Numéro de Série (noire).

BiBi a longtemps collectionné les numéros de la Série Noire et de Série Blême. Pour compléter sa collection, il avait acheté l’Inventaire des 732 auteurs et de leurs oeuvres publiées répertoriées par Claude Mesplède et Jean-Jacques Schleret, dans la Collection Futuropolis. BiBi écumait les marchés aux Puces de France, cherchait dans les vide-greniers et amassait les numéros dans sa chambre, dans ses couloirs, son WC, son salon, sa loggia, ses alcôves, sa cave, son garage, sa mezzanine et sur ses étagères. Numéro après numéro. Il aimait admirer leurs tranches noires et se délectaient des titres. Et bien entendu, il les lisait… jusqu’à l’overdose même (15 à 20 par mois).

Entre Maurice Blanchot et Jim Thomson, il ne voyait guère de différences. Il lisait les deux. Les oeuvres du premier étaient des oeuvres de jouissance et les seconds de la littérature du plaisir. Jamais il ne put cependant être l’égal des Fondus du polar, de ceux qui fondent des fanzines, de ceux qui font des anthologies, de ceux qui créent des clubs, qui montent 813 associations, qui font des colloques et qui ouvrent des Salons. Il considérait le polar comme un genre efficace mais mineur, à l’égal des Contes de Fées. BiBi a vu aussi le genre s’abâtardir et venir en pôle-position dans l’espace concurrentiel et marchand du Livre. Les téléfilms avec privés, inspecteurs, commissaires ont envahi l’espace visuel et fictionnel. Le genre est devenu majeur, grand-public, à résonance sociale un peu réac. Trop tard pour aller débusquer les jeunes loups de la Génération montante. BiBi a aujourd’hui d’autres chats à fouetter.

Il reste qu’en tirant le numéro mille (Jim Thomson. 1275 âmes) d’une de ses étagères, il eut comme un brin de nostalgie en lisant la quatrième de couverture.

« Je m’appelle Nick Corey. Je suis le shérif d’un patelin habité par des saoulauds, des fornicateurs, des incestueux, des feignasses et des saloupiauds de tout acabit. Mon épouse me hait, ma maîtresse m’épuise et la seule femme que j’aime me snobe. Enfin j’ai une vague idée que tous les coups de pied qui se distribuent dans ce bas monde, c’est mon postère qui les reçoit. Eh bien, les gars, ça va cesser. Je ne sais pas comment, mais cet enfer va cesser. » 
                
Pour Nick Corey, BiBi ne sait plus mais l’Enfer de Jim Thomson, lui, a cessé le 7 avril 1977 à Huntington Beach en Californie.

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