappelle sniff sniff l’épisode 2002 resté incompris).

Invité par les bloggeurs Antennerelais.canalblog.com, Hern over-blog, Sarkofrance (et Jgoun l’initiateur de la chaîne) à dire son avis, BiBi ne se lancera pas dans de plus amples développements. Et justement attablé avec le camarade Karl, il a simplement écrit sa préférence sur la page du menu.

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Dalida, Georges Marchais et Jacques Lacan (2)

Dalida dirladada.

Lacan à prendre et à laisser (1).

Les lacaniens vont fêter le 30ième anniversaire de la mort de Jacques Lacan. Même si il n’y a pas de biographie possible – comme en est persuadé Jacques-Alain Miller – BiBi rappellera quand même que Lacan est décédé à Paris le mercredi 9 septembre dans la soirée. Il avait 80 ans et il est mort des suites d’une tumeur abdominale dont il avait été opéré le 2 septembre. Les obsèques du Maître eurent lieu dans la plus stricte intimité.

Dans Le Monde du 11 septembre (!) 1981, Christian Delacampagne parlait de «la magie de son verbe», de «son sens du geste et de l’élocution» et de «son art de conteur». Magie de son verbe : ça dépend sur quel divan on pose son cul et son QI. BiBi a beaucoup ramé pour rire sur les effets-Lacan. Le lendemain de la mort de Lacan, ce furent André Green et Octave Mannoni qui se coltinèrent les articles nécrologiques en fidèles veilleurs du Maître.

Pendant qu’ils dissertaient sur celui qui fit passer son École freudienne à la moulinette un an plus tôt (dissolution en 1980), François Mitterrand rencontrait Margaret Thatcher et on discutait «nationalisations» dans la… Gauche socialiste ! Remarquons encore l’humour involontaire du Monde : au-dessus de l’article sur la mort de Lacan, on peut apercevoir l’entrefilet : « La Comédie intellectuelle« . Hasard sans doute mais hasard objectif : les psys allaient se la jouer (la Comédie) en s’entredéchirant.

On objectait souvent que le style de Lacan était confus, qu’il aurait du écrire comme (ou pour) «tout-le-Monde» pour se rendre plus accessible. Lacan avait déjà anticipé cette critique : «Je n’ai pas écrit mes livres pour tout le monde, pour qu’ils soient compris par tout le monde. Je n’ai pas eu le moindre souci de plaire à quelque lecteur que ce soit. J’avais des choses à dire et je les ai dites». Plutôt réjouissant pour BiBi de ne pas se laisser trop intimider par son Surmoi ! Ce qui doit affleurer et ce qui compte, c’est moins le Un qui se pavane en Société que le Sujet divisé, morcelé, en miettes.

BiBi applaudira donc aux formules tranchantes de la théorie lacanienne sur le Sujet divisé et sur l’Inconscient. Celle-ci par exemple, incontournable (quoiqu’en dise ce pôvre Michel Onfray et ses supporters) : «L’inconscient est structuré comme un langage». Mais BiBi soulignera la pauvreté de son style (qui sidère les fidèles). Mettez James Joyce ou Maurice Roche à côté : question fulgurances et rire qui fusent, y a pas photo. BiBi peut alors corriger quelque peu son titre : «Lacan : à prendre, oui. A lester : surement».

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Pour BiBi, un des seuls psychanalystes à avoir parlé justement de Lacan reste Daniel Sibony. Voilà un choix qui ne fera pas forcément plaisir… à tout le monde (…des psys). Sibony rappelle à juste titre: «Lacan affichait le fantasme d’une «transgression intégrale» de la doctrine, et ce grâce à quelques objets mathématiques érigés en fétiches et à un curieux discours où la rigueur porte sur le flou (ce qui a des effets hypnotiques). (…) Or une «transmission intégrale», c’est la folie de la transmission ; les héritiers se sont d’ailleurs affolés. Et le grand mérite de Lacan, le seul à mon sens, celui d’avoir introduit Freud, il le fit payer très cher à ses émules en les réduisant pour longtemps au statut de fils morts ou mortifiés».

De l’œuvre de Lacan, «on peut en prendre de la graine pour justement ne pas rester dans ce sillage : trouver son propre souffle, ses inconnues, ses lieux d’échange ; porter son énigme aux confins de l’être plutôt que de s’en servir pour fasciner certains êtres». (in «Du Vécu et de l’Invivable». Psychopathologie du Quotidien, pages 199-214)

En écho, on sait aussi que Dame Dolto allait jusqu’à dire qu’il est incompatible d’être analyste et affilié à une institution, «façon de rappeler que la croyance à l’inconscient tient lieu de lien et de filiation». BiBi serait plutôt à accorder plus d’importance aux rencontres effectives qu’aux célébrations (même si celle-ci en est aussi une – indirecte 🙂 !).

A suivre.