Incipit-Twitter (2) : « Elle me disait… »

Drap vert

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On croit souvent que le dialogue se fait à deux. L’on oublie cette instance qui fait trois : cette circulation entre l’Un et l’Autre, ce qui (se) passe entre vous et moi. Les mots sont cet entre-deux, de ces mots qui disent la nostalgie de l’homme regardant le soleil couchant, de ces mots qui disent le rire aux éclats féminins et la rage de l’enfant au seuil de son état d’adulte.

Ici, dans cet Incipit-Twitter (« Elle me disait… »), sont venus s’inscrire l’éclair, le grondement des Dieux derrière les nuages, la pluie qui fouette nos visages. Tweets en méli-mélodrames pour un second et dernier épisode qui – je l’espère – feront éclaircies.

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Stay

Elle me disait : «Je préfère les barques qui nous retournent aux sujets-bateaux»

Elle me murmurait : «Toi seul peut éteindre l’incendie lorsque les larmes brûlent mes paupières».

Elle me disait :« Parler à voix basse, toujours écrire  à marée haute ».

Elle me disait : «Je rêvais que mes phrases soient des tisons enflammés mais elles se traînent comme des limaces».

Elle me disait : «Creuse la question qui te creuse».

Elle me disait : «Si je brise le Silence, c’est pour recoller ses morceaux».

Elle me disait : «La fourchette écarte soigneusement les mauvaises idées. Le couteau, lui, les tranche dans le vif».

Mar

Elle me disait : « Les gens qui disent «Maman» au lieu de «ma mère». Les gens qui disent «ma mère» au lieu de «Maman».

Elle me disait : «Aux gens racistes, leur en faire voir de toutes les couleurs».

Elle me disait : «Même si tu es déchiré, ne reste pas bouche cousue».

Elle me disait : «Dans ce Monde qui n’est pas le nôtre, y mettre du sien».

Elle me disait : «Pauvre film que celui qui ne nous interpelle pas».

Elle me disait : «La nuit tombe et j’ai peine à me relever».

Elle me disait : «Et si le jour des Morts, on saluait non seulement les Vivants mais aussi le vivant que les Morts nous ont légué ?»

Elle me disait : «Le pire, ce ne sont pas ces cris de haine mais le fait qu’ils puissent passer inaperçus comme la cloche d’un tramway».

Elle me disait : «Tu peux échapper à l’espace. Jamais au temps. Les fous, eux aussi, vieillissent».

Elle me disait : «La pointure littéraire ? Celle qui sait chausser le pied de la lettre».

Elle me disait : «Mine de rien, je suis prête à tout ».

Elle me disait : «Nous avons bien peu de choses à dire mais pour les dire, nous avons besoin de beaucoup de mots»

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Elle me disait : «Quatre en Amour : l’un, l’autre, l’ombre de l’un, l’ombre de l’autre».

Elle me disait : «Les mots qu’on avale sans prendre le temps de les mastiquer».

Elle me disait : «Tu consentiras à l’existence de l’Ancien. Tu aimeras l’Ancien pour ça, pour le Présent qu’il t’offre».

Elle me disait : «Tu navigueras entre le sens sûr et la Censure. Laisse-toi prendre, laisse-toi mariner. Au milieu du mât, ne désespère pas»

Elle me disait : «Commencer par se dire que «Qui suis-je ? Où vais-je ? etc» ne sont pas des Questions mais des réponses».

Elle me disait : «Qu’il est bon d’être en vacances de soi».

Elle me disait : «La Solitude ? Je n’y crois pas. Car elles sont bien là, toutes ces Voix qui parlent en moi».

ECRIRE

Elle me disait : «Les mots s’installent lorsqu’une certaine rapidité égale une certaine lenteur».

Elle me disait : «J’aimerais que tu écrives des plagiats très originaux ».

Elle me disait : «Dans tes écrits, un peu plus de concentration, un peu moins de bavardage».

Elle me disait : «Sache une fois pour toutes que je me contrefous de tes raisons d’écrire».

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 « Elle me disait… » (Première partie).

Tremblé

5 Responses to Incipit-Twitter (2) : « Elle me disait… »

  1. Elle me disait : « Vivre ce n’est pas avoir peur de l’orage mais apprendre à danser pieds nus sous la pluie ».

  2. BiBi dit :

    @croisepattes
    Un souhait-bibi : que lecteurs et lectrices s’emparent de cet Incipit – comme toi – et le fasse grandir, enfler jusqu’à la démesure. 🙂

  3. despasperdus dit :

    J’aime bien cette série à la Perec. Bientôt réunie dans un recueil ?

  4. BiBi dit :

    @pasperdus
    Pour l’instant, c’est à l’instinct qu’Elle vient déposer ces petites phrases qui – je dois me l’avouer – ne sont pas trop moches à la relecture.

    Un recueil ?
    J’ôte cette idée de ma tête car il est possible – une fois cette idée dans la tête – que je me fourvoie à faire le Séducteur et que dès lors, j’arpente les Routes Superficielles.

    Donc, pour l’instant ( moment qui peut durer des siècles sans qu’un ou une éditrice vienne me chercher ou que j’aille la trouver) Elle me dicte, j’écris et advienne que pourra.

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