Stéréophonie de Café.

*

J’étais à ma table, perdu dans la stéréophonie du Café. Tout autour, des paroles par bribes, des propos saisis au vol, des voix criardes, lointaines, étouffées, sons doucereux, embrouillaminis. J’avais apporté mon carnet de notes. A la page Georges Haldas, me suis arrêté. Le visage du vieux bonhomme m’était revenu avec force. Son timbre de voix, sa patience, son écoute aussi. Et encore cet extrait : «Se laisser porter au Café, comme une barque, par la marée humaine. Des présences et des voix».

Vint alors la suite : flux et reflux de son écriture. Travaux d’orfèvre à la relecture, avec, pour seules visées : vivre, c’est-à-dire, être toujours plus ouvert au monde en devenant toujours plus soi-même.

ECRIRE.

«Écris vite, car le radeau commence de s’enfoncer».

«Ecrire, par moments, est une respiration».

ECRIRE (bis)

«On n’écrit tant, non par abondance (ce qui parfois arrive). On n’écrit tant que parce qu’on n’arrive jamais à dire ce qu’on voulait dire. Et qui précisément ne peut l’être. Ce par quoi on est porté. Et dont on s’aperçoit qu’à peine on a lâché deux mots, on l’a trahi. Alors on recommence. En espérant « faire mieux la prochaine fois » ! Tout en sachant, par devers soi, qu’on ne fera pas mieux. Et c’est cela que les naïfs appellent «faire une œuvre». Laquelle n’est en réalité que le Monument de nos échecs. Par quoi on a essayé en même temps – et là est le vice – d’éluder la mort».

ECRIRE (ter).

«Bonnes conditions pour écrire que l’hostilité du milieu ambiant ; l’indifférence ; le rejet ; l’obscurité, la solitude. Qui nous obligent à nous rassembler en nous-mêmes, à nous surpasser pour faire face. Alors qu’on a tendance dans la compréhension, l’accueil, la reconnaissance, à se laisser porter (quand bien même on veille au grain). Te voici dans les meilleures conditions de travail : obscurité ; hostilité du milieu ambiant ; indifférence etc.»

PLAIRE, VOULOIR PLAIRE.

«L’ennui, avec nous autres gens qui écrivons, est qu’en cherchant la vérité nous souhaitons, en même temps, plaire. Sans l’avouer. Ce qui est pire. Bien entendu, on échoue. Ce qui est loin d’être un mal. Mais nous expose seulement au ridicule. Nous enlevant par là tout crédit. Comme de petits Tartufes».

LIRE (les livres d’écrivaillons).

«On ne lit pas trois lignes de lui qu’on pense à une bibliothèque. Pas à la vie. Et son écriture, habile, aisée, trop aisée est purement intellectuelle, égale à elle-même, aseptisée. Pas de houle, pas de chocs, pas de changements de rythme, pas de radioactivité, pas de régime sismographique avec alternance de tensions violentes et d’andante. Non, pas de vie. De l’idée. Il dit exactement ce qu’il veut dire. Qui ne suscite ni échos à l’infini, ni prolongements. Il ne fait surtout pas rêver. Pas d’au-delà à son propos. Il nous informe. Il ne nous émeut pas. Il ne fait pas vivre. On le reçoit avec la tête. Le corps demeure absent. Je veux dire : intouché. On ne participe pas corps et âme, à son propos… qui reste un propos intelligent, avisé, non une parole de vie (…) Il n’est pas dépassé par ce qu’il dit. Il en est le maître, pas le serviteur. Et là est sa terrible faiblesse. Il aura beau multiplier les livres, et à moins qu’une cassure n’intervienne dans sa vie, un typhon qui ravage à la fois et fertilise, il ne sortira pas de ce cercle frigide de l’intellectualisme».

DIRE LES CHOSES.

«Dire les choses comme on les sent. Comme on les pense. Comme on les croit. Ne pas chercher l’effet. Ni à convaincre. A prêcher. Et moins encore à enseigner. Que si ce qu’on dit correspond à ce que d’autres sentent, pensent, croient, un pont s’établira qui sera un commencement de vérité. Un commencement d’unité. Car, soit dit pour la centième fois, c’est de la vérité que naît la seule relation valable entre les êtres. Non de notre volonté, non de notre désir de «communiquer».

«Dire ce qui est – ou ce qui nous paraît tel – contre soi-même, s’il le faut, et pour personne. Et que, si les autres, en vous lisant, se reconnaissent, tant mieux. Ce seront sans doute de vrais lecteurs. Comme aimantés par la part de vérité contenue dans ce qu’ils ont lu. Des frères, si j’ose dire, en vérité».

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *