Möbius, le film d’Eric Rochant.

Mobius 1

Le film est déjà assez compliqué. Alors imaginez ce billet-BiBi qui veut en faire l’analyse. Et rajoutez que le film s’appelle Möbius, comme la bande du même nom. En m’arrêtant sur la définition Wikipédia, cela devient beaucoup plus compliqué encore. La preuve ? Décryptez-la vous-même. «En topologie, le ruban de Möbius (aussi appelé bande de Möbius ou anneau de Möbius) est une surface compacte dont le bord est homéomorphe à un cercle».

Ah, Monaco ! Monaco !

Le film d’Eric Rochant (avec Jean Dujardin et Cécile de France) se passe donc à Monaco. Sur le premier plan aérien, on découvre le Rocher, la baie, les buildings posés en vrac, le château du Prince, le port, la Grande Bleue. Wow ! Monaco ! Beaucoup mieux que Miami, Chicago ou Frisco.

La Capitale monégasque se veut être le centre du film mais ce qui étonne BiBi, c’est à quel point Eric Rochant ignore la vie du Rocher et ses quadrillages d’airain. Rappel 1 : la Cité du Prince Albert n’est pas loin d’être la ville au Monde où l’on peut compter le plus grand nombre de caméras de vidéos-surveillance. Tu traverses hors des passages cloutés. Dix flics te sautent à la gorge. Comment Eric Rochant a t-il pu l’oublier ?

Le constat à la vision du film sera donc souvent le même : les scènes importantes (de jour, de nuit) sont des scènes impossibles. Il faut faire un gros effort pour imaginer (apprécier, intégrer) les poursuites et les filatures entre voitures surpuissantes. Tous ces mouvements incongrus dans ce merveilleux Paradis fiscal se font sans encombre, sans interventions de la Police locale : impossible.

Deux scènes comiques.

       1. Jean Dujardin(ov) trucide le méchant russe dans un ascenseur. Voilà une bagarre nocturne et bruyante qui ne réveille ni le concierge, ni le voisin banquier, qui ne dérange ni le vigile de l’immeuble, ni les blanchisseurs de Berlusconi. Tout ce remue-ménage (qui fait un mort – à traîner jusque dans un coffre de voiture mal garée) ne fout la tremblote à aucun écran policier.

       2. Dans une autre scène, on voit un cadavre attaché au portail électronique d’une Maison Upper Class. Celui qui a fait le coup ne sera ni vu, ni connu, il ne sera ni filmé ni enregistré sur les écrans de surveillance alors que Monaco est l’empire de l’Ecran. On le devine à voir les immenses salles aux milliers d’ordinateurs de l’Entreprise de Traders où travaille Cécile de France. Rappel-BiBi 2 : la Police monégasque est la mieux armée au Monde pour repérer le simple vol d’une mouche ou le moindre mouvement de malfrats. Monaco-sans-flicaille-derrière-écran est un Conte de fée.

Finalement… Möbius est peut-être bien justement ça : un conte de fée.

Jean Dujardin.

Double jeu. Triple Jeu. Aux masques des espions, Rochant en rajoute une louche dans la complication. Complication pour Jean Dujardin de jouer le Ruskoff. Dujardin – emblème du Frenchy – va d’un rôle à l’autre : un jour playboy muet (The Artist), un autre jour espion polyglotte. Pourquoi pas ? Mais on a du mal… pas pour sa souffrance à résoudre son Œdipe moscovite. Non. Plutôt pour cette impossibilité fictionnelle du spectateur à entrer en empathie avec lui. Bref à l’adopter. On enviait la désinvolture et les bouquets de fleurs de l’espion Cary Grant. On reste indifférent aux chrysanthèmes Dujardin.

Et puis l’héroïne, Cécile de France.

Cécile de France

Dieu, qu’elle en met du temps à jouir deux fois de suite ! Godard avait bien raison lorsqu’il disait que le succès des films pornographiques venait du fait que les films ordinaires ne savaient pas filmer les scènes d’amour. Au lit, avec draps de soie, corps en gros plan, impeccable barbichette du jardin, on se croirait dans un interminable spot publicitaire, dans une Storytelling pour parfum machiste ou pour lames de rasoir Gillette. Le cri-BiBi : «A mort la Pub !»

Clichés 1.

Dans l’ordinaire des films d’espionnage, pourquoi faut-il que les Oligarques russes et les Méchants ex-KGB aient toujours la même mine patibulaire et les mâchoires serrées ? Pourquoi voit-on toujours les transfuges de la CIA surveillant les Oligarques russes mais… jamais l’inverse ? Pourquoi les pères américains (celui de Cécile) sont toujours de braves et gentils z-américains ?

Clichés 2.

La petite jeune, «Cécile ma fille», est belle, fragile, délicate. Elle traverse ce Monde de brutes sans jamais donner l’impression d’avoir peur. Parfois, en jeune femme moderne, elle branche sa WebCam haute définition pour communiquer avec Daddy car elle adore son PapouNet. Contrairement à Jean Dujardinov, Cécile, elle, a un Œdipe positif. Question : pourquoi ce sont toujours les fils russes qui ont un Œdipe négatif ?

Que dire aussi des seconds rôles, des espions de deuxième zone… sinon qu’ils sont d’une insigne et invraisemblable maladresse ? A dix mètres de l’action, ils ratent tout ce qui bouge devant eux. Allez, hop, direct au Pole-Emploi (ou au Goulag) non ?

Dernières images.

Mobius Final

Au final, j’ai quand-même compris la définition de Wikipedia : je venais voir un film d’espionnage (façon Les Enchaînés de Hitchcock, façon Cary Grant, façon Grace de… Monaco, façon John Le Carré – c’est Eric Rochant qui le dit) mais je suis tombé sur un remake de Conte de fée. Un plagiat imagé de la Belle Au Bois Dormant.

Nous sommes dans la scène la plus impossible du film, la dernière, celle de l’Amour retrouvé – comme fut retrouvée l’Eternité rimbaldienne. C’est un peu la Mer/Cécile/Allée avec le Soleil/Dujardin. Cécile se réveille en Belle au Bois Dormant. Jean, lui, est sorti du bois : ses yeux clignotent, son coeur bat très très fort, il embrasse sa Belle, leurs corps vibrent à l’unisson et oui, oui, croyez-moi, voilà Cécile qui renaît instantanément et incroyablement à la Vie. L’Amour ! Ah, l’Amour ! Aucun doute : l’Amour est un miracle.

*

Chacun connait cette petite histoire : «Le premier homme qui raconta que la Femme était une fleur était un poète. Le second à le dire restera éternellement un imbécile». Poor ! Poor Eric !

12 Responses to Möbius, le film d’Eric Rochant.

  1. rosaelle dit :

    Respect: chaque fois que je vois film français et auteur en vogue style sponsorisé Ministère de la culture, je fuis…ventre à terre…
    Mais voir un tel film jusqu’au bout…c’est du dévouement ou du masochisme, au choix…je plaisante bien entendu.
    Donc respect!

  2. Bien, à éviter.

  3. BiBi dit :

    @Rosaelle

    Je ne sais pas s’il faut fuir systématiquement ventre à terre devant les films estampillés Ministère de la Culture. A y regarder de près, il y en a surement qui sont très bien.
    Lorsque je vais voir un film, c’est toujours la curiosité (donc un a-priori positif) qui me pousse dans les salles.

    En écrivant sur les films (découverts sur grand écran), je ne parle que de ce que j’ai vu. Avec cette défiance maximale d’essayer de remballer mes opinions personnelles, mes préjugés avant toute entrée en salle.

  4. Robert Spire dit :

    « L’Amour est un miracle »…Un peu léger pour vriller la pellicule en ruban de Möbius.

  5. lediazec dit :

    Si « l’Amour est un miracle », monégasque, bien sûr, cette critique est un modèle d’épargne, ou comment économiser une entrée cinoche.
    Je fais circuler.

  6. Robert Spire dit :

    Ce matin en passant à ma librairie préférée, j’ai feuilletée le JDD du jour et j’ai immédiatement pensé à « Bibi ». Je crois que ce numéro peut alimenter quelques savoureuses chroniques, car à mon sens, il réhausse le record de point de chute de la connerie dans les domaines de la politique, du spirituel, du sport et de la culture! (De savoureuses pages sur le prochain pape noir…??)

  7. BiBi dit :

    @Robert Spire

    Il est des dimanches où, levé bon pied bon oeil, je saute sur ce canard-laquais et prend un plaisir latent et manifeste à le plumer.

    Il est des dimanches où rien que de penser à ces Journaleux (citons : Jeudy, Viguier, Valdiguié et tutti quanti) tous à genoux devant Maitre Lagardère, cela me provoque instantanément des nausées et autres coliques.
    Ce dimanche, je les oublie.

  8. Greg dit :

    Hello.

    Il y a un truc que j’ai pas compris.
    Pourquoi nous explique-t-on que Jean Dujardin a trahi son mentor ? Et en quoi Alice a trahi Jean Dujardin ?

    Merci

  9. BiBi dit :

    @Greg
    J’ai cru comprendre qu’en fait le « mentor » de Dujardin n’est pas Alice mais le Boss russe qui l’a formaté. Et c’est donc lui que Dujardin a trahi.

  10. Greg dit :

    Merci de votre réponse.

    Mais je ne comprend toujours pas. Il est clair tout au long du film que le boss de dujardin est son formateur. Mais en quoi l’a t’il trahi ? et en quoi alice a t’elle trahi Jean Dujardin ?

  11. BiBi dit :

    @Greg
    Il semble que Dujardin en allant au Canada ait eu l’intention de s’allier à la CIA et que dans cette réunion finale, Alice euh euh… 🙂

  12. Greg dit :

    Je ne suis pas d’accord. On ne voit pas cette scène. De plus Jean dujardin n’a pas l’intention a trahir son boss. il l’a trahi a son issue, ce qui le déprime…

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