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« Serons-nous heureux demain ? » (2).

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Première partie du billet ici.

«Serons-nous heureux demain ?» est la version-réponse-BiBi à la question envoyée par des blogueurs (1) à des Intellectuels de renom, supporters depuis de longue date du Libéralisme enchanteur. La question posée («Quid du Bonheur libéral ?») est une perte de temps pour BiBi. Qu’attendre des réponses possibles de ces Chiens de Garde ? Rien, sinon des justifications bâtardes.

Pour toute argumentation, BiBi a repris cette forte intervention de Jean-Marie Geng (2), publiée en avril 1978 dans la revue ACTUELS (3). Notons qu’en mai de cette même année eurent lieu d’importantes élections pour la Gauche. Beaucoup de similitudes avec la période actuelle…Voilà donc la seconde partie.

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«Si l’on se rabat sur la (petite) scène française, où le Capitalisme domine économiquement et la Droite qui le représente, politiquement, que voit-on ? Des gens, peu nombreux, pour lesquels le rêve de bonheur est précisément lié à la perpétuation de l’ordre social existant (l’argent faisant, pour une bonne part, le bonheur, comme le savent tous les Philosophes, même les «Nouveaux»). Pour d’autres, quelques millions, la fin d’un cauchemar réel, à base économique, passe par le renversement de cet Ordre social qui les exclue. Les plus nombreux sont à mi-chemin, ni riches ni vraiment pauvres – dans une hésitation qui n’est pas que politique. D’ailleurs, même à gauche, et sauf dans les Etats-Majors des Partis, les clairons optimistes et progressistes sonnent mal, sinon faux. Les masses sont souvent sceptiques (…).

Donc les politiciens promettent le bonheur – mais ils ont dans la bouche des mots de Mort : quel discours aujourd’hui, à partir du moment où il domine la scène, ne produit pas spontanément de l’ankylose, du sens épais et redondant, du stéréotype ? Il y a dans les discours religieux, syndicaux, politiques – dans le discours de masse en général – de la Mort qui vient de l’intérieur même de l’énonciation (…).

Considérez ces Colloques internationaux où quelques milliers d’Intellectuels, très hiérarchisés, parlent de dissidence, d’inconscient, de marge, d’autonomie : c’est bien le Pouvoir  et la domination du champ intellectuel qui est en jeu et pas autre chose. Affrontement des Maîtres qui convoitent les suffrages des membres de la tribu ; intrigues des néophytes, des candidats qui guettent l’approbation des Maîtres (…)

Sans doute faudrait-il, pour être heureux, ne pas vouloir le pouvoir – car le Pouvoir est mortifère et rend fou, car ce qui nous définit comme Sujet est impuissance et fragilité, nous mortels ! – mais cela (ne pas vouloir le Pouvoir), il faut pouvoir le vouloir, je veux dire : être en mesure de transcender la question du Pouvoir. Nous sommes encore loin de ce moment historique (pur rêve peut-être), de ce moment où l’Etat s’effondrerait de lui-même» (…)

A suivre. Troisième partie ici.

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 (1).Le Blog «Pensez BiBi» et son humble avis ne sont – une fois encore – pas sollicités dans ces interpellations collectives. (Voir liste au billet numéro 1). Mais comme à son habitude, même n’étant pas invité, BiBi prend la liberté de répondre quand même.

(2). Jean-Marie GENG, polémiste et sociologue de Strasbourg, a écrit trois livres qui ont eu une influence décisive sur BiBi. Outre «Les Mauvaises Pensées d’un Travailleur social», on peut lire «L’Illustre inconnu» (10/18) et le formidable «Censures» (Editions de l’Epi). En 1980, Jean-Marie Geng «change» de nom et devient écrivain de polars sous le nom de Max Genève.

(3). La revue ACTUELS n’est pas à confondre avec Actuel, bi-mensuel goguenard, à l’esprit gauchiste des années 70. Actuels fut une revue littéraire qui se disait «incurablement anti-capitaliste», revue publiée à Frangy (Haute-Savoie) et dont le Directeur fut Henri Poncet. Dans ce même N°4 de la revue, outre la transcription de l’intervention de Jean-Marie GENG, on pouvait aussi lire un entretien de 15 pages avec Jean Genet. C’est dire ce que fut la qualité de la revue…

Un dessin de Bosc sur le racisme ordinaire.

Le dessinateur Bosc (décédé le 3 mai 1973) fit paraitre dans l’Hebdomadaire  France Nouvelle  une magnifique planche que BiBi a retrouvée dans ses papiers. Vingt ans après, BiBi s’en délecte encore. Il vient vous la présenter.

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21 ans déjà : le N°1 de L’Autre Journal.

L’Autre Journal : mai 1990.

On ouvrait avec une joie à peine contenue la page 1 sur l’éditorial de lancement du Mensuel. Michel Butel y écrivait : «Avec peu de tremblements, une voix dit la nouvelle phrase générale et la nouvelle phrase intime. Et elle écrit ce journal. Mais qui parle ? Et que dit cette voix ? Et ici, qu’est-ce qui est écrit ?»

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On était quelques-uns à se réjouir de cette voix nouvelle, multiple, aux écrivants de qualité. Il faut croire que dans la Jungle du Marché, cela ne fut pas suffisant. Le Numéro Un comptait 355 pages. Peu de pub. Des billets très denses, très informés. Des Contes. Des chroniques. Une page débat. Celle, 110, où on peut lire les réflexions lucides ô combien de Gilles Deleuze sur 4 pages : Les Sociétés de Contrôle.

«On nous apprend que les entreprises ont une âme, ce qui est bien la la nouvelle la plus terrifiante du monde. Le marketing est l’instrument du nouveau contrôle social et forme la nouvelle race impudente de nos maîtres. Le contrôle est à court terme et à rotation rapide, mais aussi continu et illimité, tandis que la discipline était de longue durée, infinie, discontinue. L’homme n’est plus l’homme enfermé, mais l’homme endetté. Il est vrai que le capitalisme a gardé pour constante l’extrême misère des trois-quarts de l’humanité, trop pauvres pour la dette, trop nombreux pour l’enfermement : le contrôle n’aura pas seulement à affronter les dissipations de frontières, mais les explosions de bidonvilles et de ghettos».

Rien que par cet extrait, on était heureux de débourser 30 francs par mois.

Innombrables étaient les rubriques : Enquête/Dossier/Entretien/Vies (à Tchernobyl)/Affiche/Mémoire/Destin/Voix/Œuvres (avec des dessins et une longue conversation avec Fellini, un article sur le premier amour de Van Gogh)/Almanach/Lieux (sur l’OM)/Lecteurs/Pêle-Mêle/Epilogue.

Et aussi cette phrase terrible de Lioubov Kovalevskaïa, journaliste soviétique, irradiée à Tchernobyl, témoin condamnée qui avait prédit, un mois avant, la Catastrophe nucléaire. Lioubov, privée de tout moment amical et convivial… Elle parlait de sa vie d’autrefois mais tout avait changé, tout avait basculé après le désastre nucléaire de mai 1986  (Article de Basile Karlinski ici).  :

«Où aller ? Tous mes amis en ville avaient des enfants pour qui la poussière radioactive dont j’étais couverte était dangereuse».

Une fois la relecture du Mensuel achevée, on se surprend à fredonner, un peu désabusé : «Que sont mes Journaux devenus /Ceux que j’avais de si près tenus ?»

Aujourd’hui, on a Politis, mince comme une feuille de papier à cigarettes, on parcourt les Inrocks avec indifférence, on lit La Décroissance, le Sarkophage en une heure, on cherche des pépites dans un  Zélium bien lourd.

Et on reste sur sa faim – attendant sans trop y croire – un Autre Journal.

 

Revue de Presse du jeudi.

Ce jeudi, BiBi s’est installé sur une chaise bancale de l’Espace-Presse de la Bibliothèque Municipale. Il s’est sali les mains en feuilletant la Presse du Grand Kapital et en a vite retiré ses propres Pensées très propres.

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 Carlos. Non, pas le Chanteur.

Tiens, deux mots sur ce Carlos dont les radios nous rebattent les oreilles. Ce pauvre con – hélas soutenu par Chavez – se dit «révolutionnaire professionnel». On ne saura pas quels ont été les professeurs qui lui ont délivré le brevet ou diplôme de Révolutionnaire. Car ce n’est pas le tout de se prénommer Illitch pour en être un.

Le bonhomme Carlos a eu un père avocat, militant communiste. Chez lui, il y avait une cuisinière, une femme de chambre, une lingère, un chauffeur pour la Limousine, un  jardinier et des précepteurs communistes. Classes antagoniques et fracture sociale à la Maison : facile pour les travaux pratiques et théoriques.

BiBi émet quand même cette hypothèse farfelue qu’est probablement née là, dans cette Maison d’Enfance, une Haine farouche et œdipienne contre Papa paradant dans les paradoxes. Plus tard, le Fiston l’a transférée contre le Monde entier avec une explosivité bien infantile (mais qui fit hélas d’innocentes victimes). (Source : Tribune de Genève 10 novembre).

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 La Croisière s’amuse.

Le 23 octobre dernier eut lieu le Dîner du Bal Jaune au Palais de Chaillot. Il paraît que c’est une occasion de célébrer les Arts. Outre Jean-Marie Rouart, Guillaume Durand, Rachida Dati, BiBi a noté la présence de Maryvonne Pinault et de son époux François.

Le couple richissime a passé une magnifique soirée, a bien mangé (plats concoctés par la Triple Etoile Yannick Alléno), a bien bu (du Pinaut ?) avant d’avoir la peau du ventre bien tendue. Plus tard, Maryvonne et François remercieront le petit Jésus en partant découvrir «les glaciers du Grand Nord» via une formidable croisière. (Source : Paris-Match).

 

Frère Bertrand.

Il paraît que certains Francs-Maçons ont du mal à appeler Xavier Bertrand,  «Frère Bertrand» : comme on les comprend ! Un frère dont on parle fraternellement dans le torchon Paris-Match de cette semaine. On y apprend que Xav’ tient un stand à la braderie de Saint-Quentin où il vend des objets personnels à… un euro et que sa femme collectionne les pots à lait. BiBi croyait que chez les Umpistes,  c’était plutôt les pots-de-vin… en attendant de découvrir le pot-aux-roses chez l’ami Balladur qui vaudra beaucoup plus qu’un euro. (Source : Paris-Match).

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Vargas et Lindon.

Les soutiens people de François Bayrou sont des artistes de marque : Fred Vargas et Vincent Lindon. A la première, BiBi aimerait dire qu’il n’en fera pas tout un roman et au second, il conseillerait bien d’arrêter son cinoche. (Source : Le Point).

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Léonard for ever.

Heureusement, pour respirer un peu d’air pur, voilà une annonce qui a fait plaisir à BiBi : Léonard Cohen a annoncé pour très bientôt un nouvel album (le dernier date de 2004). Il s’intitulera «Old Ideas» et on y trouvera dix chansons nouvelles (et non des vieux standards). (Source : Les Inrocks).

Questions autour de la Blogosphère.

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Curieux : SarkoFrance vient découvrir qu’avec le Web, on ne peut pas tout et que misère de misère, «tout ceci n’est que du Web». Puis il constate (découverte récente ?) : «Et, voyez-vous, tous les électeurs et électrices ne sont pas «connectés».

Oui curieux que, jusqu’ici, il ait pu croire – avec son expérience de bloggeur politique ou de politique qui blogue – que le fait de tenir un blog, de dire, d’écrire des billets, de les transmettre via leur mise en ligne devait obligatoirement déboucher sur un sentiment révolutionnaire et que, ni une ni deux, le Petit Chef allait dégager illico de l’Elysée.

Finalement, SarkoFrance pose une bonne question : Quel pouvoir avons-nous ? (Nous = les tenants des blogs «politiques» ). Cette question n’est pas autre chose que de s’interroger pour savoir d’où l’on parle, écrit, transmet et comment on pourra agir le plus efficacement possible.

EN PREAMBULE.

D’où on parle ? PensezBiBi n’est pas un blog politique. BiBi s’interroge encore sur la définition (dominante) du mot «politique», mot qui, pour lui – il va vite – ne se réduit pas du tout à ce qui est nommé, dénommé, catégorisé en «politique». Ce qui est politique concerne la vie de la Cité et tous ses champs (champs «politique» comme artistique, sportif, culturel) qui y sont inclus. Dans l’appelation «blog politique», l’adjectif «politique» y est souvent un synonyme d’«étriqué », de «réducteur », un synonyme réduit hélas à «qui parle de politique».

Faire la critique du film «Les Petits Mouchoirs», parler de Michel Butor ou de Georges Haldas est aussi important que de décocher les Flèches anti-sarkozystes car BiBi a la faiblesse de croire que la Pesanteur de la Vie s’infiltre par tous les pores de la Société (libérale) pour la pérenniser et la conserver telle qu’elle est. BiBi est passé par les écrits de Farge-Chartier-Corbin-Foucault-Bourdieu-Boltanski et par leurs fourches caudines qui l’ont certes désenchanté dans son rapport au Monde mais qui – dans le même temps – lui ont fourni quelques tuyaux pour y voir un peu plus clair.

POLITIQUE, RESISTANCES.

Lui reviennent en mémoire ces deux belles ces sentences. Celle de Roger Chartier : «Les œuvres littéraires peuvent changer la façon de penser le monde et la société ou de considérer le passé». Celle de Marx : «Dès le début, une malédiction pèse sur l’esprit, celle d’être entaché d’une matière qui se présente ici sous forme de couches d’air agitées, de sons, en un mot, sous forme de langage». La «littérature», la peinture, le cinéma, la vidéo et autres lieux signifiants sont ces milieux, ces champs spécifiques où se déploient des résistances à l’Ordre et aux Formes établis. Déploiement des résistances. Du politique donc.

LE MONDE ENTIER.

Faut-il rappeler qu’écrire des billets de blogs n’est pas parler et dialoguer avec le Monde entier ? Et ceci, pour la simple et bonne raison qu’il y a inégalité dans l’accès (ou face) au Web. Et que, même en étant abonné au Web, il faudrait encore que la propre reconstitution de sa force de travail soit employée au minimum à lire les blogs.

Et autres raisons possibles : il faudrait aimer la politique, il faudrait aimer imaginer un intérêt et un plaisir à en faire (vs le climat de dégradation dans le Monde politique), il faudrait que le «politique» soit perçu comme une affaire intime et bienfaisante etc.

BiBi ne s’est jamais leurré : même avec près de 400 lecteurs par jour et 1050 billets en 3 ans, il ne s’est jamais enflammé sur l’influence qu’il a. Sur ses 400 lecteurs quotidiens, une majorité d’entre eux sont convaincus – d’avance – par ses billets.

S’ORGANISER ?

En conclusion, SarkoFrance lance : «Nous devons, nous Blogueurs, nous organiser». Mais tendanciellement, sans se l’avouer, les bloggeurs le sont… organisés ! La Blogosphère fonctionne déjà très bien en groupes affinitaires, en tribus, en LeftBlog, en Kremlin des Blogs ou République(s) des Blogs etc. Et même plus lorsqu’on se penche sur la Politique des Liens. Denis Szalkowski a raison lorsqu’il rapporte que «l’essentiel des blogs qui composent le Top 100 des classements Wikio sont amenés à commenter le commentaire qui, à son tour, est commenté par des commentateurs ! (…) On n’oublie pas de faire un backlink vers le blog de son «ami».

Une organisation très organisée qui finalement donne le sentiment de tourner en rond. Les bloggeurs parlent aux bloggeurs. Et les bloggeurs répondent… aux bloggeurs.

Et lorsque le Wikio, organisateur de tous ces liens, disparaît, la déprime n’est pas loin : «Wikio disparaît, c’est déprimant, dit un tenant de blog, on s’était habitué au classement et aux pages d’accueil bien notées». La Vie d’un blog, la vie d’un bloggeur dépendant d’un Hit-Parade : misère !

UNE REDECOUVERTE DU REEL.

Comme l’écrit Monique Dagnaud, les 15-30 ans sont «une génération qui a commencé son apprentissage de la vie avec les outils informatiques». Aujourd’hui, les bloggeurs influents touchent à la Quarantaine. Eux aussi élevés au Web – un Web qui penche à «Gauche» – ils pensent que leur désir est la Réalité mais les faits sont têtus. Nous voilà en pleine période pré-électorale : on s’est enivré des Primaires et on a commenté le moindre mouvement de la Merkozy, on s’est renvoyé des tweets ironiques, on n’a pas hésité à faire et à écrire «cynique», on a cru voir le Soleil se lever etc.

Et voilà qu’on découvre que le Réel n’est pas si malléable que ça, que Sarkozy garde ses chances d’être réélu et que – malgré X billets anti-Sarko – le Dragon est toujours là et pas encore terrassé. Leurre de croire le Pouvoir à l’agonie, dangereuse croyance à le croire prêt à trépasser alors que le Pouvoir et ses Chiens de Garde se sont réorganisés autour des nouveaux Médias et qu’ils en sont beaucoup moins effrayés. Des petites preuves ? L’arrivée par exemple d’Atlantico sur le Marché politique du Net ou encore les petits malins de bloggeurs de Droite qui jouent amicalement avec des gens de gauche, qui s’installent dans leur blogroll au nom de l’amitié etc, etc.

PENSER PAR SOI-MËME.

Le déficit est là : dans la pensée. Ici encore le juste constat de Monique Dagnaud : «[Les mouvements nés du Net] ont une grande capacité à s’organiser pour protester – comme l’attestent les mouvements des «indignés» -, ils impulsent des valeurs émancipatrices, mais leur capacité à peser durablement sur la scène politique reste à prouver». Hé oui, la protestation n’est pas la Pensée, n’est pas le Don de Sens.

Et contrairement à ce que pense SarkoFranceIl faut donc sortir du Net, trouver les caisses de résonance adéquats hors du simple cyberespace: presse, radio, TV, livres»), il faut ni en sortir ni faire en sorte de s’y enfermer mais… il faut combiner le Net (son blog) avec une prise de position pensée et réfléchie qui ensuite – espérons-le – débouche sur l’action (hors du Net). Quant à dire comment se comporter, BiBi n’en dira rien parce que c’est à chacun de se démerder, que c’est à chacun de penser son rapport au Monde, de choisir ( un peu), de s’engager, d’agir pour que ce foutu Monde change (un peu, beaucoup, passionnément).

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Les deux photos de bloggeurs sont de Gabriela Herman.