Des antidotes à la peur : l’inventaire-BiBi.

COURIR

La peur. La peur qui obstrue tout jugement. La peur dont on sait qu’elle peut être une arme de dissuasion massive contre tout éclairage, toute volonté d’explication et de compréhension. La peur, indiscutable, qui vient figer nos corps ou qui accélère notre pouls. La peur qui n’en devient que plus redoutable lorsqu’on se sent isolé. Car la solitude renforce ce sentiment de peur, de cette peur qui n’a rien de pathologique. C’est pour cela qu’il est bon de voir, de lire tous ces messages, ces digressions, ces lettres, ces tweets, ces blagues qui cachent le désespoir, ces sentences sentencieuses, ces éclats de rire, ces coups de colère, bon de parler même à ceux qui n’écoutent que d’une oreille distraite, bon de se répéter…

TS Lawrence écrivait justement ceci : «J’avais peur d’être seul et d’offrir aux vents du hasard une âme vide qu’ils emporteraient». Et lorsque la peur s’incruste, insiste, perdure jusqu’à vous rendre blême du Matin-Courage jusqu’au Soir-Désespoir, il faut faire un énième effort. Sans se voiler la face : le chemin sera long – c’est une épreuve – pour suivre jusqu’au bout Georges Haldas écrivant ceci : «C’est quand on se sent le plus ravagé intérieurement qu’il faut accomplir avec le plus de minutie nos devoirs quotidiens».

Citoyen

Encore sidérés, encore dans le saisissement, à l’orée de retrouver ce Sens qui réanime, revitalise, vers quoi se tourner pour mettre cette peur à distance ? Tout est bon pour refaire surface : tes proches, tes enfants, tes amis, tes collègues, tes voisins, ton boulanger, ton marchand de journaux et aussi, tes lectures.

Tu fais le tour de tes lectures : Twitter, les journaux (canards-laquais y compris), tes sites, tes amies blogueurs, tes échanges-blogueuses. Tout est bon. Voici donc cet inventaire-Bibi de ces derniers jours :

Le Monde Diplomatique. «Ébriété guerrière». De qui cette analyse assez juste ? «Depuis la seconde guerre mondiale, quelques-unes de nos erreurs les plus coûteuses sont venues non pas de notre retenue, mais de notre tendance à nous précipiter dans des aventures militaires, sans réfléchir à leurs conséquences». De… Barack Obama lui-même.

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ETAT D'URGENCE

Mais les sirènes hollandaises ne poussent plus cette même chansonnette. On se précipite, on raisonne à la façon de GW Bush, on s’affole devant les élections qui arrivent, on veut jouer les gros bras et les Monsieurs Muscles.  Rappelons à juste titre que «gouverner, c’est prévoir». Or… a-t-on seulement essayé de comprendre les effets-boomerangs des interventions militaires de la France au Mali, Centrafrique, Tchad, Lybie, Syrie ? Analyser ? Prévoir un peu ? Réfléchir du côté des responsables politiques «aux motivations de leurs adversaires et aux dynamiques qu’ils engagent plutôt que d’enchaîner les rodomontades dans l’espoir éphémère de conforter leur popularité flageolante» ? Ben… non. Aucunement. Et cette lecture semble continuer lorsqu’on propose des camps d’internement pour les suspects de terrorisme ( comme le LR Laurent Wauquiez).

Trévidic

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Quant aux débats «intellectuels» à venir, à la présence de grands penseurs en cette période trouble pour y voir clair, rien de mieux que de lire ce papier de Pierre Rimbert. Oui, dans ce champ intellectuel et médiatique, nous continuerons à assister aux formes exacerbées du Spectacle :

« … Les journalistes dénoncent avec force la «transformation par les médias de certains «intellos» en marque de fabrique, en petite entreprise polémique» (Le Monde, 20 sept), comme si leur propre activité éditoriale était parfaitement étrangère au problème. «Vous êtes partout !» reproche Léa Salamé à Onfray, lequel n’a tout de même pas imposé sa présence à l’animatrice de l’émission «On n’est pas couché». Deux semaines plus tard, Salamé objectera d’un ton de réprimande à Finkielkraut : «Vous faites vendre !», un trait que les concepteurs de ce programme ne tiennent pas d’ordinaire pour une maladie honteuse (France 2, 19 sept et 3 oct 2015). Et quand Libération (17 et 18 oct) consacre à la querelle un troisième dossier dressant sur sept pages le «portrait d’une nouvelle génération d’artistes et d’intellectuels de gauche, prête à affronter les polémistes ultramédiatisés», on devine que l’affrontement prendra la forme d’un spectacle : parmi les jeunes héros méconnus sélectionnés par Joffrin pour terrasser la réaction en charentaises se trouvent Thomas Guénolé, consultant multimédia, Raphaël Glucksmann, néoconservateur régulièrement portraituré dans la presse, Cynthia Fleury, habituée des plateaux télévisés. «People» contre «people», la vie intellectuelle prend un tour trépidant».

Gageons que toutes ces polémiques poudre-aux-yeux s’évanouiront devant l’Union Sacrée exigée, imposée contre le Terrorisme. Ce beau petit monde applaudira à l’unanimité aux mesures sécuritaires vallsiennes et dénigrera les Vilains de la Gauche Radicale qui font – dans notre pays – le lit des terroristes.

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FRONT

Et on peut déjà regretter que les analyses de Laurent Mucchielli, sociologue de premier plan, directeur de recherche au CNRS, spécialiste des questions de sécurité ne soient pas plus amplement répercutées.Mucchielli

«Une fois passée cette phase d’urgence, se pose la question à la fois de la légitimité et de l’efficacité des mesures d’exception. C’est le travail des services de renseignements qui est le plus efficace dans la lutte contre les réseaux terroristes. Pas le déploiement de l’armée, l’armement des polices municipales ou autres surenchères politiciennes et médiatiques. Et cette lutte antiterroriste ne dépend pas d’une énième loi sécuritaire ni de la durée de l’état d’urgence».

Et l’on découvre – avec effarement – l’entretien de Marc Trévidic, l’ex-juge anti-terroriste à Paris-Match, entretien qui date du 7 octobre 2015, soit 40 jours avant le vendredi noir parisien.  Versons au dossier ces 2 extraits :

Paris Match 2

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Paris Match 3

 

… et ces trois autres papiers :

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