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Maladie de la lecture, santé resplendissante.

Henri Valkenberg

En 1997, paraissait le livre de Roger Chartier, spécialiste de l’histoire du livre et de la lecture «Le livre en révolutions» aux Editions Textuel. Je ne sais pourquoi j’étais tombé en arrêt devant ce tableau d’un peintre hollandais (Henri Valkenberg) qui s’intitulait «Dimanche après-midi dans l’arrière-pays». 

Questions autour de la Blogosphère.

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Curieux : SarkoFrance vient découvrir qu’avec le Web, on ne peut pas tout et que misère de misère, «tout ceci n’est que du Web». Puis il constate (découverte récente ?) : «Et, voyez-vous, tous les électeurs et électrices ne sont pas «connectés».

Oui curieux que, jusqu’ici, il ait pu croire – avec son expérience de bloggeur politique ou de politique qui blogue – que le fait de tenir un blog, de dire, d’écrire des billets, de les transmettre via leur mise en ligne devait obligatoirement déboucher sur un sentiment révolutionnaire et que, ni une ni deux, le Petit Chef allait dégager illico de l’Elysée.

Finalement, SarkoFrance pose une bonne question : Quel pouvoir avons-nous ? (Nous = les tenants des blogs «politiques» ). Cette question n’est pas autre chose que de s’interroger pour savoir d’où l’on parle, écrit, transmet et comment on pourra agir le plus efficacement possible.

EN PREAMBULE.

D’où on parle ? PensezBiBi n’est pas un blog politique. BiBi s’interroge encore sur la définition (dominante) du mot «politique», mot qui, pour lui – il va vite – ne se réduit pas du tout à ce qui est nommé, dénommé, catégorisé en «politique». Ce qui est politique concerne la vie de la Cité et tous ses champs (champs «politique» comme artistique, sportif, culturel) qui y sont inclus. Dans l’appelation «blog politique», l’adjectif «politique» y est souvent un synonyme d’«étriqué », de «réducteur », un synonyme réduit hélas à «qui parle de politique».

Faire la critique du film «Les Petits Mouchoirs», parler de Michel Butor ou de Georges Haldas est aussi important que de décocher les Flèches anti-sarkozystes car BiBi a la faiblesse de croire que la Pesanteur de la Vie s’infiltre par tous les pores de la Société (libérale) pour la pérenniser et la conserver telle qu’elle est. BiBi est passé par les écrits de Farge-Chartier-Corbin-Foucault-Bourdieu-Boltanski et par leurs fourches caudines qui l’ont certes désenchanté dans son rapport au Monde mais qui – dans le même temps – lui ont fourni quelques tuyaux pour y voir un peu plus clair.

POLITIQUE, RESISTANCES.

Lui reviennent en mémoire ces deux belles ces sentences. Celle de Roger Chartier : «Les œuvres littéraires peuvent changer la façon de penser le monde et la société ou de considérer le passé». Celle de Marx : «Dès le début, une malédiction pèse sur l’esprit, celle d’être entaché d’une matière qui se présente ici sous forme de couches d’air agitées, de sons, en un mot, sous forme de langage». La «littérature», la peinture, le cinéma, la vidéo et autres lieux signifiants sont ces milieux, ces champs spécifiques où se déploient des résistances à l’Ordre et aux Formes établis. Déploiement des résistances. Du politique donc.

LE MONDE ENTIER.

Faut-il rappeler qu’écrire des billets de blogs n’est pas parler et dialoguer avec le Monde entier ? Et ceci, pour la simple et bonne raison qu’il y a inégalité dans l’accès (ou face) au Web. Et que, même en étant abonné au Web, il faudrait encore que la propre reconstitution de sa force de travail soit employée au minimum à lire les blogs.

Et autres raisons possibles : il faudrait aimer la politique, il faudrait aimer imaginer un intérêt et un plaisir à en faire (vs le climat de dégradation dans le Monde politique), il faudrait que le «politique» soit perçu comme une affaire intime et bienfaisante etc.

BiBi ne s’est jamais leurré : même avec près de 400 lecteurs par jour et 1050 billets en 3 ans, il ne s’est jamais enflammé sur l’influence qu’il a. Sur ses 400 lecteurs quotidiens, une majorité d’entre eux sont convaincus – d’avance – par ses billets.

S’ORGANISER ?

En conclusion, SarkoFrance lance : «Nous devons, nous Blogueurs, nous organiser». Mais tendanciellement, sans se l’avouer, les bloggeurs le sont… organisés ! La Blogosphère fonctionne déjà très bien en groupes affinitaires, en tribus, en LeftBlog, en Kremlin des Blogs ou République(s) des Blogs etc. Et même plus lorsqu’on se penche sur la Politique des Liens. Denis Szalkowski a raison lorsqu’il rapporte que «l’essentiel des blogs qui composent le Top 100 des classements Wikio sont amenés à commenter le commentaire qui, à son tour, est commenté par des commentateurs ! (…) On n’oublie pas de faire un backlink vers le blog de son «ami».

Une organisation très organisée qui finalement donne le sentiment de tourner en rond. Les bloggeurs parlent aux bloggeurs. Et les bloggeurs répondent… aux bloggeurs.

Et lorsque le Wikio, organisateur de tous ces liens, disparaît, la déprime n’est pas loin : «Wikio disparaît, c’est déprimant, dit un tenant de blog, on s’était habitué au classement et aux pages d’accueil bien notées». La Vie d’un blog, la vie d’un bloggeur dépendant d’un Hit-Parade : misère !

UNE REDECOUVERTE DU REEL.

Comme l’écrit Monique Dagnaud, les 15-30 ans sont «une génération qui a commencé son apprentissage de la vie avec les outils informatiques». Aujourd’hui, les bloggeurs influents touchent à la Quarantaine. Eux aussi élevés au Web – un Web qui penche à «Gauche» – ils pensent que leur désir est la Réalité mais les faits sont têtus. Nous voilà en pleine période pré-électorale : on s’est enivré des Primaires et on a commenté le moindre mouvement de la Merkozy, on s’est renvoyé des tweets ironiques, on n’a pas hésité à faire et à écrire «cynique», on a cru voir le Soleil se lever etc.

Et voilà qu’on découvre que le Réel n’est pas si malléable que ça, que Sarkozy garde ses chances d’être réélu et que – malgré X billets anti-Sarko – le Dragon est toujours là et pas encore terrassé. Leurre de croire le Pouvoir à l’agonie, dangereuse croyance à le croire prêt à trépasser alors que le Pouvoir et ses Chiens de Garde se sont réorganisés autour des nouveaux Médias et qu’ils en sont beaucoup moins effrayés. Des petites preuves ? L’arrivée par exemple d’Atlantico sur le Marché politique du Net ou encore les petits malins de bloggeurs de Droite qui jouent amicalement avec des gens de gauche, qui s’installent dans leur blogroll au nom de l’amitié etc, etc.

PENSER PAR SOI-MËME.

Le déficit est là : dans la pensée. Ici encore le juste constat de Monique Dagnaud : «[Les mouvements nés du Net] ont une grande capacité à s’organiser pour protester – comme l’attestent les mouvements des «indignés» -, ils impulsent des valeurs émancipatrices, mais leur capacité à peser durablement sur la scène politique reste à prouver». Hé oui, la protestation n’est pas la Pensée, n’est pas le Don de Sens.

Et contrairement à ce que pense SarkoFranceIl faut donc sortir du Net, trouver les caisses de résonance adéquats hors du simple cyberespace: presse, radio, TV, livres»), il faut ni en sortir ni faire en sorte de s’y enfermer mais… il faut combiner le Net (son blog) avec une prise de position pensée et réfléchie qui ensuite – espérons-le – débouche sur l’action (hors du Net). Quant à dire comment se comporter, BiBi n’en dira rien parce que c’est à chacun de se démerder, que c’est à chacun de penser son rapport au Monde, de choisir ( un peu), de s’engager, d’agir pour que ce foutu Monde change (un peu, beaucoup, passionnément).

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Les deux photos de bloggeurs sont de Gabriela Herman.

Zig-zags à la lecture-Twitter.

Lorsque vous décidez de vous promener dans Twitter, lorsque vous faites des incises pour aller lire les billets de vos collègues-bloggeurs ou ceux qu’ils vous signalent, c’est comme une farandole, comme les tours de manèges de chevaux de bois, ça tourne, ça tourne et ça finit par vous retourner.

Un big bordel que ces 140 caractères, nouvelle sorte d’écriture mais aussi de lecture. Arrêt du regard sur les repères : des signalisations bleutées qui prennent la moitié du Tweet, fouillis de lettres inégales. Un début de rire ou de sourire aux bons mots des Accros du Gazouillis.

On se déplace d’un sujet à l’autre à grande vitesse et puis, mains au clavier, on y va, on fonce, on répond et on y entre. Voyez en quinze hallucinations  comment on y danse.

1. Acrimed : l’article d’Henri Maler sur BHL.

Si BiBi avait le temps, il sortirait lui aussi les crocs pour dire combien ce Bernard-Henri Lévy, ce Rapace, tient les réseaux parisiens (donc nationaux), combien est puissante cette instance de consécration et de censure inimaginable. Mais entre les dîners de l’Atlantique, les collations chics du Siècle, BiBi est au bord de l’indigestion. Il laissera à Acrimed le soin de détailler le menu du Café de Flore, là où l’on fêtait les 20 ans de la «Règle du Jeu», revue de littérature et de copinage.

2. BiBi ne sait plus comment il atterrit alors chez Roger Chartier, un historien qui sait remettre en perspective historique les mouvements nouveaux autour de la lecture. De son côté, François Bon, rappelant la phrase de Walter Benjamin («Tout indique maintenant que le livre sous sa forme traditionnelle approche de sa fin» ) met BiBi à rude épreuve. BiBi se dit aussi qu’il lui faudra aussi re-parcourir les ouvrages de ses historiens préférés Arlette Farge et Alain Corbin ( «L’homme dans le Paysage» une perle chez Textuel). Ne pas oublier.

3. Tiens… à retenir la phrase de Gilles Deleuze offerte par Vogelsong : «On nous apprend que les entreprises ont une âme. Ce qui est bien la nouvelle la plus terrifiante du monde ».

4. Pensée pour l’ami proche, Bernard K., traducteur de Thomas… Bernhard avec cette mise à l’épreuve pêchée sur Oeuvres Ouvertes. Elle est de Laurent Margantin qui s’escrime autour du titre d’un court récit de Kafka. Comment traduire : «Das Gassenfenster» ? Essayez un peu voir ! Sacré bordel que le travail intellectuel (qui est un vrai travail) !

5. Une envolée marine pour OhOcéane qui a fait une chute malencontreuse : «Lautréamont écrivait : «Je te salue, Vieil Océan ! ». BiBi le plagie: «Je te salue, toute jeune Océane !». Une vidéo pour Jean-Luc Godard, c’est son 80 ième anniversaire FilmsFix Fix. Un salut à Thierry Crouzet pour son article très juste sur Wikio…(ça y est : BiBi a fini son livre «Le Peuple des Traducteurs»)

6. Une colère contre Alain Bauer, franc-maçon, lèche bottes de Chouchou et réponse-BiBi en échos lointains.

7. Un Big souvenir à la lecture d’une ex-secrétaire de rédaction sur Europe 1 dans les années 70. Dépôt d’un com chez Ruminances.

8. Et hop un nouveau tweet-BiBi très pulsionnel :  «Maintenant qu’Olivennes est le laquais de Lagardère, qui en face de lui dans les duels de @FranceInfo ? Sébastien Fontenelle ?»

9. Deux secondes de fierté pour les billets-BiBi retenus sur les deux journaux en ligne de Politiclub.be et de Romain Pigenel.

10. Trouver un moment – sois rigoureux BiBi, ne te disperse pas lui dit Jeremie Cricket – pour suivre le gazouillis de Val Do «Casssandre, désormais, c’est aussi disponible en numérique pour les numéros épuisés !»

11. Devant le revers à quatre mains des tennismen français (la télé-BiBi est allumée), un tweet-BiBi dominical : «En tennis, la France dévisse 🙂»

12. Une méchanceté qui fait du bien sur Chouchou et sa Princesse Botox : «Il parait qu’on a aperçu une Dinde et un Dindon d’Inde près du Taj Mahal, venus tout droit de la basse cour élyséenne». Et une autre sur Grégoire Verdeaux, laquais de la Com de cette même Princesse. Monsieur Verdeaux a ouvert un blog : «Comparez l’autobio de Grégoire Verdeaux, conseil com de Carla avec la bio écrite sur lui par BiBi !
Et une troisième perfidie pour Drut et Killy qui «découvrent» la Mascarade Annecy2018. «Ils auraient mieux fait de lire les articles-BiBi là dessus». Par ex http://bit.ly/78PO1Z

13. Un constat qui fait boomerang : « Depuis que j’ai écrit «Les Seins de l’Arlésienne» les sites de sex-toys écolo, de menottes roses me tombent dessus ! »

14. Un polaroïd dominical : indication à @19Sixty3 «Cher David, il y a là de belles photos d’une photographe de 23 ans».

15. Un cadeau pour Mtislav chez qui BiBi a posé un com sur ce 25 novembre 2005 qui vit le décès de Georgie Best. L’Irlande était en deuil. Cinq années déjà que BiBi fit ce voyage dans les brumes de Belfast, la grisaille de Sligo, le brouillard de Dublin et les souffrances muettes de LondonDerry. Ce jour-là, sur les ondes, dans les journaux et sur les écrans de télés, chacun rendait hommage au footballeur de Manchester United, racaille sortie des faubourgs qui brûla sa vie dans les dribbles inédits et l’alcool à 90 degrés. BiBi promit à Mtislav la photo d’une Une. Ce jour-là, dans le froid de Belfast, les journaux n’affichaient que lui et les couronnes de fleurs s’élevaient sur la Place centrale à des hauteurs célestes.

Ouvrir l’œil, tendre l’oreille.

Arlette Farge

Lecture croisée de BiBi pris entre l’homme de théâtre Valère Novarina et l’historienne Arlette Farge. Drôle de tumulte à leur lecture…

BiBi avait à peine fini le dernier livre de l’historienne Arlette Farge («Essai pour une histoire des Voix au 18ième siècle» chez Bayard) qu’il a tiré de ses étagères le Dictionnaire du Chablaisien du Docteur André Depraz. Celui-ci y a repris les mots qui courent dans les montagnes hautes savoyardes (en 30 chapitres).

Ce dictionnaire s’ouvre par une étincelante préface de Valère Novarina : «Nous avons le même mot entendre pour désigner à la fois ce qui est de l’ouïe et ce qui est de l’intelligence ; cela signifie bien que la pensée écoute et qu’elle va toujours au plus près de la chair des mots ; c’est ce qui la distingue de l’idée, de l’opinion : l’opinion suit une idée, elle est toujours univoque, plate, machinale et sans volume, sans paradoxe et sans croisée – et c’est ainsi, aux normes, commode à emballer et propre à la pasteurisation qu’elle s’exprime, se monnaie, se répète et se vend ; alors que la pensée respire, entend, va creuser avec les mots, court dans la langue même, va jusqu’à se perdre et invite au voyage ».

Avec Arlette Farge – à qui, en des temps plus anciens, BiBi avait écrit au sujet des Possédées de Morzine – on part en voyage avec un guide exceptionnel. On traverse le 18ième dans le tumulte. Ici, des murmures et grondements critiques, là des propos dits blasphématoires (contre Dieu, contre le Roi), ailleurs toujours ce bruit persistant des voix populaires, l’éloge de la conversation, les cris des possédés de Bicêtre, les babils des enfants, les cris publics non confondus avec la clameur publique, la reprise des rapports -tout en voix – entre hommes et femmes «agacées».

On reste en arrêt sur les magnifiques pages du chapitre 4 qui font passer le «souffle des passions souffrantes» (voix des plus faibles, des prisonniers, des aliénés). Arlette Farge creuse là en profondeur et donne à entendre… grâce à un travail magistral sur archives (y sont rappelées au passage les infinies mais vivantes précautions méthodologiques).

Il y a là, en condensé, toutes les difficultés de la recherche historique et tout le courage d’Arlette Farge. Jamais impuissante face aux preuves bien ténues, Arlette Farge veut «dire le malheur» pour lui faire rendre gorge. Elle met sa voix d’historienne singulière au service des Sans Voix. Pas seule pourtant, puisqu’elle se retrouve dans le sillage de Geneviève Bollème (BiBi avait lu de celle-ci une captivante étude sur Flaubert), de Michel Foucault et de Roger Chartier.

Une fois de plus, Arlette Farge a émerveillé BiBi, du Goût de l’Archive à ce petit livre sur Watteau ( Magistral «Fatigues de la Guerre»), du Cordonnier de Tel-Aviv à la Fracture sociale. BiBi ne saurait terminer ses propos laudateurs sans rappeler la magnifique intervention de l’historienne dans un article mis en ligne (« Les plus pauvres portent des écrits sur eux »)»