Monthly Archives: novembre 2021

Y en a marre : un dimanche matin sur France Inter.

Ce dimanche matin, l’antenne de France Inter avait Alexis Levrier (1) comme invité d’honneur.

Il venait parler des relations entre la Presse et les Politiques. Il disserta sur la vampirisation de Bolloré. Fort bien -c’est toujours bien de se ruer sur le bouc emissaire – mais cette ruée lui permettait, dans les temps d’antenne qui ont suivis, de nous présenter un Macron 2017-2021 sans lien de dépendance avec la Presse ! :-))

Il aurait pourtant suffi de lui rétorquer :

  1. qu’en 2016-2017 Macron avait été la personnalité politique la plus médiatisée dans la presse.
  2. que les quotidiens Liberation, l’Obs, le Monde et L’Express avaient totalisé plus de 8000 articles sur lui contre 7400 pour – tous les trois réunis – Mélenchon-Hamon-Montebourg.
  3. qu’il lui aurait fallu – à titre d’exemple – lire mon billet sur le numéro de janvier 2017 du Point-Pinault et ses 48 pages d’adulation sur notre très détestable Emmanuel.

Mais nous sommes sur France Inter et nos animateurs Jérôme Cadet et Carine Rochat ont autre chose à faire qu’à préparer sérieusement leurs dossiers.

Y en a marre de ces expertises à la con.

Voulant bien entendu continuer sa démonstration que « Non, Macron n’a pas été le candidat de la Presse », notre bel expert universitaire a décoché ses flèches. Mais demandons-nous quels sont donc les discours qu’Alexis Levrier veut disqualifier ? Le voilà d’abord qui envoie une première flèche contre le discours (supposé) des Gilets Jaunes (2) avant de décocher sa seconde en râlant contre ceux (celles) qui appartiennent à « la critique radicale des Médias » (3). Il poursuit : « Macron manquait alors [2017] de relais dans la Presse ». Défense de rire !

On pourrait lui souffler de (re)lire « Crépuscule » de Juan Branco, lui (re)dire les liens forts des deux derniers directeurs du Monde avec le candidat 2017, l’amitié de Bernard Arnault, le relais Le Point-Pinault-Lagardère, les Unes du JDD, les photos de Paris-Match, les articles du Figaro, de La Montagne etc. etc.

Y en a marre des déformations sur le discours critique.

Dans la même émission, Alexis Levrier nous ressert le même discours dans la défense (supposée) des journalistes en les globalisant (c’est tellement plus simple d’ignorer les contradictions du champ) puis il enchaîne sa démonstration via un exemple :

Ecoutons-le :  » Il suffit de voir l’attitude du journal Le Monde à l’égard de Macron. Le quotidien n’a pas hésité à lancer des affaires comme l’affaire Benalla alors même que le couple Macron a des liens avec Xavier Niel ou avec Mimi Marchand. Cela ça n’a pas empêché Le Monde de faire un travail …« 

Voilà donc notre expert qui a subtilement quitté les deux années décisives de promotion par la Presse (2016-2017) pour sauter en 2018 (année moins chargée d’enjeu évidemment). Et là, pas de bol, BiBi veille : c’est que notre expert s’arrange joliment avec le Réel. Avec cette affaire Benalla, il oublie que c’est une vidéo de Taha Bouhafs qui fit un gigantesque buzz le premier mai de cette année-là et… que Le Monde fut alors obligé – pour suivre l’énorme mouvement d’interrogation et de protestation – de faire une enquête (deux mois et quinze jours pour trouver …. un seul nom !). Oui, obligé. OBLIGE.

Y en marre de ces exemples non-exemplaires.

Pour nous présenter un Macron traitant enfin les journalistes avec bienveillance (on approche des Présidentielles. Aussi faut gommer les défauts du Maître !), notre Universitaire aux anges nous serine qu’aujourd’hui avec Macron on serait « dans une logique d’apaisement avec la Presse, ce qui contraste avec le début de son quinquennat… ça change aujourd’hui IL FAUT S’EN REJOUIR ! ».

A la rescousse, il se sert du récent entretien de La Voix Du Nord avec le Président qui a accepté de parler, cette fois-ci, sans demander à ce que l’entretien soit avalisé par l’Elysée avant publication ! Quel progrès réjouissant ! Quelle avancée !

Devant l’aura de La Voix du Nord, j’aurais quelques réticences à présenter. Voyez ainsi mon tweet en réponse à celui de Julien Lécuyer, journaliste enthousiaste du bureau de Paris. Voyez son extase devant les potiches élyséennes LREM non masquées (en particulier Castex aujourd’hui touché par la Covid malgré deux doses).

Y en a marre du supposés « tous journalistes, tous marionnettes ».

Non, cher Alexis, perso, je ne pilonne que sur ceux que je vois jusqu’à l’overdose dans les grands médias des Millardaires, hein ? Et je me range du côté de ceux sur lesquels vous vous taisez, du côté de tous ces autres (précaires, désespérés, écartés, censurés ou en auto-censure).

Les « grands » journalistes, les « grandes » plumes  n’ont pas besoin d’une ligne téléphonique directe avec l’Elysée pour écrire. Oui, ils ne reçoivent pas d’ordre de Macron car ils n’en ont pas besoin : ils ont été recrutés parce qu’ils partagent et ont intériorisé – à très peu de choses près –  les valeurs dominantes de leurs Rédactions. Pour faire plus court, je fais ici un énième rappel : celui des analyses d’Alain Accardo.

Y en a marre de ces satisfecit directoriaux.

Laurence Bloch porte aux nues sa radio. Directrice de France Inter, la voilà très impressionnée par le nombre d’auditeurs (plus de six millions). Mais, comme toujours, est tû le pourcentage de ces mêmes auditeurs qui sont satisfaits (ou non) des programmes (surtout ceux qui groupent émissions politiques et journaux 13h-19h).

Rappelons une chose simple : on peut écouter une radio (publique, la NOTRE) et suivre ses émissions même si, globalement, on ne les aime pas. L’auditeur.trice instatisfait espère toujours que sa radio publique sera enfin pluraliste, qu’il pourra écouter autre chose que les inamovibles Lea Salame, Nicolas Demorand, Dominique Seux, écouter autre chose que les économistes libéraux, ne plus partager les tris très très discutables des éditoriaux et des titres de la rédaction de Bruno Duvic ou pouvoir contester la sélection des questions du Téléphone Sonne de Fabienne Sintès. Sans compter les invité(e)s ministériel(les) qui squattent les émissions quotidiennes (7/9 Inter) et les annonces gouvernementales sur la Covid.

Une étude de Fakir montrait que sur 1080 minutes d’écoute seules 18 l’étaient pour les ouvriers-employés (soit 1,7%). Enfin, répétons-le encore et encore, la directrice de Radio-France, Sibyle Veil, est une sarko-macroniste compatible, supportrice zélée de Nathalie Loiseau (qu’elle qualifia de « femme d’exception ») comme le fit à sa suite, la Directice Bérénice Ravache, directrice de FIP (tweets ci-dessus très réels).

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  1. Impressionnants titres que ceux portés par l’expert Alexis Lévrier. Maître de Conférences à l’Université de Reims, il s’intéresse prioritairement aux relations entre journalisme et politique ! Il y a consacré deux essais, dont le dernier : Le pouvoir présidentiel face à la presse. Encore une ou deux invitations et notre expert, nouveau venu dans les grands Médias, tiendra le haut du pavé… médiatico-politique.
  2. Verbatim :  » Je pense par exemple que les Gilets jaunes étaient dans un discours fantasmé de croire que tous les journalistes étaient aux mains d’oligarques et étaient des marionnettes entre leurs mains. Cette main mise des oligarques n’empêchait pas les rédactions de conserver leur indépendance au moins relative« . Jolie ce « au moins relative, non ?
  3. Verbatim : « D’avoir dit qu’Emmanuel Macron était le candidat de la presse ça, ça vient d’une critique radicale des Médias QUI EST LARGEMENT DE L’ORDRE DU FANTASME « . On devine de quel côté radical se porte l’exaspération de ce brave expert : celle probablement de l’équipe d’Acrimed. Enfin notons qu’à aucun moment, notre Universitaire n’évoque les médias alternatifs comme Le Media TV, Quartier Libre d’Aude Lancelin ou Blast de Denis Robert.

Deux jours au Salon des Lanceurs d’Alerte.

En assistant aux deux journées si riches du Salon des Lanceurs d’Alerte à la Maison des Sciences de l’Homme, il m’est revenu en mémoire le livre de Léa Salamé qui avait fait récemment son beurre éditorial en promouvant jusqu’à l’overdose ses émissions de radio publique et surtout son livre au titre de « Femmes Puissantes » (2 tomes SVP et il paraît que… ce n’est pas fini).

Au retour du premier jour de ce Salon de La Plaine St-Denis, ce samedi soir, je suis allé chercher quelques unes de ses interviewées. Et c’est vrai que, pour beaucoup d’entre elles, c’est la Puissance qui les caractérise : là, c’est Anne Hidalgo dans toute sa splendeur et sa prédominance parisienne qui applaudit puissamment le facheux facho Didier Lallement en Conseil de Paris; ici c’est au tour de Nathalie Kosciusko-Morizet qui lâche : « Je suis une femme puissante, comme vous, comme toutes celles qui nous écoutent « . Apprécions ici la Grande Famille dans laquelle elle veut nous insérer avec ce  « je suis comme… vous » ! Pour la similitude entre elle et « nous », je renvoie les bibis à la lecture de mes deux billets qui avaient pour support l’incroyable photographie de Paris-Match de Madame en ces temps (2011) où elle servait les hommes très très… puissants (Sarkozy).

Enfumage de NKM. « Mon premier bébé c’est la politique »

Parmi ces femmes puissantes, Léa Salamé a aussi glorifié Christine Lagarde dont la vue de ces seules photos (ci-dessous) suffirait à se gausser ou… à se mettre en rage. Et mon étonnement sera encore plus grand lorsque je découvris Anne Méaux dans cet inventaire, elle sur qui j’avais écrit un billet assassin, rappelant à mon pauvre panel de lecteurs et lectrices qu’elle avait pour clients les magnats de l’entreprise (120 SVP), Benali, Wade tous deux charmants dictateurs, qu’elle appartint en son temps au parti fasciste des Forces Nouvelles et qu’on la surnommait… Eva Braun ! Je passerai sur l’inclusion de Carla Bruni dont la puissance était probablement vraie (mais peut-être pas dans sa voix de gnan-gnan).

A droite, les propos obscènes de Mme Lagarde.

Bref, j’en étais là de mes réflexions lorsque je me suis aventuré dans les amphithéâtres du Salon des Lanceurs et Lanceuses d’alerte dirigés de main de maitre par Daniel Ibanez (et son équipe). Un amphithéâtre et auditorium où je me suis installé en prêtant l’oreille à toutes ces femmes lanceuses d’alerte, incroyablement puissantes dans le compte-rendu de leur parcours. Attention, ici, nous ne sommes plus dans la même puissance salamesque, nous avons quitté les ondes radiophoniques de Radio France commandée par la sarko-macroniste Sibyle Veil.

Alors citons ces femmes si courageuses : Françoise Nicolas (voir mon billet de soutien ici de 2018), Maureen Kearney, admirable dans son combat contre l’ogre Areva, Denise Schneider qui se bat depuis plus de vingt ans dans son village de Bourg-Fidèle dans les Ardennes. Ahurissant témoignage de cette combattante contre les pollutions des sols et de l’eau de l’usine de retraitement de batteries Métal blanc. Et aussi les journalistes menacées en Bretagne (Inès Léraud et Morgan Large ou encore Brigitte Gothière de L214). Ajoutons enfin les trajectoires plus connues d’Irène Frachon (Affaire Le Mediator) et Elisabeth Borrel qui se battent, elles aussi, depuis tant d’années.

En soutien à Julian Assange.
(Avec son père, à droite)

Il faut les avoir écoutées pour avoir idée de leur infinie solitude, de leurs forces pour surmonter celle-ci, pour avoir idée de leur courage pour trouver réseaux d’amitiés et de solidarité. Leur puissance est là, toute entière, basique, indestructible. Malgré les aléas, le découragement, le désespoir, admirons à chaque fois la reprise de leur combat envers et contre tout. Elles sont bien évidemment à distance millénaire du choix des invitées de Léa Salame. Oublié l’inventaire que cette dernière a vite catalogué en « femmes puissantes » (rajoutons sans rire dans ce lot : Leïla Slimani, Marion Cotillard, Laure Adler, Line Renaud). Un choix d’élite qui vient dire la… puissance exorbitante de cette entre-soi… au service des Puissants.

Inutile de dire que je n’ai croisé ni Lea Salame, ni Laure Adler, ni Natacha Polony, ni Sophia Mabrouk, ni Fabienne Sintes à ces deux journées passionnantes et riches. Par contre, il convient de féliciter les élèves de l’Ecole de Journalisme de Grenoble (Compte Twitter @EJDGrenoble) qui – je l’espère – deviendront les relayeurs sociaux et mediatiques de ces femmes et de ces hommes. Des hommes, eux aussi puissants : citons ici Christian Chouvat, père de Cédric, le policier de Nice Ludovic Fayolle dans l’affaire Legay, Daniel Corcos sur les mammographies. Enfin haute fut la tenue des débats avec les éclairages d’Arié Alimi, de Serge Portelli, d’Asma Mhalla, d’Aymeric Monville, avec les films des cinéastes (Anne Richard, Juan Pancorbo venu soutenir Julian Assange en présence du père) et l’intervention tout simplement merveilleuse de l’écrivain-citoyen italien Erri De Luca.