Crime de Fiction : 34 jours de prison.

Prison de Femme

BiBi se souvient avoir lu dans Libération, un certain 2 février 2002, un fait divers qui avait agité le Canada. Un adolescent de 16 ans avait été victime de brimades et d’agression dans son école. Il avait alors décidé d’écrire un texte de fiction dans lequel un garçon, harcelé de toutes parts, faisait sauter son école. Toute la bonne Société (rumeurs grossissantes, démesure des craintes parentales, gros yeux de la Police allant jusqu’à des perquisitions) avait poussé à une arrestation du jeune garçon qui avait ainsi passé 34 jours en prison. Des écrivains, des associations s’étaient mobilisés pour le sortir heureusement de là.
Lorsque des Sociétés entretiennent confusément les registres de réalité et de fiction, lorsqu’elles vont jusqu’à vouloir supprimer ou nier la dimension de fiction, il y a lieu de s’inquiéter. L’équation «histoire de meurtre = meurtre» devient intolérable.
«La fiction, écrit Leslie Kaplan, n’est pas seulement un droit – le droit de penser – (c’est-à-dire que toutes les pensées sont possibles, rien n’est interdit à la pensée), c’est aussi un moyen de penser». Dans un entretien datant de 2004, Abbas Kiarostami le cinéaste iranien déclare concevoir et créer ses œuvres «dans l’espoir de matérialiser une pensée, un concept ou une émotion à travers un médium».
Aussi devant une œuvre, un film (ceux d’Abbas Kiarostami, le cinéaste iranien), devant un objet, un tableau, un livre, on ne devrait pas privilégier les explications psy, sociologiques, biographiques; on devrait être prudent lorsqu’on veut ramener l’Inconnu à du Connu. Il serait préférable de considérer cet Inconnu dans sa nouveauté, dans sa rupture avec les codes visuels, auditifs, picturaux habituels. On devrait laisser se déployer cet Inconnu, cette Etrangeté familière, les laisser retentir en nous.

Longtemps après, on pourra s’entendre dire aux autres : «Vous savez, les films d’Abbas Kiarostami, les livres de Franz Kafka, les chansons de Léonard Cohen ont changé ma vie et je ne sais pas vraiment pourquoi».

Aussi, ne transigeons pas là-dessus : les Droits de la Fiction sont imprescriptibles.

Source photo :  crozadella.blogspot.com/2009/02/lunatic.html

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