Bébert Spaghetti & Bernard la Nouille.

L’Homme d’Apostrophes

Il y a quelques trois semaines, nous avions eu la banderole du PSG «Bienvenue chez les Ch’tis». Nauséabond. Ce dimanche, nous avons eu droit à l’article en Une de Bernard Pivot dans le «Journal du Dimanche». Il avait quitté ses dernières pages pour s’exposer en pleine première page dominicale. Mêmes odeurs.
Son article, («Quand Spaggiari passait à Apostrophes»), a été écrit pour les 1.555.000 lecteurs du JDD et faisait dix fois plus grand que le minuscule bandeau qui célébrait Aimé Césaire, cet «homme qui faisait l’unanimité». Notre ex-animateur d’Apostrophes se glorifiait, d’un ton badin, d’avoir rencontré et filmé en son temps le Héros du casse des égouts de Nice lors d’un délicieux « Apostrophe-canaille ». Passe encore que le 3 juin 1983, Monsieur Pivot ait interviewé Albert Spaggiari mais que Monsieur Apostrophe, quelques 25 ans plus tard, vienne nous faire partager sa joie d’avoir fait un court entretien du malfrat « dans un minable hôtel de Milan », voilà qui relève de l’indignité honteuse et d’un aveuglement durable.

Examinons ce que vient nous dire Monsieur Apostrophes ?

Que Albert-la-Canaille, pareil à un héros de cinéma, «ressemblait à Oskar Werner, le Jules du film Jules et Jim de Truffaut», qu’il se faisait passer pour «écrivain car c’est une profession « passe-partout» (…passe surtout à Apostrophes) et que notre Héros aurait été formidable en vaurien des «Pieds Nickelés, fumeurs de cigares, eux aussi». Ah c’est vrai, qu’il aurait été magnifique cet Arsène Lupin en « provocateur, escroc, bon vivant et rigolard » ! Ailleurs Pivot insiste : « c’était un filou intelligent, plutôt sympathique, un faux fragile, un agité de la fanfaronnade, un accroc de la gloriole ». Bibi n’exagère pas : tout est de Pivot dans ce dithyrambe.Seulement l’essentiel est honteusement éludé, totalement absent.

L’essentiel ? Albert Spaggiari, ce «filou plutôt sympathique», ce «faux fragile» était un ancien de l’Indochine qui, jusqu’à sa mort en 1989, a affiché ses sympathies pour les Mouvements d’extrême-droite et les milieux nationalistes. Après le casse, mégalomane, il aurait affirmé avoir financé une association d’Amérique du Sud, la Catena. «Catena est véritablement une organisation de récupération des nationalistes dirigée par d’anciens SS et qui veut regrouper toutes les forces pour combattre le communisme et rétablir un certain ordre hitlérien. » Une provocation de plus ? » (1) On peut le penser mais les sympathies du bonhomme, elles, ne sont pas douteuses.

Le titre du film sur Spaggiari («Sans armes : ni haine, ni violence»), lui, ne laisse rien présager de bon. En d’autres temps, on avait eu Madonna déguisée en E.Peron où la chanteuse évita de nous parler de l’argent blanchi en Suisse de la diva argentine pour l’Internationale Noire. Là, Jean-Paul Rouve a du se tromper d’écran, confondant Albert avec Robin des bois. Avec les mêmes scénaristes amnésiques et les mêmes producteurs malades d’Alzheimer, on pourrait envisager d’autres films d’aventures avec héros bondissants et gentlemen-séducteurs. Pourquoi pas bientôt sur nos écrans : «Les Vacances de Darquier de Pellepoix à Vichy», «Les fabuleuses Tribulations de Paul Touvier» ou encore un remake d’«Un Eté 42» avec Maurice Papon ? Bastonner sans armes, faire de la politique sans haine et convaincre sans violence, ce pourrait être le credo en continu de ce cher Albert et de ses charmants amis.

Il y a une volonté bizarre, quasi-unanime pour célébrer le côté bandit-seul-contre-tous, Mandrin moderne, « héros » qui vole les riches,«Cyrano de Bergerac, fauché et généreux» (Cinéma-France.com) ou «looser flamboyant» (L’Express), pour forcer cet unique trait. Cette insistance est plus que trouble : elle vient oblitèrer le passé de ce membre de l’OAS qui avait pris pour sa défense l’avocat Jacques Peyrat, alors membre du Front national et futur maire de Nice. Que le personnage soit complexe, pourquoi pas ? Ce sont les droits imprescriptibles de la Fiction mais que veulent dire ces éloges (avec des réserves aussi vite avancées que balayées) ?

Qui Bernard Pivot croit amuser avec sa comparaison sans raison entre Spaggiari et chacun des trois Pieds Nickelés ? Monsieur Apostrophes va jusqu’à nous rappeler que pour Albert, ce fut Mardi-Gras tous les jours. Un grand gosse ! Un Amuseur qui avait gardé son âme d’enfant ! «Quelques mois après l’interview, rapporte Monsieur Pivot, Avenue Mac-Mahon, je m’entendis interpeller joyeusement par mon prénom. L’homme retira ses lunettes noires mais pas sa barbe ni sa perruque. C’était Spaggiari. Paris lui manquait».

Monsieur Pivot nous apprend aussi qu’Albert Spaggiari avait été surnommé Bébert Spaghetti au Collège. Faites attention Monsieur Pivot, BiBi, sans barbe et sans perruque pourrait bien vous apostropher de la même manière…
Du genre : «Ohé ! Ohé ! Bernard-la-Nouille

(1) Le Figaro du 14/04/08.

3 Responses to Bébert Spaghetti & Bernard la Nouille.

  1. Mrs Pô-wer dit :

    EXCELLENTE conclusion en forme de clin d’oeil culinaire..
    un peu abasourdie de références – mais une écriture belle et re-belle .
    J’adore, j’adhère !

  2. michelle brun dit :

    moi je n adhère pas du tout .. je te trouve gênant parfois Bibi malgré toute la sympathie que j’ai pour toi … ta critique est gratuite et vraiment non fondée Ce Monsieur est un homme bien …
    Pour bien des gens un sage … pour moi en tout cas .. Tes combats sont justes et je suis la plupart du temps en accord avec toi .. Mais pas en ce qui concerne ce Monsieur.

  3. BiBi dit :

    @MichelleBrun
    Je ne doute pas que Bernard Pivot soit un homme bien.

    Il s’agissait – le billet date de 2008 – de le reprendre sur son article du JDD où il encensait Albert Spaggiari, facho notoire. Là BP se glorifiait 25 ans après de ce scoop. Boooouuh ! Et je me demande encore aujourd’hui quelle place avait Albert Spaggiari dans la… littérature.

    Sur apostrophes et BP, j’ai aussi exprimé un autre point de vue que les applaudissements unanimes sur son émission. Pas du tout pour me singulariser mais plus profondément sur le sens donné à la littérature.

    Quant aux désaccords, d’accord… avec toi. Ma sympathie pour toi n’en est absolument pas affectée.

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