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2023. Année de luttes, de respirations, d’amour.

En mars 2023, mon blog fêtera ses 15 années.

Je me suis bien rendu compte qu’en cette année 2022, mes écritures sur le blog ne m’occupent plus autant que les années précédentes. En me retournant, scribe-escargot ou scribe-lévrier, je suis toujours un peu effaré par le nombre de mes billets écrits (1715 !) effrayé aussi d’avoir revêtu si longtemps la panoplie du stakhanoviste. Parfois, je me dis que tout ce remue-ménage, toute cette folie obsessionnelle sont bien inutiles, que je suis resté bien trop longtemps « le concierge de l’événement ».

Mais bien sûr, je me leurre, je l’ai voulu, j’ai persisté, encore et encore. Et je continuerai d’écrire.

Par pulsion. Par rage. Par poussées de fièvre.

C’est que lorsque je regarde l’obscénité du Réel, impossible de ne pas continuer. Pas de désertion possible. Restera toujours ce chemin de l’écriture, cet éternel sentier solitaire. Georges Perros écrivait justement : « L’écriture a cette vertu de nous faire exister quand nous n’existons plus pour personne ». Derrière nos pseudos, nos incises facebookesques, nos fariboles twittesques, existons-nous ? Si oui, alors de quelle existence ? Je vous laisse méditer.

Bien entendu, je continuerai d’écrire.

Ailleurs. aIlleurs. aiLleurs. ailLeurs. aillEurs. ailleUrs. ailleuRs. ailleurS.

Bifurcations nécessaires. Un livre. Des Carnets. De la prose en boîte. Des mots à l’air libre.

Tristement bercé par Pessoa et Léonard Cohen, enjoué par les guitares manouches ou les furies des Stooges, je continuerai de dessiner, de creuser, de concasser, de multiplier les entailles (dites) poétiques, et, aussi, de me reposer, haltes en prose ou encore, temps de pêche au bord des rives romanesques. (Pour les aphorismes, j’ai déjà donné).

Ce dernier billet 2022 ne sera pas celui de la Confession, de l’Intimité. Toujours, il y faut de la réserve, de la retenue. Tout se dit, tout s’écrit en murmures, en fausses pistes qui se révèlent plus vraies que nature, en jeu de cache-cache, en approximations chargées de ruses, en très sérieuses arabesques, en terrains d’aventures, en terrains vagues, là où précisément se disent et s’écrivent les idées les plus précieuses.

Aussi tournons ensemble la page 2022 et ne nous éternisons pas : à toutes, à tous, fidèles lectrices et lecteurs assidus, nouvelles venues, lecteurs occasionnels, à nous tous, souhaitons-nous une bienheureuse et bienveillante année 2023. Une année de luttes, de respirations, de promenades sur la grève, d’ascensions aux pics les plus improbables, une année de rencontres et d’échanges.

Et pourquoi ne pas l’écrire plus crûment ?

Une année d’amour.

Fatigué mais entêté.

« Savoir consume des forces, mais ne pas savoir les épuise »

(Maurice Blanchot. « Le pas au-delà »)

Ne nous voilons pas la face : la période est à la fatigue.

* Fatigue de devoir rappeler que nous sommes dix ans après le début des persécutions contre le toujours emprisonné Julian Assange, fondateur de Wikileaks. Fatigue mais entêtement à le rappeler surtout à toute cette journaille qui regarde ailleurs.

* Fatigue de voir toutes ces commémorations.

Celle du 11 novembre par exemple qui voit tous nos politiques pleurnichant les morts de cette boucherie 1914-1918 en taisant la responsabilité des Etats impérialistes d’alors. A ceux que la fatigue n’a pas submergé, lire et relire le petit opuscule de Lénine («L’impérialisme, stade suprême du Capitalisme»).

* Fatigue sur le silence de ces anniversaires non célébrés par nos si éminents Européens. Ainsi des funestes Accords de Munich (28-29 septembre 1938) qui virent les gouvernements anglais et français baisser leur froc devant le pacifiste Hitler. Oui, fatigue.

*

*Fatigue, écoeurement (mais sans étonnement) de voir les crevures racistes tenant le haut du panier médiatique déverser quotidiennement leur haine du prochain.

*Fatigue à voir surtout les genuflexions ou les silences des Courtisans. Je pense ici aux troupeaux de moutons, de ceux qui plastronnent sur les écrans des milliardaires, qui ont des mots très durs sur le monde d’aujourd’hui mais oublient les mots «Macron, fascisme, Meloni, Darmanin, RN, Hanouna, Bolloré» dans leurs logorrhées.

Hanouna et ses soutiens.

*

*Fatigue de devoir rappeler que, le 15 janvier 2022, Mediapart publiait un article sur les violences sexistes à Radio France, parlant d’un «constat accablant». Sa directrice sarko-macroniste compatible, Sibyle Veil s’engageait à mener une enquête tout azimuth. Pour l’instant, silence dans les rangs radiophoniques. De Léa Salamé à Sophia Aram, de Renaud Dely à Bruno Duvic, de Fabienne Sintès à Marc Fauvelle qui ont pignon sur rue médiatiques.

*

*Fatigue mais entêtement à rappeler les conflits d’intérêts dans le scandale qui touche Agnès Runacher-Pannier, Ministre de la Transition écologique qui a violenté ses enfants en leur ouvrant des comptes dans les paradis fiscaux.

*Fatigue à rappeler ce que font les fils et filles de. Prenons Bolloré. Il a préparé notre présent et notre avenir et surtout celui des Africains depuis longtemps. Voyez les destins de ses deux rejetons Yannick et Chloé. Voyez, pas loin, le coquelet Antoine Arnault et la petite Delphine, copine de Brigitte. Bourdieu parlait déjà de ça dans les Héritiers. Trente ans après, le mécanisme de la reproduction sociale est de plus en plus perfectionné jusqu’à nous épuiser.

*

L’accumulation de scandales, d’exhibitions de pourritures sur nos écrans (quand on les ouvre) sont là, non seulement pour nous éreinter mais pour nous démobiliser et nous pousser à faire les autruchons. En quatre jours de Macronie, on a eu : les obscénités d’un De Fournas, la Ministre Runacher Pannier, le larbin Hanouna et le sinistre de l’Intérieur Darmanin revêtant la panoplie de l’antifasciste et du protecteur de migrants. Où trouver les antidotes contre cette fatigue qu’ils nous inoculent ?

Me souviens de ce vieux bonhomme fatigué sur lequel j’avais fait mon premier clip-vidéo.

« Hier en Italie, à l’âge de 93 ans, est mort un homme qui vivait depuis vingt ans dans les chemins de fer. Il ne cessait d’aller d’un train à l’autre, n’ayant pas d’autre domicile. Ancien député, il disposait de billets gratuits. Sa grande fortune ayant disparu, il ne lui restait plus que ces billets. Il mourut dans la gare principale de Turin, alors qu’il s’apprêtait à changer de train. »

*Fatigue, soupir : chacun sa façon singulière de descendre au Terminus.

*

*Fatigués, bien sûr. Comment ne le serions-nous pas ? Heureusement, d’autres l’étaient et nous ont rapporté leur expérience singulière de résistance.

Imre Kertesz, rescapé d’Auschwitz et de Buchenwald, rapportait ce mot allemand «Weltvertrauen» qu’il avait emprunté à Jean Améry, autre survivant, mot qu’on pourrait traduire par «la confiance accordée au monde». C’est de cette confiance basique, indestructible qui nous préserve du pire, qui nous fait tenir debout malgré nos corps endoloris, malgré le poids de confusion dans nos pensées.

Et c’est encore Jim Thomson («1275 âmes», n° 1000 en Série Noire) qui, du fond de son agitation intérieure, nous en parlait le mieux.

«Je m’appelle Nick Corey. Je suis le shérif d’un patelin habité par des saoulauds, des fornicateurs, des incestueux, des feignasses et des saloupiauds de tout acabit. Mon épouse me hait, ma maîtresse m’épuise et la seule femme que j’aime me snobe. Enfin j’ai une vague idée que tous les coups de pied qui se distribuent dans ce bas monde, c’est mon postère qui les reçoit. Eh bien, les gars, ça va cesser. Je ne sais pas comment, mais cet enfer va cesser». 

*

Bien entendu, cette fatigue infernale ne cessera pas mais, comme tout se termine en musique, on pourra s’arrêter sur cet instrumental qui nous persuadera provisoirement que la Vie l’emportera.

Le courage de Céline.

Peu de gens parlent de son courage

… du courage qu’il lui faut pour se taire devant TOUS (puisque désormais sa parole, consignée en main-courante, est devenue publique).

… du courage qu’il lui a fallu pour faire ces deux cent mètres entre la maison et le Commissariat du quartier.

Du courage, il lui en faudra encore et encore pour tenir bon devant le déferlement médiatico-politique, pour affronter ami(e)s et ennemi(e)s, pour subir probablement les réserves, les sous-entendus dans sa propre famille, les inimitiés dans sa belle famille qui parlera – elle en est sûre – d’un geste impardonnable.

Elle commence à percevoir que, du courage, il lui en faudra pour être tout simplement Céline, femme parmi les femmes, pour repousser l’image à vie d’avoir été celle qui a détruit son mari, celle qui a stoppé la carrière d’un politique prometteur. Et ce cirque autour d’elle n’est pas prêt de s’arrêter. Elle a déjà essuyé toutes sortes d’insultes publiques, un panel incroyable, des insultes avec doigt vengeur, elle a vu ces désapprobations silencieuses, tous ces regards, tous ces murmures, toute cette méchanceté inimaginable, surtout aux sorties d’école et – paraît-il – aussi sur les réseaux sociaux. Elle a déjà entendu Sorcière, Mégère, Souillasse, Balance, Salope, déjà entendu que, merde, il fallait régler ça en privé, et que, bordel, qu’avait-elle besoin d’aller voir les flics pour si peu.

Ils ne savent pas.

Ils ignorent le prix à payer en silence, ils sont dans cet autre monde où tout est nié de cette souffrance qui vous mine et qui vous consume intérieurement. Quoi ? Une gifle serait un simple mouvement d’humeur ? Toute cette histoire, ce serait trois-fois-rien ? Mais que savent-ils du poids d’une gifle balancée par un être qu’on aime, qu’on a aimé et à qui, en toute confiance, on a dit oui pour une vie commune ? Savent-ils seulement que ce cataclysme est pire qu’un coup de grisou, pire qu’un tsunami, qu’un tremblement de terre. Non, ils ne savent pas. Ils résument cette gifle reçue à une douleur physique, à une marque temporaire laissée sur le visage. Et puis, ce genre de choses, ça passe, ca s’oublie vite. Ils n’ont pas idée du poids indicible que pèse ce geste, d’un poids si profond qu’il pénètre dans les chairs, dans les fibres – à l’insu ou non. Ils ignorent que cette main lancée, elle la voit partout, tous les jours, en faisant son lit, en passant l’aspirateur, dans les rayons de Carrefour, aux premières pages du livre qu’elle vient d’ouvrir.

Lors de ses passages télévisés, elle regardait ses mains, elle n’écoutait plus ce qu’il disait, ce qu’il répondait avec ce calme impressionnant qui fait l’admiration de chacun – même hors de leur camp politique. Elle devinait ses mains à plat (celle de droite) sur le pupitre, elle pouvait presque admirer ses justes réparties, sa finesse politique (qu’elle partage) mais pour le reste, en ce qui la concerne, personne ne peut imaginer quelle force il lui a fallu pour repousser la fatigue qui la mortifiait, quelle énergie il a fallu engager pour continuer à jouer son rôle dans la Comédie sociale. Ah cette obligation de paraître digne et parfaite en tous points ! Il n’y a pas que chez les riches qu’on est astreint à tenir son rang. Tenir son rang ? Céline a compris ce que cela veut dire : se taire, se terrer, ne rien laisser paraître. Il y a une semaine encore, accompagnant X à l’école, son amie Josie s’est exclamé « Tu as une mine superbe » alors que son cœur faisait naufrage. L’épouse doit rester à la place assignée de tous temps, de toutes les sociétés, à cette place du retrait, du visage apaisé ou de l’invisibilité.

De plus, il lui a été impossible de trouver une porte ouverte pour s’épancher, se plaindre, dire sa peine, la déposer en toute confiance, impossible de trouver un interstice vivable pour se délester un peu de son effroi, pour partager la dévastation qui a suivi la gifle… geste dont elle ne l’aurait jamais cru capable. Quelle instance pour accueillir sa parole ? Qui dans le Mouvement d’Insoumission pour accepter qu’elle fasse valoir la vérité de cette violence ? Qui pour lui venir en aide ? Où trouver cet espace-là ? Depuis la gifle, personne ne le sait plus qu’elle : tout a changé, absolument tout. C’est que depuis, il est devenu l’homme politique en pleine ascension, le premier et le préféré dans la filiation politique. Se plaindre. Dire la vérité : sacrilège.

Que deviendra le Mouvement ? Elle n’en sait rien mais elle ne regrette rien. Ses amis qui lui tournent le dos, elle s’en désole, elle en pleure mais elle reprend pied et ses insomnies ont quasiment disparu. Elle ne regrette rien. La brèche ouverte dans les têtes et le cœur des gens de Gauche ? Elle est là, elle ira s’élargissant mais, aux épreuves de la vie politique, de la vie tout court, le Futur (proche ou lointain) offrira toujours des solutions. Les espoirs déçus, les fuites en avant, les désertions, les réponses désolantes au plus haut point hiérarchique, les faveurs prioritaires au fils préféré et à la filiation 2027, ce n’est pas de son fait. Que chacun se débrouille avec ! Que chacune s’en arrange ou non !

Et… que la Police ait divulgué le contenu de ses propos, qu’elle les ait vendus au Canard Enchaîné, qu’il se soit agi d’un honteux secret professionnel bafoué… tout cela n’est pas sa priorité, n’est plus vraiment sa question. Il y a des citoyens et des citoyennes pour s’en emparer. Ses fibres à elle restent définitivement, tranquillement ancrées à Gauche. C’est son socle.

Elle a relevé la tête. Le soir, elle pleure toujours un peu avant de trouver le sommeil.

Mais les matins, elle ne joue plus le même rôle dans la Comédie sociale généralisée. Elle relève les manches, elle n’attend rien. Elle plie mais ne rompt pas.

Et elle marche. Elle s’arrête puis repart.

Elle tient, elle tiendra bon.

Garrido-Corbiere : une calomnie très au Point.

Lorsque les médias moutonniers avaient propagé – sans le temps de la vérification – la nouvelle de la pseudo-arrestation de Dupond Ligonnès à Glasgow, suivant aveuglément en cela la fierté de notre police d’investigation, on pouvait encore en rire. Un peu moins cependant lorsque – bis repetita –  une journaliste de France Inter et nombre de ses confrères se faisaient les porte-paroles de Castaner dans l’épisode de La Salpêtrière, proférant sans attendre un lot inimaginable d’insultes contre les gilets jaunes.

Avec l’énorme affaire du Point et de son journaliste Aziz Zemouri, nous avons quitté la préhistoire pour entrer de plein pied dans l’ère institutionnalisée de la calomnie.

*****

Quid de ce tremblement de terre ? Des effets durables, inexorables, inoubliables ? Hélas non, car, une fois ce week-end passé, toutes ces secousses médiatiques seront neutralisées. Ce sera le retour au calme plat dès la semaine prochaine : comme souvent, c’est cette inertie qui constituera alors la plus grande des censures. Ce n’est donc pas encore demain qu’on jettera aux oubliettes les neufs milliardaires des Medias et leurs sous-fiffres rédactionnels.

Je me dépêcherai donc d’écrire ce petit billet pour que quelque chose reste dans ce laps de temps et accroche quelques lecteurs et lectrices du blog. La bataille Garrido-Corbière tombera dans l’oubli, elle sera perdue (mais pas la guerre, hein ?). A l’Oubli, s’ajoutera l’autorégulation des médias dominants qui savent introduire dans leur discours ce qui les nie et ce qui les met en cause. C’est que le Capital réussit quasiment toujours à boucher les interstices, à parfumer en Chanel les égoûts les plus nauséabonds. Ce n’est evidemment pas une raison pour que je n’y ajoute pas mon grain de sel, que je ne tire pas une flèche de BiBi.

Faire le Poing.

Jusqu’à aujourd’hui, on avait une frange du lectorat du Point qu’on pouvait classer en cadres-de-leur-temps qui avaient su discipliner un fascisme libéral en libéralisme bon enfant. Pinault chiraquien était finalement un bon bougre qui aimait les pommes et Bernadette. Mais depuis la poussée d’une Marine Le Pen dédiabolisée, les lecteurs-récepteurs lambda du canard-laquais sont prêts à tout avaler.

Cet assujetissement d’un lectorat en rut consommatoire de scandales, cette flopée de lecteurs gloutons ruminant leur passage au RN sans problème, cette ingurgitation de normes fascistoïdes ne seraient guère possibles sans le concours et la solidarité des rédactions amies et concurrentes. Evacuons vite fait le contresens de « Journalistes, tous pourris » et levons nos verres aux précaires, aux derniers va-nu-pieds de la presse, à cette infime minorité qui se bat – vaille que vaille.

Non, ceux mis en cause sont cette cinquantaine de pisse-copies en col blanc, ces sommités de papier hygiéniques, ces crevards en écran 16/9 et ces modérateurs-animateurs du type Grandes Gueules.

Unanimité hiérarchique.

J’ai remarqué que, jusque dans cette fange médiatique il y a encore une hiérarchie. Le premier de tous ces menteurs repérés sur les réseaux sociaux fut un certain Paul Denton qui court après un poste de grand média (53000 abonnés Twitter. Pas rien). Ce fut lui qui donna le coup d’envoi de la ruée (dans le mensonge) et sonna le début de la chasse du jour. Dans son tweet, remarquons qu’il n’y a ni conditionnel, ni guillemets, ni vérification, ni attente pour exposer les « faits ». Son habitus anti-Gauche qui explose illico après la parution de l’article, fait déjà corps avec le mensonge du Point.

Le second, Eric Revel, ex-journaliste du Parisien-TF1, invité des chaînes et radios de la honte (ce matin encore à Sud-Radio).

Bien entendu, ne sont pas en reste nos grands intellectuels de droite, pignoufs colorés et mâtinés de couleur brune. Oh ils ne se sont pas donnés le mot, ils ne se sont pas téléphoné : nul besoin. La haine des Insoumis et de la NUPES leur a suffi pour jeter leurs tweets orduriers à vitesse supersonique. Ils le tenaient enfin leur os à ronger ! Ils ne l’ont pas lâché, ils s’y vautreront même avec un enthousiasme incroyable. Le Climax. L’Extase. Deux jours. Le temps de faire jaillir les eaux de la Vérité. Le temps de supprimer leurs tweets.

Inventaire du haut-du-panier.

Raphaël Enthoven, Caroline Fourest de LCI (La Chaîne Immonde), Claude Weill (Lobs). Une chose frappe dans ce concert unanime, c’est la hargne, l’insulte, l’acquiescement sans limite si semblables aux insanités proférées par les tweetos fascistes. Ce sont désormais des tunnels à ciel ouvert, des autoroutes de l’obscénité qui relient les uns aux autres.

A un tweeto qui tentait de minorer l’avis de ce nullard d’Eric Naulleau et tentait de me mettre de son côté, je lui rajoutais cet autre tweet de calomnie :

***

La presse économique, elle aussi, ne voulait pas rester en queue de peloton. Dans l’enthousiasme, nous avons Emmanuelle Ducros de L’Opinion (voir capture plus haute). Allons plus avant : voila Géraldine Woesner du… Point, Marion Van Rentherghem de L’Express et Eugénie Bastié du Figaro/ CNews. Cette dernière avouera avoir fait « confiance » au Point, ayant trouvé de tout temps que cette feuille de chou d’extrême-droite avait été « une source fiable ». Ah cécité idéologique, quand tu nous tiens !

Les excuses.

D’abord celle (défense de rire) de la directrice du Point, excuses faisant suite à celle d’Etienne Gernelle. Géraldine Woesner est ainsi présentée (Linkedin) : « Géraldine est une journaliste de talent, déterminée et organisée. Elle possède un excellent sens du contact. Elle a également un très bon carnet d’adresses ». Une responsable au plus haut… point écrit sans ciller que l’article paru dans son hebdo – avec son aval – est… « ahurissant » !

Mais le tweet qui résume bien cette pauvre stratégie des « excuses » c’est celle avancée par Benjamin Sire, journaliste à Franc-Tireur, qui nous délivre un tweet de haute volée. Ce seront quatre lignes aux magnifiques éléments de langage qui – à peu de choses près – sont les mêmes que ceux de la journaille de la presse des milliardaires. Des « excuses » via lesquelles il tente d’enfumer l’opinion. Bascule finale de ce chien de garde : il nous faudrait… « louer » le courage de ses collègues… Nous pouvons donc vomir.

***

Je laisserai le dernier mot à une de mes abonnéee Twitter qui dit l’essentiel à Géraldine Woesner, journaliste en chef du Point, « pigiste » quotidienne chez ce mollusque de Pujadas.

A propos d’«Ecritures carnassières» le livre d’Ervé.

Arrêt-bibi sur le livre d’Ervé, clochard céleste qui « taquine la rue », perdu et retrouvé, retrouvé et perdu avec pour balises essentielles la tristesse, la mélancolie, la rage contenue, deux poumons, un coeur amoureux et 147 pages.

Solitude, premier constat.

Le premier constat intime d’Ervé est rude, sans fioritures et sans pitié. « Aucune odeur paternelle. Et aucun souvenir de tendresse féminine. Comment se construire donc sur le néant ? »

Cela m’a instantanément rappelé le voyage de Françoise Dolto au Brésil où elle faisait remarquer à d’autres psys que les enfants des rues de Rio, orphelins, s’en sortaient plutôt beaucoup mieux que d’autres, ayant très tôt appris à vivre sans père ni mère. Leur trajet de Vie, dès lors sans confrontations et heurts oedipiens, leur laissait cet espace à chercher ailleurs pour ne pas mourir.

C’est donc par l’Enfance, tiroir princeps de ses souvenirs, que tout commence ici. Comme dans la chanson qu’Etienne Daho chante et qu’Ervé aime bien. «Les premiers jours de ta vie».

Premières lignes : ni dissertation, ni bavardages.

Pour emprunter ses chemins de fuite et de roublardise, Ervé a trouvé les mots… les siens. D’emblée, son écriture écarte tout chichi, rompant avec toute joliesse, fuyant les angles arrondis, les arabesques et les alibis esthétiques. Juste des notations simples et précises, beaucoup plus efficaces que de «grandes pensées». Son «Je laisse les mots courir pour moi» me rappelant un éclair de l’écrivain-chroniqueur Georges Haldas : «Ce n’est pas moi qui pense. Des pensées me traversent. Dont je suis le premier surpris». Sur sa lancée, Ervé se définit comme «scribe extérieur» mais là c’est un premier petit «mensonge» car tout lecteur découvrira qu’Ervé est, au contraire, tout présent à son écriture et que jamais, dans ses pages, il ne perdra cet essentiel contact avec soi.

Premiers moments matinaux.

Un va-et-vient, une oscillation au réveil, entre deux souffrances : celles inutiles mais présentes et celles créatrices à venir (dans un livre lointain, encore inimaginable). Et pour qu’Ervé puisse dire, puisse surmonter les seules souffrances (inutiles), le voilà qui balance ses mots en jets discontinus, en raccourcis saisissants, tous bruts de décoffrage. Mais, ne pas se méprendre, le contact d’Ervé avec soi n’est jamais un repli égoïste, maniéré, tel l’egocentrisme des écrivaillons modernes qui pullulent hélas aujourd’hui.

Une fois encore, Ervé ne disserte pas, il ne bavarde pas. Il tente de traduire le texte original de son enfance perdue, sachant, au fond de lui, que sa réécriture l’occupera toujours, bien au-delà même de son livre.

Une écriture proche de la rigueur.

Une écriture à mille lieues de la rigidité. Plutôt proche de la rigueur avec cette construction par petits chapitres multipliés (une cinquantaine), aux titres à la Burroughs, avec une multiplicité d’épisodes livrés en vrac mais pas forcément dans le désordre temporel : épisodes de rencontres, d’affrontements, temps bienfaisants de solitude, d’amitiés brèves mais intenses, souvent inexorablement perdues.

Premiers refuges.

En écho-bibi, une similitude troublante (ce ne sera pas la seule) avec la destinée d’un jeune connu en Foyer d’Enfance où je travaillais. J’avais noté dans mes carnets d’éduc : «Le désespoir dans ses yeux lors de la visite de sa mère. Ne viens plus. Ne viens plus M’man, implorait Marvin. Au départ de sa mère, il saute le mur et part à nouveau en forêt. Revient une heure après, apaisé». Un Marvin, qui, lui aussi, partait à la recherche de cet «Arbre Bleu» tout réel dans l’imaginaire d’Ervé.

Premiers baisers. Premières dettes envers un éducateur et un veilleur de nuit qui le laissent écouter la radio sous l’oreiller. Premières amitiés, celles prioritaires, obligées au Foyer (Ben, Krystof, le garçon punk…)

L’Enfance comme marque.

Ni père, ni mère. Du coup, Ervé montre sa débrouillardise – mais pas celle, consolatrice et rêvée, propre aux faux rebelles petits-bourgeois. Une débrouillardise qui a affaire avec/contre ce «tatouage permanent» dont on ne se défait jamais, tatouage signalé par ces trois flèches : «Cas social tu es, cas social tu restes. Comme gravé sur le front. Ma plaie de naissance». Un clou fiché en plein cœur et en plein corps. Donc une «débrouillardise» bien éloignée d’un détachement serein. C’est qu’Ervé est ailleurs, dans ce monde réel, arpentant ses trottoirs et ses sentiers malodorants. Ervé est à plein dans la misère, cette « Madame la Misère » que chantait Léo Ferré, cette misère, ennemi indéboulonnable qui te surplombe où que tu sois («On a beau la connaître et s’y être baigné, l’odeur de la misère reste sans nom»).

Des friches et un trio.

C’est dans ces friches que le scribe Ervé taille à la serpe. Avec ses mots comme des morsures, sous le regard canin de son Croisepattes, avec des mots qui affolent les boussoles et les compteurs. Des mots : ceux de l’Amour pour ses filles, ses deux poumons et ceux pour Claire («Je n’ai jamais su t’aimer à ta juste valeur puisque j’en suis incapable») mais (t’exagère, Ervé) c’est un Amour transfiguré, porté à incandescence, petite bougie impossible à souffler même si l’errance perdure. Non, Ervé tu n’es pas si «minable sur le sable» puisqu’elles te liront toutes trois. Trois : tes deux poumons (tes deux filles), poumons si près du cœur qu’ils (elles) sauront à te lire que, tout bringuebalant que tu es, tu tiens – malgré et envers tout – debout en paternel. Debout, bien debout et pas qu’un peu.

Et en trois, Claire autre lectrice, probablement toute aimante à ce que tu écris d’essentiel en un seul prénom, le sien. Et même plus encore, en un diminutif éclairant, incontournable pour toi : « Je t’aime Clairette… à ma façon ».

Et sache, Ervé, que tout lecteur, toute lectrice aimera assurément ton livre.

Chacun, chacune, bien entendu, à sa façon.

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ERVE. Ecritures Carnassières. Collction « A Vif ». Chez Maurice Nadeau.