Monthly Archives: novembre 2011

Dans les eaux troubles de la République (1).

*

Intéressantes les pages Télérama qui plongent dans «les Eaux troubles de la République». L’article contient une interview de Jean-Robert Viallet, réalisateur du film «Manipulations, une histoire française» (1).

 *

BiBi relève les propos du réalisateur qui voit en l’histoire d’Imad Lahoud «celle d’un petit bonhomme qui sort de prison et qui a assez de brio pour embarquer des énarques, des généraux, des agents du renseignement, des politiques dans son incroyable embrouille». Pierre Péan, lui, qualifie le Manipulateur de «diseuse de bonne aventure géniale». Bref, voilà le brave Imad élevé en héros fascinant. Certes mais encore ?

BiBi conteste.

Imad Lahoud n’est pas du tout un petit sortant de prison. La famille Lahoud ? BiBi n’en relèvera que la partie qui concerne les deux frères. Marwan-le-doué, frère d’Imad, fait Polytechnique avant de devenir directeur de la branche missiles d’EADS (sous les ordres de… Jean-Louis Gergorin !). Pendant ce temps, Imad-le-petit-besogneux est au Lycée… Janson-de-Sailly en «prépa». Pas précisément le destin d’une triste famille du 93.

Anne-Gaby de Janson-De-Sailly.

Mais ce qui suit est capital. Détails hélas passés sous silence dans le film : Imad y rencontre sa future femme, Anne-Gabrielle Heilbronner, fille de très très bonne famille puisque le papa d’Anne (François Heilbronner) est un proche de… Jacques Chirac (jusqu’à en être Directeur de Cabinet !) avant qu’il ne bifurque vers la Présidence du GAN. Pas non plus une petite famille provinciale.

Restons encore sur Anne-Gabrielle, non évoquée dans le film. C’est par cette omission que BiBi trouve le documentaire de Jean-Robert Viallet faiblard. La femme d’Imad Lahoud (ils se marient en 91 – retenez l’année) a en effet fait l’ENA (of course). Elle se dirige vers une carrière à l’Inspection des Finances… pendant que le cher Imad monte l’Opération Volter (faillite en 2000) qui l’amènera à faire 108 jours de prison. Madame «Super Nanny» (surnom donné par le Nouvel Obs ) a des amis haut-placés : François Pérol, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-Pierre Philippe (mari de NKM, un ancien d’EADS), Douste-Blazy (pour qui elle travaillera). Mais n’allons pas trop vite en besogne.

Des questions-BiBi très anciennes.

Relisez ce passage-BiBi de novembre 2010 :

«Peut-être que les Lecteurs du Blog vont aider BiBi à comprendre ces correspondances «incroyables» ? «En 2001, Florian Bourges, jeune informaticien enquête dans le même cabinet sur Clearstream la Chambre de Compensation après la parution de Révélations de Denis Robert/ En 2005, Anne-Gabrielle Heilbronner est au cabinet Woerth promu Secrétaire d’Etat / Anne-Gabrielle est la femme d’Imad Lahoud/ De Villepin est l’empêcheur de tourner en rond pour l’élection 2007/ Edouard S., banquier de l’UMP, « décède » le 28 février 2005/ Imad Lahoud déjeune 15 fois avec François Pérol grand ami de Sarkozy/ Imad dîne avec Eric Woerth le 5 mai 2005/ L’Affaire Clearstream 2 éclate/ Novembre 2010 : c’est via Clearstream que – peut-être – a navigué le bateau des rétro-commissions. Quelqu’un pour mettre tout ça en ordre ?»

(A suivre)…   _________________________________________________

(1) Pour visionner le 1er numéro de « Manipulations » cliquez ici… et pour la suite et fin du billet (part II), c’est ici…

21 ans déjà : le N°1 de L’Autre Journal.

L’Autre Journal : mai 1990.

On ouvrait avec une joie à peine contenue la page 1 sur l’éditorial de lancement du Mensuel. Michel Butel y écrivait : «Avec peu de tremblements, une voix dit la nouvelle phrase générale et la nouvelle phrase intime. Et elle écrit ce journal. Mais qui parle ? Et que dit cette voix ? Et ici, qu’est-ce qui est écrit ?»

*

On était quelques-uns à se réjouir de cette voix nouvelle, multiple, aux écrivants de qualité. Il faut croire que dans la Jungle du Marché, cela ne fut pas suffisant. Le Numéro Un comptait 355 pages. Peu de pub. Des billets très denses, très informés. Des Contes. Des chroniques. Une page débat. Celle, 110, où on peut lire les réflexions lucides ô combien de Gilles Deleuze sur 4 pages : Les Sociétés de Contrôle.

«On nous apprend que les entreprises ont une âme, ce qui est bien la la nouvelle la plus terrifiante du monde. Le marketing est l’instrument du nouveau contrôle social et forme la nouvelle race impudente de nos maîtres. Le contrôle est à court terme et à rotation rapide, mais aussi continu et illimité, tandis que la discipline était de longue durée, infinie, discontinue. L’homme n’est plus l’homme enfermé, mais l’homme endetté. Il est vrai que le capitalisme a gardé pour constante l’extrême misère des trois-quarts de l’humanité, trop pauvres pour la dette, trop nombreux pour l’enfermement : le contrôle n’aura pas seulement à affronter les dissipations de frontières, mais les explosions de bidonvilles et de ghettos».

Rien que par cet extrait, on était heureux de débourser 30 francs par mois.

Innombrables étaient les rubriques : Enquête/Dossier/Entretien/Vies (à Tchernobyl)/Affiche/Mémoire/Destin/Voix/Œuvres (avec des dessins et une longue conversation avec Fellini, un article sur le premier amour de Van Gogh)/Almanach/Lieux (sur l’OM)/Lecteurs/Pêle-Mêle/Epilogue.

Et aussi cette phrase terrible de Lioubov Kovalevskaïa, journaliste soviétique, irradiée à Tchernobyl, témoin condamnée qui avait prédit, un mois avant, la Catastrophe nucléaire. Lioubov, privée de tout moment amical et convivial… Elle parlait de sa vie d’autrefois mais tout avait changé, tout avait basculé après le désastre nucléaire de mai 1986  (Article de Basile Karlinski ici).  :

«Où aller ? Tous mes amis en ville avaient des enfants pour qui la poussière radioactive dont j’étais couverte était dangereuse».

Une fois la relecture du Mensuel achevée, on se surprend à fredonner, un peu désabusé : «Que sont mes Journaux devenus /Ceux que j’avais de si près tenus ?»

Aujourd’hui, on a Politis, mince comme une feuille de papier à cigarettes, on parcourt les Inrocks avec indifférence, on lit La Décroissance, le Sarkophage en une heure, on cherche des pépites dans un  Zélium bien lourd.

Et on reste sur sa faim – attendant sans trop y croire – un Autre Journal.

 

Victor Martin, résistant belge.

*

Drôle d’impression que celle de connaître en un temps record la destinée d’un être jusqu’alors inconnu de vous et définitivement disparu. Jeudi 10 novembre, paraît le numéro de l’hebdomadaire Le Messager et dans ses pages internes, BiBi est attiré par un article : «A la Mémoire de Victor Martin, envoyé en «mission de reconnaissance» à Auschwitz». (1).

Revint alors en mémoire de BiBi son voyage à Auschwitz-Birkenau avec le Train des Justes en avril-mai 2001. Un train aux 14 wagons qui portaient, chacun, le nom de Justes parmi les Nations. BiBi se souvient de cette conversation avec Jeanne Brousse qui fit son simple devoir en fournissant de fausses cartes d’identité à ceux et celles qui fuyaient l’Oppresseur nazi.

Mais qui est Victor Martin ? Quel homme fut-il ? Pas un Juste. Un non-juif, de nationalité belge, sociologue de profession, né en 1912 (il a donc 30 ans en 1942). Le bonhomme se distingua durant la Seconde Guerre Mondiale en ramenant d’une mission en zone allemande les premières informations fiables sur le destin des Juifs déportés en Allemagne et sur le fonctionnement du camp d’Auschwitz.

Sitôt entré en résistance, il intéressa ses compagnons qui virent en sa maîtrise de la langue allemande un atout. On lui proposa aussitôt une mission secrète en terrain ennemi mais sa mission fut autre qu’il ne l’avait imaginé. A la demande du responsable du «Comité de Défense des Juifs», il fut en effet chargé de récolter des renseignements à propos des trains de la déportation des Juifs de Belgique.
Sous couvert de préparer un mémoire sur la «psychologie différentielle des classes sociales», il obtint non seulement des rendez-vous avec le sociologue Léopold Von Wiese à Cologne et un autre confrère de l’université de Breslau (ex-ville de Wroclaw) mais aussi la permission de se rendre entre le 4 et le 20 février 1943 à Francfort, Berlin et Breslau.

À Katowice, dans un bistrot non loin d’Auschwitz, Victor Martin rencontra des ouvriers français du STO qui lui décrivirent l’élimination massive des Juifs et leur incinération.

Il écrivit : «Ici tout le monde sait et tout le monde se tait». Il constate «qu’on tue à l’arrivée tous ceux qui ne peuvent travailler» et griffonne dans un bref message : «Femmes et enfants exterminés, hommes esclaves travaillant jusqu’à l’épuisement, ensuite supprimés».

Arrêté par la Gestapo, il fut emprisonné le 1er avril 1943 au camp de Radwitz où il servit d’interprète. Il s’en échappa le 15 mai de la même année. Rentré clandestinement en Belgique, il fit rapport à ses amis résistants du Front de l’Indépendance qui transmirent le résultat de ses investigations à Londres. Arrêté une seconde fois, il s’évada du camp de Vught en Hollande.

Après la guerre, Victor Martin travailla au Bureau International du Travail (BIT) de Genève avant de prendre sa retraite à Féternes en Haute-Savoie. Il s’installa au lieu-dit «Le Creux» en 1977 et mourut dans l’anonymat en 1989.

A l’heure où certains Européens se félicitent de la nomination de Lucas Papademos («Une bonne nouvelle» selon Jean Quatremer, le correspondant de Libération) qui fait entrer 4 chemises brunes dans son gouvernement, il n’est pas inutile de rappeler l’itinéraire de Victor Martin, résistant belge né non loin de la Capitale européenne.
______________________________________________________
(1). L’article mis en ligne est paru dans le journal «Le Messager» (10/11/2011). Il est signé de Marie Selex. Pour lecture, cliquez sur la photo 1.

*
 


La mission de Victor Martin par La_Huit

Les Dédicaces musicales de BiBi.

 

De temps à autre, sur TWITTER, fleurissent des petits jeux en hashtags. Celui du dernier samedi soir fit la joie de beaucoup d’internautes qui rivalisèrent en subtiles dédicaces musicales. BiBi, joueur dans l’âme, entra dans la Danse et poussa ses chansons sur la Scène du Net. Il reproduit ici son TOP 20.

*

1. Pour les UMPistes (jeunes & vieux) ! «Constipation Blues» (Screamin’Jay Hawkins & Serge G) bit.ly/9AWWTm

2. Pour Berlusconi. «Voilà c’est fini» de Jean-Louis Aubert. bit.ly/101M64

3. Pour Nicolas & Marine. «Pour un flirt avec toi/je ferais n’importe quoi» bit.ly/fMkN1f

4. Pour DSK : «Je cherche encore une fille» (de Pierre Vassiliu) bit.ly/diVcLX

5. Pour Sarkozy : «Petites Boites» (A ouvrir ici) bit.ly/fInxYJ

6. Elles se disputent la chanson: Nadine Morano et Roselyne Bachelot – «Bécassine» (Chantal Goya) bit.ly/tJ6wxa

7. Pour Jean-Luc Mélenchon. «Résiste» (de France Gall)

8. Hum… hume… Pour Rachida Dati «Les Sucettes» (de France Gall).

9. Pour Silvio Berlusconi. «Requiem pour un con» (de Serge Gainsbourg.

10. Pour Giulia Sarkozy... «Dur, dur d’être un Bébé» bit.ly/4JVuT

11. Pour Marine Le Pen. «Fais moi du couscous, chérie !»

12. Pour DSK. «Même si tu revenais…. »

13. Au trio Guéant-Pasqua-Hortefeux… «Les Cornichons».

14. Pour Luc Châtel, ministre de l’Education. «L’Ecole est Finie».

15. Dédicace de Nicolas Sarkozy à T.Gaubert, N.Bazire et E.Balladur «Vous les copains (je ne vous oublierai jamais)»

16. Pour Balladur. «Vieille canaille» de Gainsbourg/Eddy Mitchell.

17. Balladur (en duo avec Nicolas) «On nous cache tout, On nous dit rien» de Jacques Dutronc.

18. Pour DSK : «Le Petit Oiseau de toutes les Couleurs» (de Gilbert Bécot)

19. Pour François Hollande «La Vie en Rose».

 20. Pour la Gauche entière : «It’s a Long & Winding Road» des Beatles.

Lectures et bonne bouffe.

*

«Les Miscellanées culinaires de Monsieur Schott» (Editions Schott) est à dévorer sans retenue. En plat de résistance comme en dessert, il n’y a rien à jeter. Voila de jolies et courtes incises qui tranchent dans le lard, qui servent de la si bonne soupe qu’on s’arrête à chaque délicieuse cuillerée. Paragraphes en dix, trente, quarante lignes qui touchent à l’Art culinaire, à la Cuisine chinoise, au Lapin gallois, à l’Alimentation texane, à la Madeleine de Proust, bref à toute l’Histoire gustative. Et tout ça est cuisiné dans un joyeux bordel.

Présentons quelques plats du menu  : là, on énumère le nom et la capacité des verres à bières en Australie; ici, on s’arrête sur les propositions de Jonathan Swift (manger les enfants pour combattre la faim); ailleurs, on recense les fleurs comestibles etc. BiBi n’en retiendra que deux. A mastiquer lentement ce passage par exemple de Thomas Walker écrit en 1835 sur la Pensée et les Dîners en solitaire :

DÎNER SEUL : «Les dîners solitaires devraient être évités autant qu’il est possible ; la solitude tend à stimuler la pensée, et la pensée à enrayer les facultés digestives. Quand, malgré tout, on ne peut éviter de manger seul, il faut disposer son esprit à la gaieté en lui ménageant un intervalle de relaxation après les pensées sérieuses qui ont retenu son attention, et en l’appliquant à quelque objet agréable».

Puis, ô surprise, quelques pages plus loin, on tombe sur autre chose. Voilà qu’on apprend d’où vient le mot «SPAM» (cela intéressera les Internautes gloutons) :

SPAM : «Spam (contraction de Spiced Ham, jambon épicé) est une marque de pâté en conserve déposée en 1937. Les Monty Python en ont parodié la publicité indigeste dans un sketch où le menu d’un restaurant, puis les propos qui s’y sont échangés, se réduisent peu à peu au seul mot spam – d’où le choix du terme pour désigner les courriers électroniques envahissants (ou pourriels)».

La Cuisine de Monsieur Schott est un big bazar, un joyeux foutoir et chacun pourra y trouver son conte. Un petit livre qui s’avale en quatrième vitesse. Garanti sans indigestion.

Une redécouverte.

Feuilletant un des numéros de la revue La Polygraphe (N°7/8 de 1999), BiBi redécouvrit quelques poèmes magnifiques, prose amicale tirée d’une œuvre «excessivement humaine», celle de José Pierre, poète, romancier, dramaturge, qui travailla avec André Breton pour la préparation d’expositions sur le Surréalisme. Et c’est un BiBi affamé (mais qui n’en laisse rien paraître) qui mettra ce petit bijou (L’Auberge Espagnole) sur la table afin que tous le partagent :

A la fenêtre d’une auberge,

du côté de Logrono

on pouvait lire ces mots :

Aqui se pueden traer

su comido y sus canciones

Ici l’on peut apporter

Son repas et ses chansons

«Eux sur la photo» d’Hélène Gestern.

Le livre (Editions Arléa) démarre sur une photographie de trois silhouettes (deux hommes, une femme), photographie découverte par l’héroïne, Hélène Hivert. Celle-ci y reconnait sa «mère» et va chercher à savoir – via une petite annonce dans Libération – qui sont les deux hommes qui l’accompagnent. Stéphane, résident suisse, lui répond. S’ensuit un échange de lettres et de mails. Le livre avance par moments successifs de bascule. Lettre après lettre, Hélène va (re)découvrir le tragique de la vie en traversant les zones sombres, inconnues de son histoire. Ce chemin douloureux est celui que suivent les «enfants qui oublient leur naissance» ou qui la mettent «derrière leur mémoire».

Le «procédé» épistolaire est parfois rompu par la description d’autres photos de famille et par la transcription de journaux intimes reproduits in-extenso. Ces ruptures de rythmes font hélas perdre un peu d’acuité au livre d’Hélène Gestern. Le rapport amoureux entre Hélène et Stéphane par exemple est à peine esquissé au profit de la recherche de la Vérité. Mais l’architecture du livre qui repose sur le secret de famille et la photographie (un hobby-BiBi) rend ce premier roman prometteur.