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Européennes 2019 : livraisons en vrac.

La distance.

J’ai participé à beaucoup de samedis avec les gilets jaunes et j’ai souvent bataillé pour contrer les opinions et les idées lepénistes. Sorti de mes tweets vengeurs et lancés à bons comptes, j’ai dû me résoudre à aller au charbon. Ce qui m’a fait dire – a posteriori – qu’il y a un certain silence dont on ne parle pas trop chez les gens de gauche  : c’est la peur d’aller se coltiner la rudesse des propos de ces «gens-là». Et c’est effectivement très rude. Une peur que j’explique par le fait que beaucoup de gens à gauche appartiennent à une couche sociale plutôt aisée qui pense qu’avoir des idées justes (et le plus souvent, elles le sont) suffit à convaincre. Mais, leçons à tirer, j’ai remarqué qu’en ces face-à-face :

  • Il faut être tranquille (pas d’une tranquillité morale). Et on est tranquille que si on est en possession minimale d’outils de connaissance du Réel. Pour cela, exigences personnelles exigées.
  • Il faut une empathie (si ! si !) car, croyez-moi, ces «gens-là» ont des difficultés de vie et pas qu’un peu !
  • Il faut de l’entêtement à les interpeller et à les ré-interpeller (avec un peu d’humour-provoc’bibi). Et revenir les voir tous les samedis de manif’. Revenir dans le match, quoi ! (Les footeux comprendront).

Cette présence est bien éloignée des tweets distillés sur nos écrans par la Caste connectée. Il n’y faut pas une présence qui se satisfasse d’un évitement constant du corps-à-corps, qui se détourne de la rudesse langagière engagée dans ces rencontres en jaune. L’habitus fréquent d’une bonne frange de cette couche sociale de gauche, c’est d’être précisément dans la retenue, à distance des corps, à distance du vocabulaire de ces gens-là. Les vocables et la grammaire sont parfois bien éloignés de nos normes de la langue française, nous qui nous enorgueillissons de nos titres scolaires ronflants et de nos acquis culturels si admirables.

Peur donc d’être contaminé, d’en ressortir lessivé et malade. Peur de cette «violence» verbale qu’on serait (soi-disant) incapables d’affronter.

Mise à l’épreuve.

Lorsqu’on rencontre des abstentionnistes ou des gens de Droite extrême dans ces Samedis de lutte, on ne peut les esquiver d’un haussement d’épaules, d’un soupir prolongé et hautain, d’un rejet silencieux. Si on veut retrouver une place «révolutionnaire» au cœur des combats qui nous attendent, pas question de se taire.

Alors Que faire ? comme s’interrogeait Lénine. Pas de recettes miracle hors cette position : se mettre à l’épreuve, plonger dedans, rencontrer l’autre en… prenant appui sur nos outils de connaissances, sur nos trouvailles théoriques. C’est aussi se faire le porteur d’un projet politique collectif qui ne prolonge pas les illusions d’antan.

Gauche. Le poids du passé.

Vivre avec des illusions. Quel humain y échappe ? Illusions a posteriori mais combat juste sur le moment : en 1972, je soutiens le Programme Commun (bien foutu) avec l’union des socialistes et des communistes. Onze années plus tard, les communistes se sont faits laminer. J’assiste avec désolation au tournant 1983, à la cohabitation Chirac-Mitterrand (jamais apprécié), aux pleurs (pas les miens) des socialistes du 21 avril 2002 (résultats de la fascination libérale de Jospin). J’ai déjà des désaccords définitifs avec cette Union, me sentant obligé pourtant de voter Hollande 2012 (abstention 2007).

De ces perspectives mensongères, je n’en veux plus. Des Primaires de LA gauche, je n’en veux plus. De Glucksmann et de Place Publique colorisée en PS, de Jadot, de Hamon, j’en ai tiré la substantifique moëlle : une horreur traduite par ce hashtag #plusjamaisPS.

Gauche. L’avenir.

Se dégager de l’image d’une Gauche qui a composé avec les Réformistes, de cette «seconde gauche» qui a appliqué une telle politique rétrograde prendra du temps. N’oublions pas que c’est à travers ce prisme que les Français ont perçu la gauche pendant si longtemps. Quel poids à effacer !

Pour ouvrir une autre voie, pas d’autres perspectives que celle de la présence dans les luttes, que celle d’être aux aguêts des nouvelles façons de lutter du populo. Le spontanéisme des masses via le combat des gilets jaunes et via l’entrée de la jeunesse dans les combats écologiques sont des biens inestimables. Bien entendu, leur traduction politique ne l’est pas encore mais elle peut l’être si on réfléchit aux stratégies, si on les affine, si on les corrige sans complaisance.

Abstention.

Même dans les rangs de la gauche, on ne fait hélas pas toujours cas de l’abstention. Or l’analyse qui omet d’en parler (ou qui omet de voir ce qu’elle signifie) est d’emblée une concession aux idées dominantes. Oublier de l’inclure dans l’analyse entérine le discours des Puissants. Ce dernier veut que le futur du Politique se joue avec le duo LREM/RN. Cet oubli fausse l’image réelle du rapport des forces.

Regardons bien : RN est à 11,16% des inscrits et LREM à 10,72%. C’est loin d’être un raz-de-marée brun. Attention, loin de moi de diminuer l’importance de ce vote RN. On m’objecte : « Rien à foutre de cette analyse. Dans l’acte actuel de la législation électorale, Macron repassera en 2022». Certes mais quand on raisonne en pensant que le Politique se résume au seuls votes, on ira, à nouveau, au devant des graves désillusions. Car d’ici trois ans, il y aura des luttes (retraites, education, Santé, ADP etc) qui modifieront le climat politique.

Esbroufe des Medias et des sondages.

Pour nous enfumer, Le Monde Politique voulant absolument euphémiser cette grave, cette très grave désaffection des jeunes 18-34 ans (qui n’ont pas voté à 60%) omet de compter les votes nuls et blancs qui avec les 49% d’abstentions auraient passé au-dessus de la barre des 50%. Cela permet au Monde Politique… de s’en féliciter ! Leur but ? Mais glorifier notre si belle Démocratie !

Les sondeurs-menteurs, eux, se pavanent malgré leurs énormes erreurs. Pendant les cinq jours qui ont précédés le vote de dimanche, ils ont placé le Parti Republicain à… 15%. Jusqu’au 18h du dimanche, ils ont encore dit que la non-participation du scrutin serait sans précédent. Or le taux d’abstention (51% quand-même) a été le plus faible depuis des lustres.

Ecologie.

Les votants EELV n’ont pas voté pour le Parti des Verts mais pour l’idée écologiste.

On prévoit une alliance EELV/LREM. Certes, dans les projets, elle a déjà eu lieu mais elle se fera avec beaucoup de ruses fictionnelles : un coup, je suis d’accord; un coup, je suis en terrible désaccord. Mais la constante de ces positions bringuebalantes sera toujours de préserver l’essentiel de l’armature du Grand Capital.