Minutes heureuses.

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BiBi a eu un (fou)rire nietzschéen.
Quand le bourgeois Milliardaire se pâme devant l’Art, devant une phrase de Baudelaire ou devant une figure déchirée de Bacon, chaque sait qu’il n’est pas à sa place. Qu’il veuille amasser des valeurs côtées en Bourse ou s’enrichir de valeurs spirituelles, le Milliardaire est encore supportable (c’est la Loi de la Jungle d’aujourd’hui) mais sait-il seulement quelle prétention il atteint lorsqu’il se pique de poésie ou de peinture ? La prétention d’être l’égal du Poète et de la Poésie par ses avoirs. Pauvre et risible Milliardaire qui confond le verbe Avoir avec le verbe Être. Car un poète, lui, ne doit rien posséder.
BiBi s’est replongé dans le livre de Georges Haldas «Les Minutes Heureuses » aux Editions l’Âge d’Homme. Ces carnets écrits au jour le jour sont une inépuisable Source pour quiconque en devient lecteur. BiBi tire de ce puits des ressources insoupçonnées.
«Les pensées justes ne suffisent pas à faire un homme. Il y faut le caractère. Que l’étude est impuissante à former ».
Pensant à Gérard parti en cendres au Royaume des Démons et des Anges, BiBi lui adresse ces quatre lignes de l’écrivain : «Je voudrais écrire une lettre en disant : « Ô mes Amis, vous êtes mon seul bien. Contre vous, la mort, elle-même, ne prévaut pas. Car, acceptée, elle est encore une manière, pour moi, de fortifier ma relation à vous. »

Les Carnets de Georges Haldas datent de 1973. Trente six ans plus tard, tout est actuel, bien au-delà des fadaises du Jour et de l’Air du Temps. Georges Haldas s’assoit à l’ombre, au pied d’un olivier de Grèce. Au Chili, Pinochet se pointe et ses Militaires coupent les mains du guitariste Victor Jara. Le Conflit israëlo-palestinien fait rage.
«Autrefois, je portais à la Politique une attention tout intellectuelle et passionnelle. Je ne faisais que m’enrichir de ma préoccupation. Il en va, aujourd’hui, tout différemment. Je veux dire : la politique me fait mal au même titre qu’un homme rempli d’angoisse – et plus que d’angoisse – à la pensée que la femme qu’il aime est atteinte du cancer. Il est touché dans ses fondements, et ce d’autant plus qu’il est, devant le mal, voué à l’impuissance. Pendant que je lis, en ce dimanche après-midi, et que je rédige ces lignes dans ma chambre, je sens, au fond de la poitrine, comme une barre. Des hommes se battent, en cette heure, se tuent : arabes, Israéliens. Des femmes, des mères attendent et pleurent. De même au Chili. (…) Ce qui se passe, là-bas, vit en moi, ici, sous forme d’angoisse. Se manifeste en moi – région du sternum – par une étreinte dont je ne peux me dégager. Autrefois, je pourchassais les informations avec une sorte de voracité et d’ivresse. Je m’augmentais par elles. Je jouissais de cette augmentation. Aujourd’hui, ces informations, je les redoute presque. Chaque détail appris me fait mal. Accentue l’angoisse. Bref, se transforme en souffrance vécue. Je voudrais agir. Ne plus discuter, polémiquer, m’enfler de phrases etc. Jamais d’autre part, conscience plus aiguë des fatalités qui pèsent sur les hommes. Soumis à des conflits aussi dérisoires qu’inéluctables. Bref, c’est toute la condition humaine qui, à travers les évènements – la politique – parle ».

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