Yearly Archives: 2010

Les Flèches de BiBi (24-31 mai).

Fais pas le Malin, Stéph !

« Instaurer le secret pour susciter le Désir » : c’est ainsi que les Communicants d’Euro RSCG (Gilles Finchelstein, Ramzy Khiroun, Anne Hommel) et leur patron, Stéphane Fouks définissent la stratégie de leurs deux poulains. L’un crèche à l’Elysée et l’autre à Washington au siège du FMI. « En communication politique, regrette le « discret » Stéphane, les Communicants sont trop exposés. Je serai le premier à penser que si on nous voyait moins sur ces sujets, ce serait bien ». Sur ce, le bonhomme ouvre ses portes à Claude Askolovitch pour un prochain bouquin sur DSK et file illico au « Buzz Media Orange-Le Figaro ». Allez, Stéph, fais pas le malin ! On t’a vu ! » (et on te reverra).

Ce qui vous attend.

Dominique Strauss-Kahn est un candidat possible du PS. Avant que les militants ne le déclarent apte au Service de la France, ils devraient méditer sur le stoïcisme et l’hédonisme de leur Chef qui déclarait : « Je suis admiratif de l’extrême rigueur choisie par le Gouvernement Papandréou qui a préféré les sacrifices immédiats pour sortir au plus vite de la crise ». Et dire que BiBi ne peut même pas lui signifier d’aller se faire voir… chez les Grecs !

Ils font leur cinéma.

Le Figaro nous apprend que Chouchou, qui, il y a peu, croyait que Luchino Visconti était un valet de chambre de la Famille de sa femme, veut sauver les Ciné-Clubs. Carlita, elle, va tourner avec Woody Allen. Pour l’un et pour l’autre : écrans de fumée.

Mise au poing.

Dans un « Rebonds » de Libération de l’été dernier, Alain Badiou, le philosophe, finissait son article en promettant une paire de claques à Alexandre Adler. Dans le débat intellectuel, voilà des arguments frappants ! Le philosophe vient de tourner dans le dernier film de Godard. Un remake de « Soigne ta Droite » ?

Estrosi.

Notre beau Ministre s’est mis à table pour faire visiter ses appartements. Au menu ? Salades niçoises.

Cannes : les Marches de la Gloire.

Auparavant, on photographiait les Stars de Cinéma car le Cinéma et ses acteurs avaient valeur artistique. En regardant le Grand Journal de Canal Plus présent au Festival de Cannes, BiBi a remarqué que c’était l’Invité, subjugué, qui photographiait… les animateurs. Petit appareil en main, Guillaume Canet flashait (sur) la présentatrice Cinoche, Depardieu photographiait sa marionnette et ses copains de Canal et de Mammuth, Oliver Stone prenait Michaël Douglas qui prenait Denisot etc. Jean-Luc Godard avait bien raison de dénoncer « le climat grec » du Cinéma. Aujourd’hui, ce sont les animateurs-télé qui paradent au sommet de l’Olympe. Dieux et Déesses de pacotille, tous fiers de grimper les marches d’une cathodique et bien futile notoriété.

Le bon plan de Jospin.

Jospin n’arrêtera décidément pas son cinéma. Le revoilà à nouveau sous les projecteurs (de cinéma). Dis Lionel, c’est quand même mieux d’être second (rôle) à Cannes que Premier (Ministre) à l’Elysée, non ?

La Solitude ça n’existe pas.

La Caravane du Mouvement National des Chômeurs et Précaires (MNCP) a parcouru 4000 kms pour rompre l’isolement. Leur programme : déghettoïser les précaires avec cette volonté « d’aller au devant des gens, montrer qu’on n’est pas tout seul à être seul », créer du lien social. Chez le MNCP, on ne chôme pas toujours.

Flèche de Cœur.

« Les mots sont importants » est un Collectif d’Intellectuels, de militants associatifs ou de simples-Citoyens BiBi qui ont décidé « d’investir le champ de la critique du langage » et plus spécifiquement de la « Langue des Dominants ». N’hésitez pas : prenez-les au mot sur leur site…

Les 45 tours-BiBi (Rock anglais 70’s).

BiBi a réécouté les Hymnes du Rock Anglais des années 70 qu’il a tant aimé. De ce foisonnement de groupes d’alors, il a ressorti quelques petites perles. Kinks et Rolling Stones sont en vedette  mais BiBi a gardé une tendresse particulière pour les géniaux Procol Harum, la voix poignante de Van Morrison, alors leader des Them, la probité de Jeff Beck des Yardbirds et l’orgue de Stevie Winwood (du Spencer Davis Group).

Prochaines livraisons : les 45 tours venus d’Amérique du Nord et du Brésil.

Chez BiBi, les grévistes ont bonne presse.

Sans eux, vous n’auriez aucune chance de lire les Revues de Presse de BiBi… de cette presse que BiBi consulte régulièrement. Sans eux, BiBi n’aurait jamais pu rire des élucubrations dominicales de Claude Askolovitch du Journal du Dimanche, prendre dassault le Figaro, lire l’hebdo Fakir ou les infos de chez Bakchich.

Depuis ce jeudi minuit, ils sont 15 salariés en grève reconductible, 15 salariés unanimement en grève au dépôt-Presse de Thonon-les-Bains. Solidaires des autres dépôts de Haute-Savoie (Annemasse et Bellegarde), ils se relaient, ils dorment, ils se réveillent, attentifs à la solidarité avec les autres salariés en lutte eux aussi (42 salariés au total).

Habituellement – à l’heure où les habitants du Chablais dorment – ils reçoivent la presse locale, régionale, nationale et internationale pour la distribuer dans les 130 points de vente de cette partie du département de Haute-Savoie et ils donnent satisfaction aux clients-lecteurs du petit matin. Ils vont jusqu’aux villages en altitude, s’arrêtent à Avoriaz, repartent à Saint-Gingolph-France, ravitaillent les campings estivaux et saluent les buralistes d’Evian, de Thonon, de Perrignier.

Depuis la création du dépôt en 1992, c’est leur première grève. Nationalement, le nombre de plate-forme est passé de 800 à 300. La politique prévue est de faire passer l’armature de cette distribution à 90-95 points-distribution (soit un par département). Les 42 salariés en grève se sont mobilisés pour protester contre ces suppressions déguisées en «rattachements».

En effet, dans un premier temps, on leur promet un simple déménagement sur Annemasse mais le flou et les incertitudes demeurent. On a à peine esquissé le programme de départs anticipés à la retraite ou les recasements. On se dirige vers des licenciements déguisés, vers une pénibilité accrue du travail avec des distances points-distribution/ points de vente beaucoup plus longues. Au bout du compte, c’est le lecteur qui sera pénalisé. Le danger reste évidemment de voir leur entreprise en dernière page à la rubrique nécrologique.

La date-butoir est celle du 6 juin. Les salariés du dépôt attendront les résultats des négociations menées par le Syndicat du Livre CGT. A la radio, à la télé, on servira les habituels commérages sur les atteintes à la liberté de la Presse et sur ces grèves «intolérables».

Et c’est parce que ces grévistes ont mauvaise presse chez les Amis de Nicolas que BiBi, solidaire, a décidé, lui, de les mettre en Une.

La Découpe du Monde (2).

Suite et fin de la Nouvelle-BiBi : « La Découpe du Monde ». Rappel de l’exergue : « Ô Dieu ! Je pourrai être enfermé dans une coquille de noix et me sentir le Roi d’un espace infini… seulement voilà, je fais de mauvais rêves ». Hamlet (II,2)

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Pendant les trois jours qui précédèrent la rencontre dominicale, Artur R lut et relut le livre offert par son entraineur. Le passage qu’il préférait était celui où l’auteur rappelait le geste magnifique de l’avant-centre brésilien. Mexico 1970.

Artur R tournait, se retournait dans son lit. Il ne cessait de penser à sa demi-finale du lendemain. Il ralluma la lampe de chevet et ouvrit à nouveau le livre. Derrière la mince cloison qui séparait sa chambre du salon, il entendit les infos de minuit. Le titre qui ouvrit le journal télévisé portait sur l’occupation de l’église Saint-Bernard par douze sans-papiers. « L’intervention musclée de la police a été décidée en haut-lieu ce matin même, avait précisé la voix du présentateur. Les forces de l’ordre ont procédé à douze arrestations. Les expulsions vers leur pays d’origine suivront sans doute dans la soirée».

Artur R entendit la voix virulente de son père couvrir la suite du commentaire :

– Foutus branleurs de nègres ! Des bons à rien ! Occuper des églises ! Qu’ils retournent donc dans la jungle !

La voix pointue de sa mère renchérissait :

–  C’est vrai qu’ils n’ont rien dans la tête !

–  Négros, bronzés, cafés-au-lait, tous à mitrailler !

Depuis douze ans, Artur R avait toujours suivi les raisonnements de son père mais ce soir, son paternel venait de balancer une chose pas vraie du tout. Dans les propos qu’il venait de surprendre, Artur R releva un mensonge manifeste. Il serra contre lui l’épais livre sur Pelé… Pelé, ce nègre, ce café-au-lait, oui, oui. Mais… dans le même temps, il réalisa que pour marquer 1284 buts, pour mystifier 1284 fois les défenseurs adverses, pour battre à 1284 reprises le gardien adverse, il fallait obligatoirement en avoir dans la tronche. Oui le mensonge était manifeste. 1284 buts. 12 arrestations. 12 expulsions.

Quelque chose clochait. C’était obligé.

Car Artur R en savait long sur la difficulté à marquer un seul but, sur la férocité des tacles défensifs des adversaires, sur les feintes à imaginer pour s’ouvrir le chemin des buts. Il se répétait qu’il fallait diablement d’intelligence pour arriver au total vertigineux de 1284 buts. C’était obligé.

Toute la nuit, il s’agita dans son lit et fit de mauvais rêves. Au matin, il avait triste mine : yeux gonflés, teint cireux. Artur R couvait certainement une grosse fièvre. Il ne marqua pas de but, rata un penalty décisif et fut même sorti par son entraineur avant la fin du match. De tout le voyage-retour, son père ne lui adressa la parole. Artur R se dit que la vie avec les adultes de la maison allait être plus dure que ce qu’il avait alors imaginé. Beaucoup, beaucoup plus dure. C’était obligé. Et pendant les nuits qui suivraient, les mauvais rêves ne manqueraient pas de l’assaillir.

C’était obligé.

La Découpe du Monde (1).

Il y a plus de seize ans – c’était en 1997, juste avant l’euphorie Black Blanc Beur un peu naïve qui avait accompagné la victoire des Bleus au Stade de France – BiBi avait publié un recueil de 14 nouvelles très noires avec, comme fil rouge, le Football, son Réel et ses Imaginaires. Un recueil sur lequel BiBi a récupéré les droits et qu’il cherche à re-publier 🙂 La nouvelle ici présentée était la première des 14. Chaque Nouvelle avait un exergue. La phrase d’Hamlet, acte II, scène 2 (« Ô Dieu ! Je pourrai être enfermé dans une coquille de noix et me sentir le Roi d’un espace infini… seulement voilà, je fais de mauvais rêves ») ouvrait cette première nouvelle qui s’intitulait : « La Découpe du Monde ».

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«Défiez-vous de vos idoles» répétait souvent son entraineur. Mais aujourd’hui, Artur R. n’écoutait pas les conseils. Il placardait les murs de sa chambre avec des photos grand format de ses footballeurs préférés. Serge C. Georgie B. Hugo S. Des encarts en couleur découpés dans l’hebdomadaire sportif que son père, abonné de la première heure, recevait depuis des années. Aussi loin que remontaient ses souvenirs, Artur R avait été habitué à voir la revue dans le porte-journaux du salon. Les seules lectures autorisées dans la maison étaient celles de l’hebdo sportif et du Bulletin mensuel des Armées.

Artur R chercha quelques punaises dans la boîte et ajouta trois posters au-dessus du bois de son lit : un cliché d’une reprise de volée qu’il avait lui-même effectuée lors d’une rencontre de pupilles au Tournoi des As, une photo de Raymond K. amorçant un dribble court et un instantané de Michel P. délivrant un ballon au millimètre.

– « Je crois que tu devrais te préparer, conseilla la mère d’Artur R en entrant dans la chambre. Ton père va bientôt arriver et tu sais qu’il a horreur que tu sois en retard à l’entraînement».

Artur R ramassa instantanément les petits bouts de papier éparpillés sur le tapis et rangea le reste de ses affiches dans le tiroir de son bureau. Il ouvrit ensuite son armoire et s’habilla méthodiquement pour son entraînement du soir. Chaussures propres, cirées. Chaussettes jaunes, flambant neuf. Short, survêtement nickel. Tels étaient les désirs de son père.

Ce soir-là, l’entraîneur parla longuement tactique et insista sur l’importance du match de dimanche. En cas de victoire, avait-il souligné, les portes de la finale du Tournoi des As seraient définitivement ouvertes.

Artur R, titulaire indiscutable, avant-centre incontesté, représentait le meilleur atout offensif de l’équipe. En dépassant régulièrement la barre des quarante buts par saison, il était devenu un leader d’attaque craint et respecté.

A la fin de la séance des tirs au but qui clôtura l’entraînement, ses coéquipiers vinrent l’entourer. Dans le brouhaha, on entendit fuser un refrain joyeux, bientôt repris en chœur : «Joooo-yeux Aaaannniversaire ! Artur !». Et sous la lumière blafarde des projecteurs, Artur R riait aux éclats.

L’entraineur fendit la ronde chaleureuse des jeunes footballeurs et tendit un paquet à son protégé. «Pour tes douze ans !» dit-il simplement. Artur R déchira aussitôt le papier et ôta maladroitement les liens qui retenaient le livre.

Un livre sur Pelé. Deux cent trente pages sur le numéro dix brésilien.

Dimanche, Artur R attendait impatiemment la demi-finale du Tournoi annuel des As et se mit à rêver aux 1284 buts marqués par l’avant-centre du Brésil tout au long de sa carrière. C’était bien ça le plus incroyable dans ce livre, le chiffre : 1284. Il avait du mal à imaginer.

Pendant les trois jours qui précédèrent la rencontre dominicale, Artur R lut et relut le livre offert par son entraîneur. Le passage qu’il préférait était celui où l’auteur rappelait le geste magnifique de l’avant-centre brésilien. Mexico 1970.

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Suite et fin de la nouvelle : La Découpe du Monde (2).